Alors que le gouvernement ne jure que paye au mérite et gel des salaires, il promet d’appliquer les accord PPCR conclus sous le gouvernement précédent. Un curieux « en même temps salarial » qui renvoie peut-être au vieux jeu de la proie et l’ombre…
L’échec de la négociation salariale
» Huit organisations syndicales représentatives dans la Fonction publique exigeaient pour le rendez-vous salarial des mesures qui auraient dû permettre une réelle amélioration du pouvoir d’achat pour toutes et tous les agent-es. Elles demandaient des discussions sur la fin du gel de la valeur du point d’indice et sa revalorisation, le rattrapage des pertes subies, l’abrogation de la journée de carence, la compensation pérenne de la hausse de la CSG, le respect des engagements en matière d’évolution de carrière, l’amélioration des déroulements de carrière… Rien de tout cela n’était à l’ordre du jour. A l’inverse même, vous y avez confirmé le gel de la valeur du point d’indice pour 2019, élément déterminant pour le calcul de la rémunération de plus de cinq millions de fonctionnaires refusant ainsi toute mesure générale malgré une hausse de l’inflation ». A la sortie du rendez-vous salarial du 18 juin, les 8 syndicats de fonctionnaires (Cfdt, Cgc, Cftc, Cgt, FA, Fsu, Unsa et Solidaires) font encore bloc. Pour manifester leur mécontentement et leur unité devant le gouvernement ils ont quitté une réunion d’où rien ne semblait devoir sortir.
Le retour de la paye au mérite…
La Fsu dénonce « l’individualisation » des rémunérations et le salaire au mérite que le gouvernement veut instaurer, comme il l’a annoncé au Conseil des ministres du 12 juin. « Renforcer la part du mérite dans la rémunération relève d’une notion subjective et variable selon les temps, les lieux, les hiérarchies…elle nie les relations professionnelles dans un même collectif de travail, elle dessert l’intérêt commun qui est au coeur des missions et n’est pas adaptée aux travail et missions des agent-es de la Fonction publique. Cela pourrait même nuire au travail collectif nécessaire qui devrait être l’axe majeur de réflexion y compris en termes de reconnaissance de l’engagement des agents au service de l’intérêt général », explique la Fsu.
Et du PPCR
C’est le Se Unsa qui souligne dans un communiqué une « rare mesure positive ». « Le protocole de revalorisation des carrières sera bien poursuivi. Négocié lors du quinquennat précédent, ce protocole avait été retardé d’un an à l’arrivée de l’actuel gouvernement. Les carrières et rémunérations de tous les titulaires seront donc bien améliorées alors que les contractuels, eux, ne sont toujours pas concernés », écrit le Se Unsa.
Interrogé par le Café pédagogique, Stéphane Crochet confirme l’application des mesures du PPCR. « Le gouvernement s’est engagé à les appliquer. Elles n’étaient pas annulées mais reportées d’un an. Les textes ont été publiés ».
Selon le gouvernement cela représente un cout de l’ordre de 9 milliards dont 5 pour la fonction publique d’Etat au terme de l’application de toutes les mesures. C’est à dire après 2023… Mais quand même les accords de revalorisation PPCR prévoient une hausse des indices jusqu’en 2020 ainsi qu’une amélioration des promotions, l’accès à la hors classe devenant la norme pour tous, certains personnels accédant à une nouvelle « classe exceptionnelle ». Son coût représentait pour l’Education nationale environ 700 millions pour 2017.
Le blocage du PPCR a eu un effet indiciaire. Ainsi les certifiés et les professeurs des écoles devaient gagner en moyenne 7 points d’indice au 1er janvier 2018. Les grilles indiciaires devaient être revues à la hausse jusqu’en 2020. L’objectif final étant de mettre les salaires des enseignants français au niveau de leurs collègues de l’OCDE. Tout cela est gelé depuis un an.
PPCR contre modification statutaire ?
Comment interpréter cet « en même temps » salarial ? Voilà un gouvernement qui déclenche une guerre salariale et statutaire (fin du paritarisme, embauche de contractuels etc.) avec les fonctionnaires et qui « en même temps » les augmenterait.
Deux hypothèses. Le gouvernement s’est engagé à appliquer des accords déjà actés dans de nombreux textes difficiles à annuler. Mais il n’a pas parlé de calendrier. Un nouveau report total ou partiel n’est pas à exclure.
Mais on peut surtout craindre que l’application des accords soit un outil pour faciliter des réformes de structures. C’est ce que craint Stéphane Crochet pour l’application de la promesse électorale de Macron concernant la prime de 3000€ en Rep+. Peut-être sera t-elle appliquée au long du quinquennat. Mais en échange de quoi ? La mise en place de la prime pourrait par exemple être liée au démantèlement des règles du mouvement et à l’acceptation du recrutement par les chefs d’établissement.
Un élément des accords PPCR heurte de front la philosophie gouvernementale. C’est l’évaluation des fonctionnaires. Les accords PPCR ont délié l’évolution de carrière de l’évaluation par la hiérarchie sauf pour deux rendez vous de carrière. Cela contredit fortement le principe du mérite et de la paye au mérite cher au gouvernement. Une réforme de l’évaluation des enseignants pourrait bien faire partie des discussions à venir.
François Jarraud
Le gouvernement engage une réforme de fond