Par Françoise Solliec
Près de 100 établissements scolaires présentent un projet « innovant » au forum Partners in Learning de Washington. Dans les 2 exemples ci-dessous, l’innovation réside bien moins dans l’utilisation des nouvelles technologies que dans la qualité d’une réflexion approfondie qui a conduit à un projet cohérent où chacun trouve sa place.
Le collège Guy de Maupassant à Houilles (78), situé dans la pointe Nord-Ouest du département, accueille une population de 800 élèves, très hétérogène. Son principal, Patrick Séverac, en a pris la tête il y a 5 ans, dans un contexte de fortes tensions entre élèves de groupes ethniques différents (portugais, arabes, africains). Son premier souci a donc été de pacifier l’tablissement en travaillant sur les individualités. S’appuyant d’unepart sur les dispositifs existants, (dispositif pour non francophones, aide aux élèves handicapés) et, d’autre part, sur les partenariats culturels montés pa les enseignants, l’équipe de direction a si bien réussi dans son travail que l’établissement bénéfécie désormais d’une très bonne image qui se traduit par de nombreuses demandes de dérogation.
« Nous avons bénéficié de plusieurs circonstances » affirme Patrick Séverac. Tout d’abord, la commune a toujours été très coopérante et son service culturel dynamique a été à notre écoute. Ensuite les enseignants ont accepté de réinvestir leurs intérêts et activités personnels au service des élèves. C’(est ainsi qu’un partenariat fort a été montéavec le Louvre sur l mythologie grecque et latine en 6ème. Avec le soutien du conseil général, le collège a pu inviter un artiste en résidence pour la création d’une pièce de théâtre. Des classes bilangues anglais-allemand et anglais portugais se sont créées en 6ème et 5ème, suivies par des sections européennes en 4ème et 3ème. Mais le collège a pris bien soin de répartir ces èlèves dans l’ensemble des classes, de façon à préserver l’hétérogénéité. « Les activités des uns diffusent et stimulent les autres ». Cette répartition permet aussi de porter une attention particulière aux élèves les plus faibles lorsque leurs camarades sont dans les classes de langue.
Le projet a été un peu long à s’établir, mais, depuis 2 ans, l’établissement a pris son rythme de croisière. Beaucoup d’enseignants s’impliquent dans l’accompagnement des élèves au Louvre (une classe y est tous les jeudis après-midi) et ces sorties encouragent les échanges. Les parents apprécient et nous font confiance, constate Patrick Séverac. Les tensions se sont apaisées et les élèves portugais se sentent bien intégrés. Une dynamique s’est créée dans l’équipe des professeurs, qui se sentent à l’aise pour proposer des projets. L’équipe de direction en facilite la réalisation, dans la mesure du possible, en trouvant la plupart du temps les moyens et les astuces qui permettront de les faire vivre. Les élèves peuvent aussi faire des prpositions et des ateliers ont té créés à leur initiative comme celui du Rubik’s cube.
L’évaluation du projet fait ressortir 2 éléments très positifs : l’amélioration globale des résultats scolaires et la forte diminution des violences. Mais la question de la péronnisation est toujours posée : comment la situation évoluera-t-elle avec un changement de l’équipe de direction ou une mutation des enseignants les plus impliqués ?
Dans le même groupe d’établissements, coachés par Anne-Marie Bardi, inspectrice générale honoraire dont l’expertise en TICE est bien connue, figure un établissement plus ancien dans le programme Partners in Learning, le lycée Aline Mayrisch, Luxembourg, qui joue ici un rôle de mentor.
Le lycée a été créé en 2001, dans des conditions assez particulières, nous explique son directeur, Gaston Ternès. Désigné pour en prendre la direction un à l’avance, il a en effet utilisé ce temps pour mener une réflexion pédagogique avec les enseignants des environs potentiellement intéressés, qui ont volontairement consacré un certain nombre de soirées à l’établissement d’un projet « fondé sur des valeurs communes et un accord sur les missions à partager ». Sur la centaine d’enseignants qui avait participé au final à la discussion, le ministre a autorisé le recrutement de 40 d’entre eux et ce premier noyau a été complété par de jeunes enseignants. A l’ouverture le lycée comprenait 600 élèves (il en a 1500 maintenant), répartis dans tous les niveaux de la 7ème à la 3ème, soit de notre 6ème à notre 2nde.
Le lycée a été accompagné par « un ami critique », chercheur universitaire, sur les 3 thèmes : faire équipe, se mettre d’accord sur des valeurs, faisabilité du projet. Une idée importante était que les enseignants doivent continuer à apprendre, déclare Gaston Ternès. Ils s’investissent donc dans des activités de didactique de elur discipline, mais aussi sur des activités pluridisciplinaires, notamment dans les 4 domaines clés :vivre ensemble au lycée – ouverture sur le monde – travail enclasse – TIC.
Chaque élève bénéficie en permanence d’un ordinateur, mais il ne s’agit que d’un moyen parmi d’autres pour atteindre des objectifs pédagogiques et de responsabilisation des élèves. Les interviewsde ceux-ci, consultables sur le site du lycée, montrent bien comment ils vivent leur école. Dès le début, ils sont invités à prendre la parole, à s’approprier les lieux, à formuler et mener des projets et à travailler par groupes. Ceux qui continuent à l’université se font remarquer par leur formation approfondie aux techniques de recherche et de communication, commente Gaston Ternès. Ainsi, au cours de leur scolarité, les élèves ont-ils l’occasion d’effectuer des stages, de faire l’apprentissage de la démocratie, de s’impliquer dans des projets humanitaires.
Si le premier principe du lycée est de rendre les élèves autonomes et responsables, le second porte sur le dialogue entre tous les membres de la communauté, formalisé par un organigramme précis, porté à la connaissance de tous. Les nombreuses actions scolaires et périscolaires sont validées et suivies par un comité de pilotage. Elles sont décidées après un vote où sont représentées toutes les catégories (enseignants, élèves, parents) et évaluées au bout de 2 ans. L’équipe de direction travaille très régulièrement avec les délégués élèves comme ceux des parents. Au niveau de la communauté enseignante, un week-end pédagogique annuel, externalisé, est l’occasion de faire le bilan et d’ouvrir des perspectives.
Après 10 ans d’existence, le lycée s’est imposé comme précurseur dans bien des aspects : des établissements construits depuis ont aussi adopté une démarche de projet, les résultats scolaires sont excellents et plusieurs partenariats internationaux ont été conclus. Le lycée est maintenant à même de jouer son rôle de tuteur : « on a tout à apprendre d’une collaborationb avec des écoles de culture différente », affirme Gaston Ternes. Nous pouvons apporter l’expérience de 10 années où on est passé par des hauts et des bas. Certains chantiers sont maintenant stabilisés, notamment les circuits de décision, d’autres sont en cours, comme par exemple l’utilisation d’outils nomades.
Et que se passera-t-il si le directeur s’en va ? Gaston Ternès est optimiste : « on a réussi à construire une véritable équipe de direction collégiale de 5 ou 6 personnes. Si je pars, il y aura quelqu’un pour prendre la relève ! »