On pouvait craindre du rapport Thélot qu’il épouse les nostalgies pédagogiques en vogue. Il n’en est heureusement rien. Le rapport a choisi d’inclure les technologies et les langues d’aujourd’hui dans la culture commune. Ce n’est que justice. Issu d’une consultation nationale, rédigé par une commission où se côtoyaient des personnalités d’opinions et de professions variées, le rapport Thélot dispose aujourd’hui d’une légitimité très forte.
Plusieurs des conclusions et des analyses du rapport invitent les rédacteurs de la future loi d’orientation à s’inscrire dans la continuité de la loi de 1989. On peut citer : la reprise et l’extension des cycles d’apprentissage au primaire et au collège, la réaffirmation de la place des TIC et des médias, l’évolution du métier d’enseignant, la réforme de la formation des maîtres, la place des familles dans la vie de l’école. Le remplacement proposé du thème central de la loi de 89, « l’élève au centre », par celui, tout aussi consensuel, de « la réussite de tous les élèves », invite clairement à une transition en douceur. Quelle meilleure place que le centre pour réussir ?
Si les rédacteurs de la loi cherchent à marquer une rupture, ils retiendront la proposition dite du « socle de connaissances, de compétences et de règles de comportement » qui rompt effectivement, non seulement avec la loi de 1989, mais avec une caractéristique bien établie du système éducatif national. Il s’agirait en effet de remplacer l’actuel système d’évaluation et d’orientation des élèves qui fonctionne par soustractions successives (si tout va bien, Polytechnique, sinon Centrale, sinon Les Ponts, et ainsi de suite jusqu’à la sortie sans qualification), caractéristique de l’école à la française, par un système fondé sur un socle commun de savoirs et de compétences exigibles à l’issue d’un tronc commun situé à la fin de la classe de 5e, à partir duquel chacun ajouterait selon ses talents et ses désirs.
La place réservée aux TIC dans la loi d’orientation nous concerne au premier chef. Le sujet, à notre grand regret, n’avait pas été jugé digne d’être débattu en tant que tel au printemps dernier. Aucune des 22 questions du débat ne s’y référait. Aucun membre de la Commission, à l’exception d’Alain Finkielkraut, démissionnaire, n’ayant réclamé que la question des TIC soit traitée par la Commission, elle ne l’a finalement pas été, si bien que les propositions du rapport manquent, dans ce domaine, singulièrement de substance. C’est à nos yeux l’une de ses faiblesses. Les propositions du rapport ne fournissent pour justifier la place somme toute importante qui a été faite aux TICE au dernier moment, rien de plus que des affirmations faiblement argumentées qui ne s’appuient pas, en particulier, sur les développements des usages les plus récents d’Internet et de leurs effets sur les pratiques enseignantes et le rapport au savoir.
Parmi les autres propositions de la Commission, celle relative au statut du lycéen professionnel a retenu notre attention. Dans un système éducatif singulièrement déprimé, le lycée professionnel détonne par ses succès et l’optimisme qu’il affiche : il redonne de l’espoir et des qualifications à des adolescents brisés par leur échec au collège. Ce n’est pas rien. Par ailleurs, les lycées professionnels accueillent une proportion importante d’élèves issus de classes sociales défavorisées qui n’ont pas toujours, faute de moyens, la possibilité d’aller au bout de leur parcours. D’où l’idée de leur proposer une rémunération. Cette proposition a immédiatement soulevé une objection : des élèves de collèges, attirés par un salaire, même modeste, pourraient renoncer à leurs ambitions dans l’enseignement général. Pour contrer cette objection, il faudra démontrer que le lycée professionnel peut être non seulement une voie de réussite, mais également une voie d’ambition. Même s’il n’est pas fait mention de façon claire des passerelles possibles pour ces jeunes, on peut espérer que la loi saura leur proposer une véritable voie professionnelle qui ne soit plus une voie par défaut, mais bien une voie par choix.
Bruno Devauchelle
François Jarraud
Serge Pouts-Lajus