Par François Jarraud
A quelques jours des épreuves des concours d’enseignement, le ministère insinue que les candidats titulaires d’un master n’auront plus besoin de passer le CLES2. C’est ce qui découle d’une mention qui vient d’être ajoutée subrepticement sur le site ministériel.
« Selon les dispositions de l’article 6 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme du master, » le diplôme de master ne peut être délivré qu’après validation de l’aptitude à maîtriser une langue vivante étrangère. Les parcours types de formation comprennent des enseignements permettant aux étudiants d’acquérir cette aptitude « . Ainsi, dès lors que les candidats, titulaires d’un master, présentent un relevé de notes qui atteste de la validation de crédits dans une langue vivante étrangère, ils n’ont pas à justifier du CLES2 ». Ce certificat de langues a été considéré comme un des obstacles au recrutement des enseignants. En le supprimant, le ministère va dans le sens des recommandations du rapport Jolion.
La rubrique concours du ministère (en bas de page)
http://www.education.gouv.fr/cid56414/certificat-langue-exige-des-laureats-aux-concours.html
CLES 2 : De la masterisation à la dissimulation
Pour Jean-Louis Auduc, l’escamotage du CLES 2 est à la fois un signe de méfiance envers la masterisation et du mépris dans lequel sont tenus les candidats aux concours.
Le ministère reconnaît enfin que certaines exigences réclamées aux candidats des concours de recrutement enseignant sont impossibles à mettre en oeuvre. Après moults tergiversations, le ministère de l’éducation nationale vient en novembre 2011 d’annoncer sur son site des modifications concernant les conditions requises concernant le recrutement des enseignants. Il était temps ! les concours d’admissibilité du Concours de professeurs des écoles ont eu lieu fin septembre et ceux des CAPES auront lieu à partir du 15 novembre !
Ces modifications concernent le CLES2 ( Certificat de compétences en langues de l’enseignement supérieur 2e degré ) qui était exigé de tous les candidats au concours de recrutement enseignant pour être stagiairisé. Cette exigence avait fait l’objet de nombreuses critiques, car elle n’avait été assortie d’aucun moyen pour permettre aux enseignants de l’obtenir. Pour le premier degré cette certification avait avant tout pour objectif une mesure d’économie en permettant l’abandon de l’épreuve de langue vivante étrangère qui jusque-là existait dans les concours.
Pour la session des concours 2011, l’exigence du CLES2 avait purement et simplement été abandonnée. Pour la session 2012, le bon sens vient de triompher et le ministère, face à l’angoisse des candidats de ne pouvoir être titularisé faute de CLES2 a indiqué sur le site SIAC ce que le rapport Jolion avait réclamé : que l’obtention du master et des crédits de langues y figurant se substitue à l’obligation du CLES2 : « Des exigences à adapter sur les certifications. L’article 6 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master précise : « Le diplôme de master ne peut être délivrée qu’après validation de l’aptitude à maîtriser au moins une langue vivante étrangère.” L’on pourrait donc supposer que, les lauréats du concours devant valider le master, leur maîtrise d’une langue étrangère est implicite. Comme l’Education Nationale ne semble pas très confiante sur cet aspect des formations validées par l’Enseignement Supérieur, elle a introduit une contrainte supplémentaire, tout lauréat du concours devra également avoir obtenu le niveau B2 dans la maîtrise d’une langue étrangère. Cette exigence est une mesure qui, si elle est positive sur le principe, se heurte aux réalités de terrain Le cursus de master ne peut à lui seul satisfaire cette exigence qui devrait être celle de tout étudiant diplômé à ce niveau. En faire une contrainte individualisée ne résoudra en rien le problème de fond de la maîtrise d’une langue étrangère par l’ensemble des diplômés de master. Il est nécessaire que cette exigence soit programmée dans une démarche pluriannuelle progressive en y associant également le cursus de licence ou la rupture dans la pratique réelle d’une langue étrangère conduit le plus souvent les étudiants, non seulement à ne pas progresser, mais aussi à régresser en regard du niveau qui était le leur au baccalauréat. Bien sûr, une telle approche nécessite que les établissements bénéficient de moyens en adéquation avec les enjeux notamment si le ministère souhaite le développement du dispositif CLES….L’absence de moyens spécifiques n’a, on le sait, jamais permis la mise en place d’un vrai plan d’urgence sur la maîtrise des langues.» (Rapport Jolion, page 19)
Le contenu et les conditions de diffusion de cette information sont caractéristiques du manque de confiance du ministère lui-même dans la mastérisation qu’il a conçu. Mais aussi de l’absence des moyens minimales pour mettre en place de véritables masters et du mépris dans lequel sont tenus les étudiants de master 2 angoissés par la multitude des contraintes prévues et qui ne sont avertis qu’après ou juste avant l’écrit. Enfin ils participent d’une politique de dissimulation qui au lieu d’un arrêté en bonne et due forme au BOEN se contente d’un paragraphe dans Questions/Réponses du SIAC reprenant d’ailleurs mot pour mot les 4 premières lignes du texte ci-dessus du rapport Jolion.
Une telle politique d’exigences inadaptées et d’absence de moyens a une conséquence. Pour la seconde année consécutive, les professeurs des écoles qui doivent obligatoirement enseigner une langue vivante étrangère n’auront aucune formation à l’enseignement de cette langue. L’obsession purement comptable dans le domaine du recrutement des enseignants conduit à des situations ubuesques !
Jean-Louis Auduc
Sur le site du Café
|