Par Rémi Boyer, de l’association « Aide aux Profs »
Ce mois-ci, le témoignage de Michel De Bonviller nous permet d’aborder en premier lieu la question de la pénibilité des fins de carrières, qui constitue en fait le facteur principal de désir d’une seconde carrière pour la majorité de ceux qui nous contactent. Mais l’actualité nous donne aussi l’occasion de faire le point sur nos idées sur la seconde carrière.
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- Une seconde carrière, ou un véritable parcours de carrière ?
Les secondes carrières de Michel de Bonviller, ancien professeur de mathématiques
Ce mois-ci, le témoignage de Michel De Bonviller nous permet d’aborder en premier lieu la question de la pénibilité des fins de carrières, qui constitue en fait le facteur principal de désir d’une seconde carrière pour la majorité de ceux qui nous contactent.
Quelles ont été les étapes de votre parcours professionnel ?
« J’ai réalisé 5 ans d’études d’ingénieur ICAM (Arts et Métiers) avant d’exercer en 1968 la profession d’ingénieur de recherche en Mécanique des fluides pendant 2 ans. L’époque de 1968 nous avait rendus sensibles, mon épouse et moi, à l’écologie et à l’avenir de la planète, aux déséquilibres en terme de justice entre les pays industrialisés et ce qu’on appelait le tiers-monde. Nous étions alors persuadés qu’il fallait changer de mode de vie (nous étions bien des enfants de 68 !). Il nous a paru que les changements se feraient à travers l’éducation des enfants, qu’il n’était plus temps de développer des techniques, mais de se changer soi-même (et de changer de standing de vie, d’expérimenter une certaine « pauvreté »), et d’aider à l’évolution des esprits. J’ai donc décidé de changer de vie, de profession.
Alors qu’en 1971 je gagnais 2500 francs par mois comme ingénieur, j’ai décidé de devenir instituteur, et ai trouvé un remplacement dans l’enseignement privé pendant 3 ans à Aix-en-Provence ; mon salaire atteignait en moyenne 1200 francs par mois (soit une diminution de plus de 50%). Comme j’avais souffert de l’école, de la sujétion dans laquelle je m’y trouvais par rapport aux adultes, des rapports de force entre enfants, je pensais pouvoir mettre en œuvre une autre façon d’enseigner qui respecterait davantage l’élève.
Puis j’ai voulu réaliser une formation, pendant un an, à l’Institut Supérieur de Pédagogie à Paris, en 1974, et mon niveau de revenu a baissé de 32%. Lorsque l’on souhaite évoluer professionnellement, il faut être prêt à faire des sacrifices, à changer de confort de vie pendant un temps donné. Ensuite, je suis devenu professeur de mathématiques et de Technologie pendant 3 ans en collège en région parisienne, avant de décider de monter notre propre école en accueillant dans notre maison des enfants en difficulté : je suis devenu « assistant paternel ». Mes revenus ont alors diminué de 50% par rapport à mon métier de professeur de collège. Cette expérience n’a pas duré pour des raisons diverses, ce qui fait que, l’année suivante, je me suis présenté et ai obtenu un poste d’instituteur (employé par l’Association et non par l’E.N.) à l’ « Ecole Nouvelle Terrevigne » où je suis resté 4 ans.
A la fin de l’année 1983, j’en ai eu assez d’enseigner, et j’ai démissionné, avec l’idée de devenir plombier. J’ai donc réalisé une formation FPA pendant 1 an, puis je suis devenu artisan à mon compte pendant 4 ans, en exerçant la profession de plombier-chauffagiste. Pour des raisons de santé, des problèmes de dos, j’ai dû cesser cette seconde carrière qui me plaisait, alors que j’avais réussi à me constituer une clientèle et que je commençais à bien en vivre, et j’ai connu une année assez difficile : je n’avais plus aucune rentrée d’argent ; mon épouse a cherché et trouvé ( !) du travail et a assuré le relais ; quand j’ai pu me remettre debout, j’ai trouvé un travail de gardien de nuit dans un foyer- accueil de nuit, qui lui aussi m’a beaucoup plu.
