Par Monique Royer
En proie à des saignées budgétaires, l’enseignement agricole fait parler de lui dans les campagnes, mais si peu au niveau national. Des questionnements le traversent : comment garantir une qualité pédagogique avec des moyens réduits, quel avenir pour l’enseignement agricole public, quel risque d’intégration dans la grande maison de l’Education Nationale. Il nous a paru intéressant de lui donner la parole, le temps d’un dossier à travers des exemples de pratiques et des témoignages d’acteurs, pour regarder en quoi ce qu’il a de particulier peut dessiner un modèle éducatif.
Car l’enseignement agricole a tout d’un modèle. Ouvert sur l’environnement local, il prône la pédagogie de projet et une approche pédagogique concrète, transversale par la pluridisciplinarité. En lien avec l’environnement professionnel, il mise sur les applications en réel, grâce aux exploitations ou aux ateliers de transformation, pour motiver des élèves parfois désabusés ou exclus d’une scolarité traditionnelle. Fédérateur, il s’organise autour d’un projet d’établissement et de missions plus larges que l’enseignement, une vocation à s’immiscer dans les domaines de l’insertion, de la coopération internationale, de la recherche et du développement. Convivial, il favorise un dialogue entre enseignants et apprenants, un voisinage des différents types de publics (apprentis, scolaires, adultes), un accueil de jeunes des DOM TOM ou de pays francophones, sources d’échanges.
Pourtant ce modèle ouvert et fédérateur est fragile. Il s’épanouit sur des dimensions modestes, des effectifs faibles, des options spécifiques, et se morcelle dans une répartition privée/publique déséquilibrée. Il pèse peu face à la grosse artillerie de l’éducation nationale. Et à l’heure où les effectifs fondent, la conjoncture plaide peu pour son épanouissement. Les coupes sombres s’abattent, les idées de regroupement, de mixité de public, de mobilité des enseignants, de fermeture des classes sortent du chapeau gouvernemental sans que quiconque s’émeuve. Il paraît facile alors de s’attaquer à ce modèle petit et divisé entre public et privé, d’expérimenter dans un silence feutré la rigueur budgétaire appliquée à l’éducation.
Mais il faudra compter avec l’imagination des élèves, l’attachement des personnels, la reconnaissance des partenaires locaux et professionnels pour ne pas laisser engloutir un modèle performant si l’on en juge par les résultats aux examens et le taux d’insertion professionnel.
La communauté éducative agricole aurait bien besoin que les regards de sa grande cousine de l’éducation nationale se porte sur elle. Par solidarité, sans doute, par souci de la contagion rigoriste peut-être, mais surtout pour connaître, reconnaître et s’inspirer de ce qui a été expérimenté depuis plus de quarante ans.