La politique de la lecture est actuellement à la distribution (de recueils de fables de La Fontaine en CM2) et à l’injonction (« Lisez, lisez, lisez », vient d’ordonner le ministre aux 1ères). La pédagogie de la lecture nous rappelle que forcer à lire est très souvent inefficace voire dissuasif, qu’accompagner les élèves dans l’appropriation des œuvres est motivant et enrichissant. L’enseignement à distance lui-même peut-il favoriser la proximité des élèves avec la littérature ? En voici quelques exemples : magazine collectif sur « Le petit prince » par les 5èmes de Lionel Vighier à Montesson, activités différenciées sur « L’avare » par les 5èmes de Bastien Guillotte à Nœux-les-Mines, casting pour « Le Cid » par les 4èmes de Caroline Leteinturier à Honfleur, carnets de personnages de Gaël Faye par les 3èmes de Caroline Allingri-Machefer à Orgon, augmentation d’une nouvelle de Zola par les 2ndes de Sandra Montet à Nice, édition commentée d’« Au bonheur des dames » par les 2ndes de Claire Augé à Décines. Créativité, collaboration, réflexion : des pistes pour libérer la lecture dans et hors la classe jusqu’à en faire la promesse d’une émancipation ?
Lionel Vighier : Un magazine numérique sur Le Petit Prince en 5ème
« Ce travail sur « Le Petit prince » a été mené en 5ème. Au terme de la séquence, l’objectif était de réaliser un magazine. Nous avons donc engagé une démarche de projet, par étapes (avec échéances, sessions synchrones et suivi du travail asynchrone) :
• Étape 1 : compréhension littérale de l’œuvre suivie par des questionnaires de lecture et des échanges synchrones (en classe, avant le confinement, puis en classe virtuelle).
• Étape 2 : approfondissement de l’interprétation du conte. Sur un traitement de texte collaboratif, en « direct », chaque élève s’est vu attribuer un chapitre, dont il doit rendre compte (principales actions, personnages importants, citations marquantes). Puis, au fil des échanges, on fait émerger des thématiques intéressantes, des axes forts. Les élèves sont ensuite amenés à analyser ces différentes thématiques et ces différents axes en s’appuyant sur des extraits précis, et en s’interrogeant sur la portée philosophique, morale du conte. Cette étape se fait d’abord de manière synchrone, pour amorcer, stimuler la réflexion et réguler les échanges.
• Étape 3 : Remue-méninges (“brainstorming”). Sur un traitement de texte collaboratif, les élèves ont été amenés à proposer des idées de rubriques, parties, créations du magazine (sachant que des activités menées pendant l’année les ont amenés à s’exprimer sur les œuvres de manière créative, tout en les amenant à complexifier leurs analyses et à affiner leurs interprétations). Les projets sont ainsi affinés progressivement.
• Étape 4 : Répartition des missions. Chaque élève (ou binôme) s’est vu attribuer une mission (une partie du magazine), de préférence une mission correspondant à une idée qu’il a lui-même proposée. Les critères de qualité ou de réussite sont définis par les élèves puis reformulés par le professeur.
• Étape 5 : Elaboration de la production pour une date définie. Les élèves avancent à leur rythme et le rôle du professeur consiste surtout à expliciter les attentes (les exigences), conseiller, rediriger. Les élèves prennent en compte les conseils du professeur pour améliorer leur production, et la date de fin de la production permet de laisser une marge pour avoir un temps de relecture et de conseil, pour que les élèves puissent améliorer leur production.
• Étape 6 : Mise en page par le professeur, sur Madmagz. Les élèves peuvent être collaborateurs du document. »
Le magazine “Publie-moi un mouton”
Lionel Vighier dans Le Café pédagogique
Bastien Guillotte : Activités différenciées autour de L’Avare en 5ème
« Ce projet a été mené en 5ème au collège Anatole-France à Nœux-les-Mines. Dans le cadre de la lecture en intégralité de L’Avare, j’ai voulu que les élèves s’approprient le texte en en proposant des créations originales et actualisées. Cela s’ancre dans un projet plus vaste commencé avant le confinement qui est de créer un magazine en réalité augmentée afin de rendre vivante la pièce de Molière, souvent d’accès difficile. Il s’agit donc de toujours mettre les élèves en activité pour accompagner leur lecture et leur bonne compréhension du texte.