En 1989 je décide alors de retourner enseigner comme maître-auxiliaire, toujours en mathématiques, et le fait d’enseigner en lycée puis à des classes de BTS me donne envie en 1992 de tenter le CAPES de mathématiques que je décroche, heureusement !, du premier coup. J’ai ensuite enseigné 15 nouvelles années en Collège, lycée et Lycée professionnel, avant de partir en retraite à 60 ans, car je commençais à sentir un certain « burn-out » : je n’étais jamais satisfait de mon travail et des résultats obtenus. »
Vous avez connu l’école primaire, le collège, le lycée, le lycée professionnel : quel niveau d’enseignement avez-vous le plus apprécié et pourquoi ?
« J’ai apprécié les 3 niveaux :
– L’école primaire, surtout dans la période « école nouvelle » où nous innovions réellement : l’école était un lieu de vie, où les parents avaient leur mot à dire, où le rythme des enfants était pris en compte, où l’expérience réelle avait sa place…etc. Je ne détaille pas, ce serait trop long,
– le collège m’a permis de mettre en œuvre une méthode d’apprentissage des mathématiques qui a redonné de l’intérêt aux jeunes, où l’échec n’existait pas mais seulement le progrès. Il m’a permis aussi de gérer des équipes de profs pour un véritable pilotage des classes, qui a donné des résultats intéressants en particulier en terme de relations prof-élève. J’ai aimé ce rôle de lien entre une classe et ses professeurs,
– le lycée professionnel m’a fait renouer avec ma formation d’ingénieur ; j’ai eu beaucoup de plaisir (et de difficulté) à réapprendre, après 20 ans d’interruption, ce qu’est un moteur électrique. Gérer les « essais de moteur » m’a donné beaucoup de travail et de stress, mais j’ai apprécié de ne pas être seulement « dans la tête »,
– le lycée m’a donné le plaisir intellectuel : le plaisir de la matière mathématique, de la pédagogie de cet enseignement. L’âge des élèves permet d’autres relations, souvent riches.
Au bout de 11 années d’enseignement, vous avez décidé de devenir plombier : pourquoi ce choix, et comment se réalise concrètement ce changement ?
« J’étais alors en « école nouvelle ». D’une part, il est difficile de ne pas se fatiguer des remises en question perpétuelles qui existaient dans ce lieu, mais nous avions aussi de plus en plus de problèmes avec l’inspection qui contestait nos méthodes. Malgré une inspection très positive, l’inspecteur qui m’inspectait (alors que je n’avais aucun statut d’enseignant, étant payé directement par l’association) m’a dit avoir eu l’impression d’être avec Célestin Freinet ( !) ; ça m’a fait plaisir…, mais j’étais las de faire faire, surtout dans ces conditions de suspicion. J’avais envie de « faire moi-même ».
Au bout de toutes ces années d’enseignement, j’avais envie d’un peu d’oxygène, d’aller voir ailleurs comment ça se passe, car dans l’Education Nationale, il y a une ambiance qui pourrit la vie des enseignants : ils en ont souvent marre de leurs élèves, certains ont des réactions répulsives face au groupe-classe, et beaucoup de profs répètent qu’ils aimeraient bien faire autre chose, mais qu’ils ne savent rien faire d’autre. J’avais donc besoin de prendre du recul sur ce métier, de voir autre chose.
Pourquoi plombier ? Parce que je voulais être indépendant, et créer par la suite, avec d’autres, une coopérative ouvrière dans le bâtiment. Parce que aussi, accessoirement, au cours de ma formation initiale, j’avais beaucoup aimé le soudage, et enfin que j’avais expérimenté en amateur ce métier lors de mon année comme assistant paternel. »
Comment, concrètement, s’est fait ce changement vers le métier de plombier ?
