L’acquisition du nombre de la naissance à six ans
Quelfil conducteur pour conduire les activités d’enseignement à l’écolematernelle ? La question ne va pas de soi, et c’est un enjeufondamental, explique Michel Fayol qui souhaite initier son propos àpartir d’une idée simple : ce sont les élèves qui apprennent,lentement, difficilement, généralement dans des difficultés quesous-estiment les enseignants. « D’ailleurs, les enseignants ne peuventque proposer des activités visant des objectifs bien identifiés, etc’est difficile pour eux lorsqu’ils ne peuvent pas encore s’appuyer surun apprentissage volontaire des enfants. Montessori l’avait imaginé àpartir de ses outils très contraints, pour induire l’apprentissagerecherché. »
Michel Fayol veut d’abord insister surquatre résultats majeurs de la recherche internationale, qui fondentson propos :
– on a mieux compris les très grandesdifférences inter-individuelles dans les apprentissages
– les mathématiques sont aussiimportantes que la littéracie pour la réussite scolaire
-les inégalités sont très précoces, souvent bien plus précoces qu’on nel’imaginait avant, et vont en s’accroissant au point qu’on mettedésormais l’accent sur des politiques publiques lors de la prime enfance
– il est possible d’améliorer lesrésultats si on intervient, ce qui n’est pas le moindre des résultats…
Les performances des élèvesdépendent de trois dimensions :
-des capacités de base, très précoces et universelles, dans letraitement des quantitiés (l’équipement biologique). Plus les enfantsavancent avec l’âge, et avec la scolarisation, ils sont capables dediscriminer les « quantités » approximatives, avec de plus en plusd’acuité.
-une dimension cognitive : ce qu’on fait avec le langage, la mise enmémoire de travail, l’attention, au contraire très variable selon lesmilieux et les contextes
-une dimension sociale et interactive, liée aux attentes, aux pratiquesfamiliales ou scolaire, favorisant ou défavorisant les apprentissages.
Une greffe à faire prendre à l’école ?
Avecle développement du langage, l’enfant va entrer dans des systèmesculturels, symboliques, différents selon les civilisations, comme s’ilgreffait sur un potentiel « analogique » une représentation symbolique,un code qui va évoquer une quantité précise. Si elle devientintériorisée chez les adultes scolarisés, il est impossible detravailler sur des codes inhabituels : « pour votre cerveau, poser l’opérationXXXIV x XXIII n’a rien à voir avec celle que vous ferez avec 34×23 »…De même, passer d’une quantité à son code, dans les différentesdimensions, peut poser des problèmes spécifiques (de 76 àsoixante-seize)…
Les débuts de cette dimension verbale dunombre, entre 12 mois et trois ans, sonttrès longs :il est plus difficile d’associer le mot « trois » à une collection de 3que d’associer le mot « table » à la photo de la table. Le « concept de 3″met très longtemps à devenir acquis par les enfants : à deux ans etdemi, nombre d’entre eux mettent longtemps à apparier une carte de deuxballons avec une carte de trois ballons…
C’est sans doute lié à deux problèmes :
-comprendre que la « cardinalité » est attachée à un ensemble, à unecollection, et non à un objet. Un enfant ne comprend pas spontanémentqu’une carte de « deux lions » va avec une carte de « deux fourmis »… Ilfaut bien attendre quatre ans pour que cela soit acquis…
-le langage code la quantité par l’ordre : 6 est plus grand que 5, parceque 6 se dit après 5 dans la comptine numérique… Rien dans le « signe »du 5 ou du 6, purement conventionnels, ne permet de le comprendre… Laconnaissance de la chaine verbale ne dit rien de la compréhensionréelle de la cardinalité. Et les enfants ne généralisent pas sur desnombres plus grands ce qu’ils savent faire sur des petits…
Que faire ?
Commentamener les enfants à utiliser les symboles de manière précise et rapide? Michel Fayol tente un raisonnement qu’il juge osé : tout est possiblepour des jeunes enfants, si on reste à chaque fois sur des quantités denombres compatibles avec leur état de développement. Il tente donc uneliste de six activités, d’abord avec 1, 2, 3…, avec des quantités quiaugmentent progressivement :
– Reconnaitreet dénommer : en faisant varier les formes, les couleurs, lesdispositions, en un coup d’oeil, sans compter : c’est le subitizing et ça ne s’enseignepas…
– Compareret ordonner : comparertrois gros points avec quatre petits, trois éloignés avec quatreproches, pour travailler sur les critères de jugement, et focaliserl’attention sur la quantité, le rangement du plus petit au plus grand
– Associerdes collections témoin aux quantités et aux symboles : associerdes collections-témoins de doigts, comme phase intermédiaire entre leréel et le symbolique, un chemin vers l’abstraction et la compréhensionde ce qui, entre quatre lions et quatre fourmis, peut être identique…On peut aussi travailler sur le passage d’un code à l’autre, du dominoà l’abaque ou à la bande linéaire
– Dénombrer,dire combien il y a, donner X… : direles noms des nombres sans oubli ni erreur d’ordre, en vérifiant leprincipe de correspondance terme-à-terme entre nom et objet, parpointage successif canonique : après avoir dénombré, l’enfant doitsavoir dire « combien il y en a entout, sans recompter ».Si on joue avec les enfants avec une « marionnette qui ne sait pascompter », à qui il faut apprendre à compter, on peut multiplier lessituations d’erreurs (oubli d’un numéro…) jusqu’à ce que chacun sachece qu’il faut faire pour réussir. On peut aussi travailler dessituations un peu déstabilisantes, comme compter les jetons dans ledésordre, afin qu’ils puissent vérifier qu’on obtient toujours la mêmecardinalité.
– Composeret décomposer
– Résoudredes problèmes : dansune boite opaque qui oblige à évoquer la quantité sans la voir, onajoute ou on retranche un, et on demande à l’enfant de dessiner cequ’il y a dans la boite. Avec des enfants de quatre à 5 ans, on le tauxde réussite varie considérablement selon qu’on leur montre une vraieboite fermée ou seulement qu’on leur raconte l’histoire… Cesaménagements sont très importants au moment où cette constructionnécessite un travail mental important, pour comprendre que les deuxquantités précises 3 et 2, ajoutées, donnent toujours une troisième,toujours la même, 5…
« N’allez pas trop vitepour ne pas les perdre » demande Michel Fayol à la salle… « Etfaites-en un peu tous les jours avec des situations un peu différentes,pour instituer un sens du nombre plus précoce et réduire lesinégalités… »
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