Coupé dans notre élan par le confinement, le problème rencontré très vite avec l’enseignement à distance a été d’imposer au même moment la même activité à tous mes élèves alors qu’ils étaient dans des situations très diverses, tant au niveau de l’autonomie face au travail que de la possibilité d’utiliser le numérique ou non. C’est pourquoi, j’ai opté pour un travail collaboratif avec des activités très différentes tant dans leur forme que dans leur contenu mais toutes permettant une lecture raisonnée du texte. Chaque élève ne travaille pas ici les mêmes compétences et a l’impression de choisir ce qu’il veut faire, facilitant sa mise en activité par sa mise en confiance.
Je leur propose donc une liste d’activités plus ou moins guidées et différenciées, tout en prenant en compte l’avancée de leur lecture de la pièce (lecture normalement terminée en début de confinement à travers des parcours de lecture). Toutes travaillent la lecture et la compréhension mais aussi d’autres compétences orale et / ou écrites :
• faire une lecture vivante d’une scène donnée (avec vocaroo)
• “traduire” une scène donnée avec la langue du XXIe siècle
• créer la fausse interview d’un personnage de la pièce (au choix)
• créer des jeux Learning Apps sur l’univers de la pièce
• créer une présentation sur La Comédie Française (forme au choix)
• adapter une scène donnée en bande-dessinée (avec BDnF)
• créer une exposition virtuelle pour les plus doués en numérique (avec Cospace)
J’envoie à tous les élèves un document présentant précisément les différentes activités proposées sous forme d’encadrés. Chaque encadré décrit la tâche à réaliser par l’élève étape par étape et propose des liens vers des aides (extraits, vidéos, sites, outils numériques, grilles de travail, tutos…). Chaque élève doit réaliser au moins deux activités. Qu’il s’agisse de travailler des compétences orales ou écrites, les élèves peuvent s’appuyer sur des grilles de travail déjà introduites pendant l’année (redonnée ici en version simplifiée).
Chaque travail rendu donne lieu à un échange afin d’obtenir une amélioration guidée par mes remarques (ou parfois par les élèves eux-mêmes, laissant une part belle à l’auto-évaluation), me permettant aussi de vérifier leur bonne compréhension du texte. L’activité ayant été publiée sur l’espace de la classe via l’ENT, les élèves ont accès à un forum afin de poser toutes les questions qu’ils jugent nécessaires. Une fois l’enseignant et l’élève satisfaits du résultat, les élèves envoient leurs travaux. Afin d’en rendre compte, je partage l’ensemble sous forme de magazine numérique créé avec Madmagz – intégré dans l’ENT. Magazine que les élèves et les parents peuvent feuilleter, ils pourront ainsi lire, écouter, parcourir les planches de BD, jouer aux jeux créés tout en pratiquant le texte de Molière sans que cela soit pénible à leurs yeux et poursuivre ainsi la lecture active de la pièce. »
Caroline Leteinturier : Un casting pour Le Cid en 4ème
« Comment accompagner la lecture d’une œuvre résistante en période de confinement ? Nous avons commencé la lecture du Cid, avec mes deux classes de 4e, la semaine précédant la mise en place du confinement. Les élèves avaient tout juste eu le temps de « faire connaissance » avec les personnages et de découvrir le premier acte lors d’une séance d’arpentage.
L’étude à distance d’une œuvre aussi exigeante s’annonçait donc pour le moins délicate, notamment du point de vue de la langue du XVIIe siècle qui représente un véritable obstacle pour un grand nombre d’élèves. Le défi consistait à maintenir l’implication des élèves dans une lecture autonome et intégrale de cette œuvre ; c’était en effet l’objectif qui avait été fixé en début de séquence.
J’ai alors proposé à mes élèves une activité au long cours, à savoir celle de réaliser un casting de leur choix pour incarner les différents personnages de la pièce. Je leur ai présenté cette activité comme un réinvestissement des séances qui avaient été réalisées lors de la séquence précédente (qui portait sur l’objet d’étude « Dire l’amour ») et lors de laquelle ils avaient travaillé quelques extraits de Romeo + Juliette de Baz Lurhmann : les questionnements relatifs à l’adaptation d’une œuvre classique, sa transposition générique, temporelle et géographique, le choix des acteurs… avaient alors donné lieu à des débats riches et animés en classe. Etant donné le contexte, il était hors de propos de leur demander une transposition complète de la pièce de Corneille. Cependant, favoriser l’incarnation des différents rôles par des acteurs appartenant à leur univers culturel m’a paru réalisable, et même facilitée par l’environnement numérique, pour tenter de revitaliser l’approche de l’oeuvre. Il s’agissait, et sans doute de manière plus forte encore qu’en situation de classe ordinaire, de construire des passerelles entre la culture de l’école et la culture personnelle des élèves.