« A l’époque, quand on avait travaillé un certain temps, on avait droit à une formation rémunérée 3700 francs par mois. Je n’avais pas de statut au sein de l’Education Nationale, j’étais salarié d’une association où je travaillais comme instituteur du CE2 au CM2. J’ai eu droit à une formation de 11 mois où j’ai appris la plomberie et qui m’a donné mon CAP de plombier-chauffagiste, puis je me suis rendu à la Chambre des Métiers et j’ai monté un dossier très simple pour devenir artisan. Je me suis inscrit à l’URSSAF, dont le système au forfait était bien moins avantageux que le système actuel de l’auto-entreprise. Pour me faire connaître, les débuts ont été très difficiles. J’avais d’abord imprimé des papiers que je mettais sur les pare-brise des voitures sur les parkings, j’en ai mis plus de 1000, mais cela n’a rien donné, aucune réponse positive. Mon premier client a été en fait, je crois m’en souvenir, l’école primaire de mes enfants, puis des enseignants, par le bouche-à-oreille. J’ai bien galéré 2 ans financièrement avant que l’activité ne démarre vraiment, et je m’étais associé avec un autre artisan. Au bout de 3 ans d’activité, je gagnais au moins 10 000 francs par mois, cela me suffisait, c’était bien plus que le métier d’enseignant. Je travaillais en moyenne 40h par semaine, j’étais libre de mon emploi du temps et indépendant, personne sur le dos pour me dicter ce que je devais faire, et mes clients me faisaient confiance, puisque je connaissais bien mon métier, et qu’eux n’y connaissaient pas grand-chose. Comme au bout de 2 ans j’avais développé ma clientèle, je prenais en moyenne deux à trois semaines de vacances par an, mais la différence par rapport aux longues vacances dont bénéficient les enseignants ne me manquait pas, puisque j’étais libre, mon propre patron : c’est, à mes yeux, un confort inestimable que de n’avoir à obéir à personne, de ne pas subir des ordres ou des situations que l’on ne supporte pas ou plus. Quand on n’est pas stressé, quand on fait un boulot qui nous plaît, on n’a plus autant besoin de vacances. »
Quelles compétences aviez-vous acquises dans l’enseignement, et lesquelles vous ont été le plus utiles dans votre nouveau métier ?
« Il n’y a pas eu de transfert de compétence de l’enseignement vers la plomberie. J’ai aimé travailler la pédagogie, gérer des équipes de professeurs lorsque j’étais professeur principal, et j’ai su ainsi que j’avais des qualités de manager, cela me plaisait, tous ces échanges entre enseignants. »
Pourquoi être revenu vers l’enseignement au lieu d’un autre domaine professionnel, et comment avez-vous ressenti ces 15 dernières années dans ce métier que vous aviez voulu quitter ?
« Pour des raisons de santé : des hernies discales m’ont arrêté pendant presque un an ; je n’ai pas voulu me faire opérer ; je ne pouvais plus reprendre ce métier.
J’étais pressé de trouver un travail, car mon épouse en avait cherché et trouvé un, une chance! , au moment où moi j’avais du m’arrêter et m’allonger…; mais nous avions alors 5 enfants de 9 à 19 ans. Nous avions serré plusieurs crans à la ceinture, mais, malgré notre habitude à le faire, c’était difficile: l’aînée faisait ses études à Paris…etc. J’ai cherché pendant quelques mois un emploi hors enseignement, plutôt dans le domaine éducatif (orphelins d’Auteuil…). En réalité le temps manquait pour vraiment explorer de nouvelles terres! et sachant que le métier d’enseignant était tout de même un métier que je connaissais, j’ai postulé comme MA. Ce qui était nouveau, c’est que je quittais le secteur enseignement privé pour celui public.
Non, ce ne fut pas facile parce que j’ai regretté mon statut d’artisan pendant assez longtemps, et aussi parce que celui de maître-auxiliaire ne me satisfaisait plus : je souhaitais pouvoir m’investir à long terme, avoir un peu de pouvoir de décision dans mon travail. C’est pourquoi j’ai présenté le Capes 4 années après ma reprise dans l’enseignement.
Ces 15 dernières années ont été riches: j’ai eu l’expérience d’un petit LEP, puis d’un énorme lycée (40 profs de Math, une salle spéciale pour ces profs), enfin un collège sympathique en ZUP. J’ai retrouvé du goût pour les mathématiques, leur histoire, leur pédagogie, les contacts avec les jeunes. J’ai eu, je crois, le tort de rester trop longtemps dans le même collège (11 ans). Pour me renouveler j’aurais dû retourner en lycée. Cette erreur a provoqué mon besoin de partir en retraite à 60 ans, alors que je n’avais pas le total d’années validées requises. Mon expérience me prouve qu’il est possible de retrouver de la motivation pour le métier d’enseignant même lorsqu’on l’a quitté volontairement; mais il faut changer, de lieu, de tranche d’âge, de type d’établissement pour reprendre du tonus… »
Pourquoi avez-vous regretté ce métier d’artisan ? Que vous apportait-il, en comparaison avec le métier d’enseignant ? Quelles étaient les conditions de travail par rapport au métier d’enseignant ?
