« Il y a vraiment une grande distance entre l’image traditionnelle du métier et la réalité du travail » des inspecteurs. Cet avis de Xavier Pons, donné au Café pédagogique en mai 2016, est confirmé par le récent rapport de l’Inspection générale sur « le rôle et le positionnement des inspecteurs du second degré en académie ». Dirigé par Erick Roser, Bernard André et Jean-François Cuisinier, il montre un corps en complète mutation qui cherche à redéfinir ses missions et sa place hiérarchique.
L’ambiguité de la mission d’évaluation des enseignants
Réalisé par enquête auprès de 212 inspecteurs du second degré, 86 chefs d’établissement et plus de 200 enseignants, le rapport analyse le travail des inspecteurs du second degré, leur place dans le fonctionnement du système éducatif et surtout dans la hiérarchie académique et enfin réfléchit à l’évolution de leurs relations avec les enseignants. Remis au moment de la fin de la négociation PPCR, qui concerne aussi l’évaluation des enseignants, le rapport prend en compte cette évolution de l’évaluation mais va plus loin.
» Si les inspecteurs ont toujours pour mission de se rendre dans les collèges et les lycées pour y inspecter les professeurs ou assurer le suivi de l’enseignement de leur discipline, cette fonction occupe une part de plus en plus réduite dans leur activité, de l’ordre de 20 à 30 % selon les spécialités ou les disciplines », note le rapport. Il souligne que « les enseignants sont en attente d’une autre forme d’évaluation professionnelle » et souhaitent davantage de conseil et d’accompagnement.
Des propos qui sont en partie en accord avec la négociation PPCR. Celle ci a réduit le nombre d’évaluation des enseignants au cour d’une carrière d’enseignant et donne ainsi du temps aux inspecteurs pour une mission de conseil et accompagnement.
Aussi le rapport préconise de » mettre en oeuvre une nouvelle forme d’évaluation des enseignants qui, outre une finalité de déroulement de la carrière, comporterait une fonction de conseil et d’accompagnement et qui prenne en compte la globalité des dimensions professionnelles ».
Ainsi le rapport ne tranche pas sur une ambiguité à venir du métier d’inspecteur : peut on à la fois être une aide et sanctionner par une évaluation ? Dans certains pays, comme l’Angleterre, les deux missions sont portées par des personnels différents.
Le rapport demande « d’expérimenter des évaluations d’équipes disciplinaires » et « d’engager une réflexion sur la structure du rapport individuel d’inspection ».
Guérir le traumatisme de 2012 ?
Si le rapport ne tranche pas sur le devenir de la relation avec les enseignants et les questions d’évaluation, il est beaucoup plus développé sur les relations avec le recteur et les Dasen.
Il demande de » conforter la place des inspecteurs dans les processus de choix stratégiques académiques. Le constat fait par la mission est que, si les responsabilités et sollicitations individuelles ou collectives des inspecteurs n’ont cessé d’augmenter, leur place dans la gouvernance académique reste mal définie et ressentie souvent par les intéressés comme une mise à l’écart de la ligne hiérarchique recteur / SGA / IA-DASEN ». Le texte fait allusion à la réforme de 2012 sur la gouvernance académique.
Le rapport » préconise que, sous une forme ou une autre, toutes les académies adoptent rapidement des modalités d’organisation qui permettent d’associer les inspecteurs de façon effective et régulière aux choix stratégiques » et particulièrement de » mettre en place des modes de collaboration plus étroits et plus réguliers des inspecteurs avec les IA-DASEN. » Il demande la mise en place d’instances de collaboration régulière des inspecteurs avec les Dasen. Cela passe aussi par un renforcement du role du doyen de l’inspection académique. Le rapport demande » de responsabiliser par une lettre de mission du recteur les doyens des collèges d’inspecteurs sur les fonctions d’interface avec le recteur et d’encadrement des activités du collège ».
Renforcer les corps d’inspection
Mais le plus urgent semble pour le rapport de renforcer les corps d’inspection. Le rapport souligne » l’alourdissement considérable de leur charge de travail car les missions nouvelles s’ajoutent de fait aux missions traditionnelles ». Aux missions d’inspection des enseignants se sont ajoutées de nombreuses missions académiques ou nationales. » Il est demandé aux inspecteurs de contribuer au pilotage pédagogique de l’académie sous la forme de missions transversales ou thématiques et d‘accompagner les établissements, en particulier pour la mise en place des réformes. Outre ces activités supplémentaires, de nouvelles fonctions ou responsabilités se mettent progressivement en place, comme celles d’inspecteur référent de bassin ou d’établissement ». Tout cela génère une surcharge de travail et « un sentiment d’éparpillement ». Les missions d’inspection des enseignants finissent même par devenir une variable d’ajustement de l’agenda de l’inspecteur.
Le rapport préconise donc l’embauche de davantage d’inspecteurs. Il demande à chaque académie de communiquer ses besoins et de « réexaminer la possibilité de créer des emplois d’inspecteurs en loi de finances 2017 ».
Pour le rapport c’est la condition nécessaire pour faire face aux nouvelles missions des inspecteurs. Est-ce suffisant pour que l’inspecteur trouve sa place dans un système éducatif rénové ? Dans un entretien donné au Café pédagogique, Xavier Pons évoquait le « gâchis » du métier d’inspecteur. » On a des inspecteurs qui entrent dans le métier pour aider à faire évoluer les pratiques pédagogiques. Des responsables académiques et nationaux qui ont intérêt à ces évolutions. Pourtant le système pèse avec l’émiettement des tâches, les hésitations sur les missions entre lesquelles on ne veut pas trancher. Tout cela fait que personne n’est satisfait. On ne pourra pas le trancher sans avoir une politique d’évaluation très claire, sans dire quelles sont les priorités, sans décider si on peut attribuer ou pas des fonctions à d’autres acteurs. Tant que cela ne sera pas tranché on aura ce gâchis ».
François Jarraud