Afin que l’appropriation de l’oeuvre soit collective, j’ai intégré dans l’ENT, un mur collaboratif virtuel Padlet pour chacune de mes classes : chaque élève avait pour consigne de déposer au moins un portrait d’acteur ou d’actrice pour un des rôles. Et comme cette activité avait été intitulée « Casting pour Le Cid », les élèves devaient également proposer un extrait de la pièce à faire jouer au comédien ou à la comédienne repéré.e. Ces propositions d’acteurs et d’extraits devaient être justifiées.
Outre les noms d’acteurs et d’actrices, il a été très intéressant d’observer l’ordre, le rythme et la fréquence des contributions sur le Padlet durant la durée impartie à cette activité (quatre semaines en tout). Sans surprise, les premiers rôles distribués, ont été ceux de Chimène et Rodrigue. Mais l’Infante a aussi suscité rapidement un vif intérêt : la complexité du personnage non perçue lors de l’étude de l’acte I en classe, n’a pas manqué d’interroger les élèves. En revanche, les rôles de Don Diègue, Don Gomes et Don Sanche, ont été pourvus assez tardivement.
A la lecture des justifications apportées, on peut observer les différentes stratégies employées par les élèves pour expliquer leurs choix. En effet, à plusieurs reprises, ils se sont appuyés sur les prestations antérieures des acteurs : par exemple, Emma Watson a été plébiscitée pour endosser le rôle de Chimène car « elle incarne souvent des rôles historiques comme Hermione dans Harry Potter ou Belle dans La Belle et la Bête ». Chris Pratt est choisi pour jouer Rodrigue parce qu’ « on le voit souvent avoir des sentiments pour une fille dans les rôles qu’il joue ». Un élève a remarqué que Gérard Depardieu savait jouer « aussi » des rôles tragiques comme « Edmond Dantès dans la série télévisée Le Comte de Monte-Cristo » et, grâce à sa « voix de tonnerre » et « sa grande expérience » l’imagine bien incarner Don Fernand. L’apparence physique est aussi, on s’en doute, un des premiers critères : les actrices pour le rôle de l’Infante doivent avoir « la prestance, le charisme d’une reine » et être capables d’interpréter la jalousie, voire la méchanceté : et c’est à ces titres qu’ont été retenues Eva Green, Nathalie Portman, Daisy Ridley, Jenna Coleman… Steven Seagle, quant à lui, est proposé pour jouer Rodrigue dans l’acte II, scène 2, car il a « un physique à tuer le père de Chimène » !
Les textes à faire jouer aux acteurs ont été majoritairement extraits des deux premiers actes et sont ceux que les élèves ont jugé appropriés pour réaliser une performance d’acteur. C’est ainsi, par exemple, qu’un élève met au défi Kev’Adams de jouer la scène 6 de l’acte I pour vérifier s’il a assez de « coeur » pour « tenir le spectateur en haleine » durant ces longues stances. L’intégralité de la pièce est toutefois couverte, démontrant qu’un bon nombre d’élèves a poursuivi sa lecture, ou du moins son exploration de la pièce, pour répondre aux consignes. Par la sélection d’extraits qu’ils ont jugé significatifs, les élèves ont constitué leur corpus, sur lequel je me suis appuyée pour concevoir des séances d’analyse de textes.
Lors d’une séance de classe virtuelle, ces suggestions ont été discutées, les justifications quelquefois affinées (notamment l’emploi des termes « tragique » ou « historique ») les divergences de points de vue sur tel ou tel personnage ont fait l’objet de mini-débats. L’activité s’est révélée très riche sur les représentations des élèves, les valeurs importantes à leurs yeux, qui sont aussi celles des personnages de Corneille.