« Quand on est enseignant, on a la responsabilité de jeunes, qui ne se sentent pas, le plus souvent, responsables d’eux-mêmes. Ensuite, quand on est enseignant, on est toujours contrôlé quoi qu’on fasse, la hiérarchie (l’inspecteur) nous transmet le message implicite suivant : « tu n’es pas un bon enseignant ; ce que tu fais ne correspond pas à ce que l’Education Nationale attend de toi». Lorsque les profs savent qu’ils vont être inspectés, beaucoup tremblent, n’en dorment plus. Une inspection, c’est trop court, tout le monde sait très bien que ce jour là, on montre à l’inspecteur ce que l’on ne fait jamais d’habitude, juste parce qu’il vient, pour correspondre à ce qu’on croit qu’il attend, pour « être dans les clous ». Pour l’inspecteur, « on n’est jamais à la hauteur », il faut toujours faire les choses différemment. C’est un système décourageant. Il faut vraiment mettre fin à ce système infantilisant, qui n’est pas constructif, il y a une réforme urgente à mener à ce sujet.
Par ailleurs, nombreux sont les enseignants qui souffrent beaucoup de leur rôle, pourtant nécessaire, de gardien de la règle : faire se ranger les élèves, réprimander ceux qui ne se conforment pas à la discipline, ou être garant du travail. Comment tenir si les élèves vous apparaissent comme ne voulant pas travailler, bref, comme des enfants qui vous emmerdent alors que vous essayez de faire votre cours ? Quand on en est là, il faut savoir changer. Sentant moi aussi le poids de ces contraintes user ma motivation, j’affirmais et j’affirme qu’on n’est pas obligé de supporter ça toute une vie, qu’on n’est pas obligé d’être prof ou de rester prof parce qu’on en a les capacités.
C’est tout ce questionnement qui m’a incité à changer pour devenir plombier, et même si j’ai dû revenir à l’enseignement, cela n’a pas été de gaieté de cœur. A mon sens, l’enseignant ne devrait pas l’être toute sa vie, et ce d’autant plus qu’une carrière va durer maintenant 42 années. Non seulement l’enseignant devrait souvent changer de niveau, d’établissement, mais on doit lui permettre de faire autre chose quelques années, car c’est un métier usant.
Quand on est artisan, on connaît bien son métier. On sait ce que l’on a à faire, et les gens, entre autre chose parce qu’ils ne maîtrisent pas bien votre savoir, vous font confiance : vous êtes l’homme de l’art. On a donc l’esprit en paix quand on travaille, on est respecté par ceux pour qui l’on travaille. Quand on est bon dans son domaine, on a l’esprit libre. Parfois, sur mes chantiers, j’apportais mon violon ou un livre et je m’accordais une petite pause pour en jouer un peu ou lire dans le jardin, puisque j’étais seul. Je pouvais aussi pique-niquer sur place, j’étais indépendant, l’important étant que je réalise le travail correctement et dans les temps qui m’étaient demandés, donc je m’organisais comme je voulais. J’ai beaucoup aimé le contact avec mes clients, et comme ils me sentaient honnête, le bouche-à-oreille m’a permis de voir les chantiers se succéder sans interruption, et de gagner correctement ma vie. »
Que diriez-vous à un jeune enseignant qui pense s’être trompé de voie et souhaite quitter le métier après quelques années d’enseignement seulement ?
« Qu’il ne faut surtout pas rester dans un métier comme celui-là par obligation ; c’est la déprime assurée, sans compter que les enfants ne peuvent qu’en pâtir. Mais j’ai vu combien il était impossible à quelqu’un qui à réussi à « être prof, donc fonctionnaire » de renoncer à ces avantages énormes, en particulier dans notre société actuelle. Seule une reconversion vers responsable de CDI, principal ou inspecteur lui apparaît possible, mais en attendant, si l’enseignant ne la choisit qu’à défaut d’avoir eu le courage de faire autre chose, sera-t-il plus épanoui dans ce type de fonction ? »
Et à un professeur qui a 15 à 20 ans de métier, que lui conseilleriez-vous s’il souhaite quitter la fonction publique ?
« Demander à bénéficier d’un bilan de compétences afin de cerner ses intérêts, puis d’une formation correspondant à son choix. On a de l’énergie quand on a des projets qui vous tiennent à cœur.
