Quel sera le visage de l’Ecole en 2017 ? Les candidats à la primaire de la droite ont présenté le 3 novembre leurs propositions. S’il y a des divergences, il y a aussi des points qui font l’unanimité chez tous les candidats. Si la droite arrive au pouvoir, elle instaurera l’autorité du directeur ou du chef d’établissement sur les enseignants. Elle accordera une plus large autonomie aux établissements. Elle développera l’apprentissage et y orientera un nombre plus élevé d’enfants.
Durant plus de deux heures , les 7 candidats à la primaire de la droite ont échangé sur différents sujets. L’éducation est arrivée en fin d’émission et a été traitée rapidement. Ce n’est visiblement pas un point central des programmes , sauf peut-être pour Alain Juppé qui y a consacré un livre. C’est peut-être ce qui explique les convergences. Mais les positionnements, les tempéraments, les intérêts et les parcours expliquent aussi des divergences.
Juppé
Alain Juppé a consacré à l’éducation son premier livre de la campagne des présidentielles. En 2 minutes il en a repris les idées les plus fortes. A Juppé veut mettre le paquet sur le primaire. Dans son livre, il explique que cela consiste à diminuer le nombre d’élèves par classe au primaire. Il estime que cela coutera un à 1.5 milliard. Cet investissement sera financé par un redéploiement de moyens au détriment du secondaire. A Juppé fait une allusion aux options des lycées.
Il veut renforcer l’autonomie des établissements. Il a été plus clair le 3 novembre que dans son livre. Cela veut dire que le chef d’établissement et le directeur, pourra recruter les enseignants. A noter que la candidat est favorable au statut d’établissement pour les écoles ou à la constitution « d’écoles du socle » regroupant un collège et des écoles dirigées par le principal.
A Juppé met aussi l’accent sur le développement de l’apprentissage. Dans le livre il explique qu’il faut rapprocher les lycées professionnels des CFA.
Sarko
Ce qui caractérise Nicolas Sarkozy c’est la précocité du tri social. La plupart des candidats de droite veulent instaurer le tri des enfants en 6ème. N Sarkozy veut instaurer un examen d’entrée en Ce1. Les enfants refusés en Ce1 redoubleraient le Cp avec tous les risques d’échec scolaire durable et donc de tri social que cela entrainerait.
Pour les enseignants la solution est aussi simple : ils doivent travailler davantage de façon à en diminuer le nombre.
Enfin N Sarkozy a trouvé aussi la solution au décrochage : tout jeune qui ne sera ni en formation ni en emploi entre 18 et 25 ans ira au service militaire. L’ancien président semble ignorer que le décrochage démarre avant 18 ans. Mais il a sans doute trouvé ici une solution pour dégonfler les statistiques du chômage…
Et les autres…
François Fillion veut en finir avec le collège unique et restaurer un examen d’entrée au collège qu’un ministre gaulliste avait supprimé dans les années 1960. Les enfants seraient orientés vers l’apprentissage dès la 6ème. C’est le candidat qui envisage de supprimer le plus de postes d’enseignants, ce qui serait possible si le système éducatif perdait un fort pourcentage des élèves du secondaire envoyés en écoles de production. F Fillon veut aussi des établissements autonomes c’est à dire où le chef d’établissement fait autorité.
Seule Nathalie Kosciusko-Morizet défend le collège unique en expliquant que sinon on trie les enfants à 11 ans. Mais elle est pour la diversification des parcours. Et elle veut des chefs d’établissement qui aient l’autorité sur les professeurs , qui les nomme et qui les choisit.
Autorité, uniforme, Marseillaise sont convoqués aussi par JF Copé, B Lemaire et JF Poisson. Ce dernier veut même rétablir le ministère de l’instruction publique , supprimé sous la IIIème République et restauré sous Vichy… Tous sont pour le tri des élèves à l’entrée au collège et l’envoi vers l’apprentissage des élèves faibles. Cela va de pair avec la réduction du nombre d’enseignants.
Quelles convergences ?
La première convergence touche directement les enseignants. Le candidat de la droite à la présidentielle , quel qu’il soit, donnera au chef d’établissement et au directeur d’école un pouvoir hiérarchique étendu sur les enseignants. Il les embauchera. Il les notera. Il les licenciera s’il arrive au pouvoir. Le candidat de la droite préparera la réduction du nombre des enseignants en compensant ce manque par une hausse de leur temps de travail. Dans tous les cas de figure, des décisions pénibles seront imposées à la profession. Le fait que les organisations syndicales sortent profondément divisées et affaiblies par les querelles de ces derniers mois pourrait y aider…
La seconde convergence c’est l’autonomie des établissements. A l’exception de JF Poisson, le débat français ne se porte pas sur la privatisation de l’école publique avec par exemple des chèques éducation. Mais la droite veut mettre ne place un système d’autonomie large des établissements qui seraient confiés à des managers. Cela rappelle les charters schools ou les academies britanniques sauf que le manager serait un fonctionnaire d’Etat et non une association de parents ou une entreprise. Ce modèle du manager qui engage son personnel et qui décide de la dotation horaire des différentes disciplines, a été testé en Suède de façon poussée et a abouti à un échec qui ne semble pas arrivé jusqu’aux oreilles des candidats. Ce système augmenterait les inégalités entre établissements, qui sont déjà très fortes en France. Il déstabiliserait particulièrement les établissements prioritaires.
La troisième convergence c’est justement le tri social que les candidats veulent imposer aux enfants sous prétexte d’avoir l’assurance que celui ci ait le niveau nécessaire. Ce serait évidemment une rupture avec un demi siècle de démocratisation du système éducatif et avec l’évolution de tous les pays développés.
Des programmes irréalistes ?
Dans son intervention en commission à l’Assemblée le 2 novembre, N Vallaud Belkacem avait pris à partie les députés de droite en leur demandant s’ils étaient bien sérieux. » « Croyez vous sérieusement que c’est avec moins d’enseignants que l’on relève les défis éducatifs ? », leur demandait-elle. « »Croyez vous que c’est avec moins d’adultes que les enfants vont mieux respecter l’autorité ? » On pourrait ajouter : peut on redresser l’économie française en abaissant le niveau de qualification des jeunes ? » avec un examen d’entrée en 6ème voire en ce1.
Dans toute campagne électorale il y a de la posture, des mots, une mousse qui s’évapore vite. Le programme éducatif de la droite relève sur certains points de cette gesticulation. Mais la baisse du budget de l’éducation et du nombre d’enseignants et l’autorité accrue des chefs d’établissement semblent des perspectives d »avenir.
François Jarraud