Pour clore l’activité, et établir une distribution complète et définitive des rôles, les élèves ont procédé à un vote. Pour ce faire, j’ai recensé les contributions de mes deux classes et ai conçu une application avec Glide.app qu’il est possible d’installer sur smartphone : les élèves ont donc pu avoir accès d’un seul coup d’oeil à l’ensemble des noms, photos, textes et justifications et indiquer leurs préférences au moyen d’un formulaire. Ils étaient invités, en outre, à faire voter leur entourage qui pouvait également faire de nouvelles propositions ! C’était une manière détournée de les inciter à résumer l’intrigue, à expliquer le caractère des personnages, leurs relations, leurs dilemmes… Et au vu des nouvelles contributions qui ont été apportées (Francis Huster, Thierry Lhermitte, Robert De Niro, Gary Oldman…) il semble bien que les familles aient joué le jeu. »
Caroline Leteinturier dans Le Café pédagogique
Quelques propositions d’activités d’enseignement à distance par les formateurs de Lettres de l’Académie Normandie, périmètre caennais
Caroline Allingri-Machefer : Carnets de personnages en 3ème pour s’approprier un roman contemporain
« Après un groupement de textes sur l’autobiographie, une classe de 3ème d’un collège rural classé REP a lu et étudié Petit Pays de Gaêl Faye en œuvre intégrale. Afin que les élèves s’approprient ce roman autobiographique contemporain, un projet a soutenu l’ensemble de la séquence : écrire des carnets de personnages. L’idée est née du « journal de personnage », dispositif créé et présenté dans sa thèse par Véronique Larrivé. Avec le « carnet de personnage », les élèves ne vont pas seulement écrire des textes narratifs à la première personne mais vont manier plusieurs types de textes de manière à acquérir les caractéristiques de différents genres, dans l’optique de réussir le sujet d’imagination du brevet. Se mettre dans la peau d’un personnage, faire de la « lecture identifiée » via une pédagogie de projet me semble davantage engager le lecteur et motiver l’élève.
A la suite de la lecture de l’œuvre en autonomie, dans le contrôle de lecture, il a été demandé à chaque élève de justifier le personnage dont il se sentait le plus proche ; on a ainsi constitué des groupes de personnages qui allaient rédiger le carnet autobiographique du personnage, à la première personne. Chaque groupe devait écrire 6 textes autour de trois compétences majeures : s’exprimer par des moyens créatifs (un profil de réseau social et une chanson), argumenter (la guerre selon leur personnage et un dialogue argumentatif) et raconter/exprimer ses sentiments (le déracinement après l’immigration et une lettre). Chaque élève pouvait choisir la consigne qu’il voulait traiter mais l’ensemble du carnet devait être co-réalisé : chacun avait la responsabilité des textes des autres.
Le travail collaboratif a été facilité par le numérique : grâce à Framapad, les élèves pouvaient modifier leurs textes mais aussi ceux des autres membres du groupe, l’améliorer au fil des remarques de l’enseignante, dans un travail de brouillons qui a duré tout le temps de la séquence. Nous avons aussi ménagé des temps de travail collaboratif en classe afin que des cercles de lecture et d’écriture puissent enrichir ou relancer le travail en distanciel. L’évaluation sommative ne s’est faite qu’à la fin d’un dialogue entre l’auteur et le professeur, mais aussi entre les élèves-co-auteurs. Le numérique a aussi permis de valoriser le travail des élèves : ils ont appris à insérer une image sous libre office, à utiliser le traitement de texte, à mettre en page et à unifier cette mise en page.
Le profil de réseau social n’a pas été réussi contrairement à ce que j’avais pu expérimenter dans d’autres établissements ; de même, les élèves n’étaient pas familiers du traitement de texte et ont mis presque deux séances à être à l’aise avec Framapad. Il aurait donc fallu que j’accompagne davantage les réalisations numériques et que je compte ce temps dans la réalisation des carnets.
Par contre, lors des brevets blancs, nombre de mes élèves ont pris G. Faye comme exemple dans leur sujet de réflexion. Il me semble donc que les écrits d’appropriation, notamment lorsqu’ils sont réalisés sur un temps assez long, permettent de mieux intégrer les œuvres à la bibliothèque intérieure des élèves-lecteurs-citoyens. »
Les carnets de personnages en ligne
Caroline Allingri-Machefer dans Le Café pédagogique
Sandra Montant : Une édition augmentée de Zola en 2nde
« Dans le cadre très particulier des vacances de printemps en période de confinement, sachant que certains de mes élèves de Seconde risquaient de trouver le temps long, j’ai souhaité leur proposer une activité créative et distrayante. Il s’agissait de participer à l’élaboration collective d’une édition augmentée d’une nouvelle de Zola, « Une cage de bêtes féroces », dans le prolongement d’une séquence portant sur l’objet d’étude « Littérature d’idée et presse du XIXe au XXIe ».
En amont, nous avons rapidement étudié cette nouvelle lors d’une séance de classe virtuelle. J’ai choisi, non sans réserves, d’employer google drive: c’est cet outil qui m’a semblé le plus pratique. Je souhaitais en effet que les élèves puissent suivre l’avancement du projet, de façon à savoir quelles parties pouvaient encore être complétées. De plus, je projetais d’exposer cette édition augmentée sur le padlet de la classe, une fois le travail achevé.