En outre, avoir fait un autre métier, et revenir à celui d’enseignant change le regard : il est très dommageable (pour les élèves) que leurs profs n’aient connu que l’école. Quant à moi, la prise de distance m’a été bénéfique: j’ai pris du recul par rapport aux programmes, aux relations entre profs, à l’inspection etc.»
Quel regard portez-vous sur un dispositif associatif comme Aide aux Profs ?
Un regard très positif, car j’ai pu mesurer combien chaque prof se sent « incapable de faire autre chose » : « je ne sais rien faire » voilà ce que j’ai entendu dans tous les établissements où j’ai enseigné.
Actualités de la seconde carrière
Ce mois-ci, l’actualité sur les problématiques qui concernent les secondes carrières ont été nombreuses :
– le rapport 1968 du 27 octobre de Dominique Le Méner portant en particulier sur la revalorisation du métier d’enseignant :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2010/a196[…]
– l’étude réalisée par Patricia Gambert et Jacques Bonneau de la société TMO-Régions à la demande de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) : dossier n°194 «Enseigner en collège et en lycée en 2008 » d’octobre 2009 :
http://www.education.gouv.fr/cid49287/enseigner-college-lycee[…]
L’expresso du 23 octobre en a bien mis en valeur les principaux enseignements :
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/10/Enseigna[…]
– la parution de l’ouvrage « le stress des enseignants » de Laurence Janot – Bergugnat, Nicole Rascle, Le stress des enseignants, Armand Colin, 2008, 217 p.
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2008/[…]
– Réalisée par le professeur Jean-Jacques Guillarmé (université Paris Descartes), une étude montre l’efficacité de l’aide spécialisée offerte par les maîtres G des Rased, une forme de seconde carrière que Xavier Darcos avait commencé à supprimer. L’étude e a été présentée lors du congrès de la FNAREN à Saint-Denis le 24 octobre :
http://rgbr.free.fr/docword/campagne/rechercheFNAREN AP-R[…]
– parution le 28 octobre au JO de 3 arrêtés permettant à des fonctionnaires non enseignants d’autres ministères de devenir IA-IPR.
Une seconde carrière, ou un véritable parcours de carrière ?
L’Association Aide aux profs était reçue le 21 juillet par le député D Le Méner dans le cadre de son rapport sur le budget de l’éducation nationale. Cette audition nous donne l’occasion de présenter les idées de l’association Aide aux profs. Certaines ont été retenues dans le rapport.
La question des secondes carrières est au cœur de la gestion des âges en terme de GRH.
Notre expérience de trois ans d’accueil à distance d’enseignants exposant leurs doutes, leurs incertitudes, leurs envies, leurs projets, nous permet de dresser un état des lieux sans complaisance sur la question des secondes carrières pour les enseignants.
Alors que la loi de 2003 sur la réforme des retraites indique que les enseignants pourront accéder à compter de 15 ans d’ancienneté à une seconde carrière, nous nous apercevons que c’est en fait quasiment trop tard pour y songer, ce qui explique le peu de résultats obtenus depuis trois ans au niveau du dispositif pluri-académique.
Aussi :
– il nous semble essentiel de favoriser les réorientations des enseignants qui pensent, au bout de 5 à 10 ans d’exercice, s’être trompé de métier : c’est en effet avant l’âge de 30-35 ans que les reconversions sont les plus faciles, et cela éviterait de transformer le quotidien de ces enseignants en frustration de long terme,
– dans la tranche d’âge 35-45 ans, la mobilité interne, puisque l’enseignant a souvent acquis un salaire médian (entre le 6e et le 8e échelon), sous forme de détachements dans l’EN ou un autre ministère nous semble la voie à privilégier, favorisant ainsi la possibilité d’un retour,
– au-delà de 45 ans, soit en moyenne 20 ans d’activité, l’accès sans concours à des postes de cadres administratifs (IEN, IA-IPR, chef d’établissement) sont à privilégier, avec des périodes probatoires sous forme de « missions » pour que chacun puisse évaluer sa capacité à remplir de manière efficace ce nouveau challenge professionnel, avec la possibilité d’un « droit au retour » sans avoir besoin de démissionner des nouvelles fonctions.
Ainsi la carrière de l’enseignant serait-elle plus variée, avec des rythmes différents, favorisant les « allées et venues » sans pour autant contraindre l’enseignant à envisager « une rupture brutale » en démissionnant pour « autre chose ».
Nous tenons à informer les candidats à une seconde carrière par la démission au-delà de 15 ans d’ancienneté que leur pension de retraite risque d’en souffrir, si cette seconde partie de carrière n’est pas à la hauteur de leurs attentes financièrement : en effet, alors que dans le privé c’est le salaire moyen des 25 meilleures années qui est pris en compte pour le calcul de la pension, dans le public, c’est le salaire des 6 derniers mois qui sert de référence. Les enseignants retraités que nous avons rencontrés et qui avaient démissionné après plus de 15 ans d’enseignement ont été perdants lors du calcul de leur pension…
A quand la publication des données du dispositif « seconde carrière » ?
Dans son rapport, Dominique Le Méner évoque « quelques dizaines » d’enseignants qui en ont profité : alors que tous ses autres chiffres sont très précis, ce flou ne laisse pas d’inquiéter, puisque 10 témoignages seulement sont ont été diffusés sur le portail www.education.gouv.fr
Depuis 2006, nous déplorons le manque de transparence du dispositif, et souhaitons que le ministère publie au moins une fois par an :
– le nombre de professeurs qui ont demandé, dans chaque académie, à bénéficier d’une seconde carrière,
– le nombre de professeurs qui ont obtenu, dans chaque académie, un bilan de compétences financé par leur administration,
– le nombre de professeurs qui ont été accompagnés par un conseiller mobilité carrière dans leur projet de reconversion,
– les moyens financiers et en personnels consacrés à la seconde carrière,
– le pourcentage d’accompagnement réussis, entre le nombre de demandes initiales et les postes occupés,
– tous les types de postes auxquels ont accédé des enseignants dans le cadre du dispositif, afin que ceux qui voudraient aussi y prétendre en aient une meilleure visibilité.
Comment favoriser les secondes carrières alors qu’on risque de manquer d’enseignants ?
« Enseignant et après » évoque le risque d’une pénurie d’enseignants dans la décennie à venir, ce que semble aussi craindre Dominique Le Méner qui indique page 12 « la perception et le vécu de ces difficultés (celles vécues par les enseignants au quotidien) affectent donc l’attractivité du métier, et ce, au plus mauvais moment, car 135 000 enseignants devraient partir à la retraite d’ici 2012. » Sur 715 599 enseignants actuellement, c’est donc 18,9% des enseignants appelés à être renouvelés dans les 3 ans qui viennent, alors que, comme le soulignait Marcel Pochard dans son Livre Vert début 2008, alors qu’il y a 10 ans 25% d’une classe d’âge d’étudiant tentaient les concours de l’enseignement, nous sommes tombés à 10% ces cinq dernières années.
Il y a lieu de parier que l’allongement d’une année de la formation des enseignants avec la mastérisation ne va pas arranger les choses, puisqu’il va devenir plus onéreux, à compter de 2010, pour un étudiant, d’accéder au métier d’enseignant, dont le salaire de départ est aussi élevé pour les certifiés que le métier d’éducateur après un Bac+2 ou que celui de contrôleur des impôts en incluant les primes au niveau Bac…
La priorité du MEN est de recruter des enseignants, et d’en conserver le plus possible, même si c’est au détriment de l’épanouissement des individus : cela permet de mieux comprendre pourquoi le dispositif de secondes carrières peine à décoller : accompagner des enseignants vers d’autres ministères ou accroître le nombre d’enseignants en détachement, c’est prendre le risque qu’ils ne « reviennent pas ». Cette crainte « d’ouvrir trop grand le robinet » explique que depuis le début des années 2000 la quasi-totalité des postes en MAD aient été supprimés, que la moitié des postes RASED aient été supprimés, que le nombre de détachements ait commencé à diminuer, et que les disponibilités demandées par des enseignants ne soient pas toutes renouvelées : l’urgence est au maintien des profs devant élèves, faute de trouver d’autres voies.
Pourtant, pour rendre plus attractif ce métier, Aide aux Profs pense au contraire qu’il ne sert à rien de bloquer les issues de secours, car les étudiants le percevront comme une impasse professionnelle, mais qu’au contraire il faut ouvrir les SAS plus grands pour que ce métier, en pleine transition démographique et « en pleine mutation », comme le souligne Dominique Le Méner dans son rapport, puisse se fluidifier : alors qu’au XXe siècle on était « enseignant à vie », ce temps semble désormais révolu. Au XXIe siècle, beaucoup d’enseignants ne pensent plus consacrer toute leur vie à cette profession, puisque dans l’enquête de la DEPP menée sur 1200 enseignants des collèges et des lycées, 41% des enseignants indiquent souhaiter quitter définitivement l’enseignement secondaire, 67% se sentant concernés par le malaise enseignant (soit 14% de plus qu’en 2005).