Mon projet était modeste, il s’agissait de demander aux élèves d’ajouter des notes explicatives et d’illustrer certaines parties du texte, en créant des annotations numériques, actualisant ainsi la tradition très ancienne des marginalia. Au préalable, j’ai copié-collé le texte de la nouvelle sur une page web ouverte dans google drive, en découpant le texte en sections – chaque section correspondant à un passage pour lequel je prévoyais une illustration. J’ai également mis en évidence les termes nécessitant une note de bas de page – laquelle serait transformée en lien vers la définition du mot. Les élèves m’ont envoyé leurs propositions de liens par mail, et j’ai progressivement intégré ceux-ci dans la page web.
L’idée était, à travers cette activité très simple, de mettre tous les élèves en situation de réussite en valorisant leurs propositions; de les amener à travailler collectivement à un objet numérique dont ils puissent être fiers. Il y bien sûr un travail de préparation, et il est nécessaire d’être précis dans les consignes, mais le bilan de cette expérimentation est positif pour moi. J’ai pris plaisir à découvrir leurs propositions, et à constater que cette activité les motivait, puisqu’ils ont été très nombreux à y participer. Elle a séduit des élèves qui d’habitude sont en retrait, voire en quasi décrochage.
Le projet est facilement transposable pour des éditions augmentées plus ambitieuses, on pourrait par exemple imaginer des lectures linéaires augmentées. »
Claire Augé : Lecture collective de Zola avec Glose en 2nde
« J’ai choisi de ne pas mettre en place de classe virtuelle, pour laisser les espaces à mes collègues et ne pas imposer de rythme à mes élèves qui doivent partager les ordinateurs, les espaces avec les parents et les frères et sœurs. Ayant l’habitude (et mes élèves aussi) de la plateforme Glose, je m’y suis tout de suite lancée pour mettre en place avec mes secondes une nouvelle séquence qui durera six semaines autour de Au bonheur des dames. Je n’avais pas prévu de faire ce roman mais j’avais besoin de trouver un roman patrimonial gratuit du XIXème siècle sur Glose (j’aurais dû commencer à ce moment-là l’étude de Calme et tranquille de Valérie Manteau, roman très contemporain que les élèves n’avaient pas encore acheté).
Glose nous a permis d’avoir un espace de partage autour du texte : dans les marges nous échangions sur les lectures, je voyais la progression de mes élèves (ils pouvaient lire sur ordinateur ou sur smartphone). Dans les marges nous pouvions aussi entendre nos voix puisque l’on peut s’enregistrer également dans les marges du texte. Les activités ont été simples de manière à travailler une progression sans perdre les élèves néanmoins l’exigence qui est la mienne n’a pas été diminuée : les élèves ont lu l’œuvre et ont réalisé une édition subjective, ont tenu un carnet de lecteur collectif sur Pronote, ils ont travaillé la lecture orale, ont travaillé des plans de commentaires, ont fait quelques analyses, fait des études transversales du roman, rédigé des paragraphes argumentés et vont rédiger à la rentrée une dissertation sur l’œuvre. Pendant les vacances, chacun doit lire un livre de son choix (papier si un livre papier à la maison ou un livre sur Glose : gratuit ou payant au choix. J’ai fait une sélection d’une cinquantaine d’œuvres).
Les échanges avec les élèves sont nombreux : par mail, parfois par sms. J’en ai eu quelques uns au téléphone quand ils le souhaitaient (mais je pense que c’est à moi que ces appels ont fait le plus grand bien). Depuis trois semaines, je fais systématiquement un podcast pour accompagner mes consignes de la semaine, mon bilan de la semaine dernière. Chaque semaine, je corrige individuellement les activités des élèves : je me demande même si le suivi individuel n’est pas meilleur aujourd’hui…
Je conclurai par les mêmes mots que le podcast enregistré hier pour mes élèves : je suis fière d’eux car ils ont réussi à s’accrocher, à lire, à progresser même, et oui ils font ma fierté. J’ai hâte de les retrouver mais il est évident que ma relation s’est renforcée avec eux, d’une autre manière. Et je suis très touchée des petits mots qui accompagnent de plus en plus leurs mails me demandant si je vais bien. A force d’échanger avec eux, j’ai peur un jour de signer « bisous » à un mail d’ailleurs. J’ai toujours pris le temps de répondre individuellement et longuement à chacun et un effet mimétique se met en place : et il en faut pas beaucoup plus pour m’émouvoir ! »
Claire Augé dans Le Café pédagogique
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Distribution de fables de La Fontaine en CM2 e 5 juin 2020
Lettre du ministre aux 1ères le 5 juin 2020
Déconfiner les pratiques d’écriture
Scénariser à distance le travail des élèves
Déconfiner la pédagogie du français