La proposition d’Aide aux Profs, dans ce contexte, est de remanier l’article 77 de la Loi de 2003 portant réforme des retraites afin de ne pas de donner de caractère définitif aux secondes carrières, car cela bloque le dispositif national actuel dans son fonctionnement. En rendant la seconde carrière « temporaire ou définitive », on introduira plus de souplesse, avec un « droit au retour », une fluidité dans les parcours de carrière, permettant à chacun de « tester » différentes fonctions dans l’institution sans forcément être obligé de la quitter. Ainsi le métier de chef d’établissement ou d’inspecteur ne pourrait-il devenir qu’une étape d’un parcours, et pas une fin en soi. Pourvoir aller et venir, changer de rythme et d’horizon, est plus remotivant sur le long terme que de passer d’un poste à un autre avec la sensation que le deuxième sera le dernier. La loi Woerth du 23 Juillet dernier sur la mobilité interministérielle pour favoriser les parcours de carrières des fonctionnaires plaide en ce sens.
Dominique Le Méner nous dévoile enfin le nombre exact d’emplois en détachement où des enseignants travaillent différemment, mais toujours en lien avec la pédagogie ou le domaine de la formation : en 2008-2009, 1719 enseignants dans le 1er degré et 3201 dans le 2nd degré, soit 4920 professeurs, sont détachés sur des fonctions non enseignantes (soit 0,69% de l’effectif total, ce qui est très faible).
Aide aux Profs, dont la prospection est intensive sur le web, a remarqué que quelques centaines de ces postes « tournent » chaque année : cette rotation des postes constitue à nos yeux la seule chance de voir un jour exister la « seconde carrière », mais de manière temporaire. Le départ en détachement, qui familiarise l’enseignant avec l’annualisation de son temps de travail et l’exercice de responsabilités administratives, peut constituer pour ceux qui s’y engagent un « dispositif préparatoire » pour occuper ensuite des fonctions administratives plus importantes : IEN, IA-IPR, chef d’établissement.
Cela souligne l’intérêt de conserver, sinon d’augmenter le nombre de possibilités d’emplois en détachement au sein de la sphère éducative. Le « grand emprunt » programmé par Monsieur Nicolas Sarkozy peut-il réserver une petite place à un tel dispositif, puisque le Président de la République, comme le rappelle Dominique Le Méner, indiquait dans sa Lettre aux éducateurs du 4 septembre 2007 : « Je souhaite faire de la revalorisation du métier d’enseignant l’une des priorités de mon quinquennat parce qu’elle est le corollaire de la rénovation de l’école et de la refondation de notre éducation. (…) La Nation vous doit une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail » : chiche…
Alléger la pénibilité des fins de carrière, c’est entrer dans l’annualisation du temps de travail de l’enseignant.
Dominique Le Méner a largement évoqué aux pages 28 et 34 de son rapport les idées que nous avons émises sur la prise en compte de la pénibilité du travail des enseignants au-delà de 50 ans notamment.
Le MEN pourrait mettre à profit le besoin de faire autre chose des enseignants pour modifier profondément ses pratiques de GRH, en les transposant au sein de l’EPLE, puisque les rapports qui se succèdent depuis dix ans déjà vilipendent la GRH telle qu’elle existe.
Alléger le temps d’enseignement aurait pour contrepartie un temps dédié aux tâches administratives sur la règle de 1h de cours = 2h de travail administratif, comme cela se produit lorsque l’enseignant est en détachement. Ainsi, un enseignant certifié qui ne travaillerait qu’à mi temps, soit 9h, réaliserait en fait 18h de travail administratif, soit en emploi du temps annualisé de 27h, auquel s’ajouterait le temps passé à la conception des cours et aux corrections de copie pour la partie dévolue à son mi-temps.
Cette mise en place se ferait sur la base du volontariat pour ceux qui le souhaitent, à un âge où une seconde carrière hors de l’enseignement relève de l’exploit, sans pour autant quitter le métier d’enseignant.
Cette nouvelle forme d’activité, avec une diminution progressive du temps d’enseignement, permettrait de créer des équipes de direction, au lieu de déléguer cette fonction à deux personnes seulement, souvent écrasés par leurs responsabilités, ce qui explique que les candidats ne se pressent pas au portillon pour occuper ces fonctions.
Avec la création de lettres de missions biannuelles ou triannuelles, d’une part on favoriserait un temps de respiration sans perte de salaire pour les enseignants attirés par des responsabilités administratives (gestion de l’accueil des parents, gestion des conflits élèves/professeurs et parents/professeurs, actions de remédiation, gestion des projets pédagogiques souhaités par les enseignants, gestion de l’orientation des élèves, gestion de l’accompagnement des jeunes enseignants à l’échelle de l’établissement, etc.), d’autre part on renforcerait la présence des adultes dans chaque établissement tout au long de la journée, ce qui agirait peut-être mieux sur le nombre d’actes d’incivilités le cas échéant.
De plus, lors du changement d’un chef d’établissement, les professeurs « contributeurs » à la gestion et au fonctionnement de l’EPLE faciliteraient une prise en main sereine de l’établissement par le nouveau chef d’établissement, alors que ce n’est souvent pas le cas actuellement.
Refondre les décrets de 1950, dans quels objectifs ?
Comme notre proposition liée à l’aménagement des fins de carrière l’implique, les décrets de 1950 doivent être dépoussiérés : plutôt que de lier le temps d’enseignement au statut (15h pour l’agrégé, 18h pour le certifié), nous estimons plus logique et plus motivant en terme de mobilité professionnelle que le temps d’enseignement soit lié au lieu d’exercice.
En enseignant sur la base de 18h au collège et 15h au lycée (où le temps de préparation des cours et de correction de copies est bien plus important) quel que soit son statut, l’enseignant aurait une véritable motivation à passer de l’un à l’autre, alors que la seule variable actuellement est de pouvoir enseigner avec des élèves « plus grands ».
De plus, si cette refonte est décidée par le MEN, nous préconisons de mieux prendre en compte la pénibilité de certaines disciplines par rapport à d’autres. Par exemple, les enseignants des disciplines littéraires ont des copies bien plus longues à corriger que leurs homologues des disciplines scientifiques. Le temps d’enseignement tiendrait donc compte de la discipline et du lieu d’exercice, permettant de mieux prendre en compte la pénibilité, en favorisant la continuité d’enseignement pour la majorité des enseignants.
En effet, ce qui ressort depuis trois ans à travers les 1600 enseignants qui nous ont contacté, c’est que le désir de seconde carrière est à 75% un réflexe de fuite d’un métier devenu éprouvant, où les tâches se multiplient sans être quantifiées, mesurées.
Le DIF peut-il favoriser des secondes carrières ?
Tel qu’il est présenté, le Droit individuel à la formation (DIF) ne va pas favoriser la formation de ceux qui souhaitent une seconde carrière, puisque ce n’est pas avec 20h par an que l’on peut financer une formation diplômante. L’autre écueil est que les formations des Plans Académiques de Formation (PAF) ne sont ni certifiantes ni diplômantes, et cantonnent dans leur grande majorité l’acquisition de nouvelles compétences à ce que les enseignants mettent déjà en œuvre au quotidien.
Le DIF peut permettre d’accroître le nombre de bilans de compétences réalisés par les enseignants, qui trouveraient alors là le moyen de se remotiver en « faisant un bilan d’étape » de leur carrière.
Aide aux Profs préconise que l’enseignant puisse choisir lui-même le centre de bilan, public ou privé, pour réaliser ce bilan de compétence, car tous les enseignants, bien malheureusement, n’ont pas suffisamment confiance dans leur administration.
Alors qu’il faut souvent 4 à 8 ans ( !) dans certaines académies pour obtenir un congé de formation professionnelle, le DIF peut servir de « soupape » à ceux qu’une telle attente frustre : nous proposons que les enseignants puissent utiliser le DIF auprès de l’organisme de formation de leur choix, public ou privé, ce qui aurait pour avantage pour ceux qui souhaitent une seconde carrière d’acquérir des compétences différentes que celles proposées par les stages du PAF.
L’Expresso du 2 novembre rend compte du rapport Le Mener