« Il faut passer du chemin unique, où les enfants n’ont d’égalité des chances que sur le papier, où les moins adaptés sont envoyés au fur et à mesure dans des structures de relégation… à une institution permettant à tous les élèves d’apprendre ensemble et à chacun de voir reconnaître ses besoins éducatifs particuliers ». Dans un nouvel ouvrage, à quelques mois des présidentielles, Philippe Meirieu invite les Français à inventer une nouvelle Ecole.
A l’opposé des innombrables pamphlets sur l’Ecole, il appelle à la reconstruire sur les valeurs traditionnelles de la République : la liberté et la solidarité. « Enseigner c’est être convaincu, en même temps que tous les élèves peuvent apprendre et qu’on ne peut pas obliger un élève à apprendre ». Une position qu’il oppose au « darwinisme éducatif » des anti-pédagogues qui pensent que les plus adaptés survivront dans tous les cas.
Que nous propose P. Meirieu ? Une refonte profonde du système éducatif autour d’une Ecole fondamentale de 3 à 16 ans, une filière unique qui revendique l’hétérogénéité. A la sortie de cette Ecole, le lycée pourrait accueillir tous les élèves dans des filières différentes mais avec un fonds culturel commun.
Différencier sans exclure. P. Meirieu ne croit pas en l’efficacité « du socle commun ». Pour lui, « l’idéologie du socle risque de nous engager dans une impasse. Nous continuons, en effet, à donner des objectifs sans nous interroger sur les moyens de les atteindre… L’acharnement à faire acquérir le socle ne pourra fonctionner qu’avec des élèves moyens, déjà motivés et peu en retard. Pour les autres, l’important est de reconstruire la voie d’accès aux connaissances. Il vaut mieux pour eux faire un détour par la culture plutôt que s’entêter à leur faire acquérir des connaissances ». Il préconise une pédagogie du projet qui s’appuie sur les oeuvres patrimoniales et qui reconnaisse et développe l’esprit de décision des enfants. Une pédagogie qui puisse permettre un brassage hétérogène fondateur de démocratie. Et qui exige une modification profonde de l’institution scolaire.
Plus d’Etat et plus d’autonomie.. P.Meirieu invite à ce que l’Etat s’investisse enfin dans la fixation des objectifs sociaux et éthiques de l’Ecole. Et à ce qu’il s’impose moins dans son fonctionnement quotidien. Autonomie des établissements, élection des chefs d’établissement, reconnaissance du rôle éducateur des enseignants avec une présence élargie sur l’établissement, invitation à l’innovation et la réflexion pédagogique commune : voilà autant de propositions à mille lieues du chemin emprunté par les derniers ministres.
Aux citoyens de décider ! C’est dire que P.Meirieu croit à la fois que la réforme de l’éducation nationale est possible et que l’Ecole puisse jouer son rôle auprès de tous les élèves. « Fort heureusement… nous sommes dans une République où les citoyens peuvent décider collectivement qu’il n’est pas acceptable d’abandonner une partie de sa jeunesse sans éducation… Nous sommes dans un pays qui a montré sa capacité à inventer des institutions pour permettre le développement de chacun dans la solidarité de tous ». L’ouvrage s’appuie sur les propositions des lecteurs du Café pédagogique. « La consultation ouverte sur le site du Café pédagogique, relayée par France Inter, a été essentielle pour l’élaboration du présent ouvrage. Elle a permis de recueillir une multitude de propositions qui prouvent à quel point nos concitoyens ont à coeur de faire progresser leur Ecole ».
Le Café vous invite à lire l’ouvrage et à continuer le débat. « C’est à chaque lecteur et à chaque lectrice de prolonger, à sa manière, la réflexion entamée ici… Qu’il avance de nouvelles analyses et de nouvelles hypothèses… Qu’il se fasse entendre ainsi auprès de ceux qui briguent nos suffrages. Pour que ces derniers s’engagent clairement sur des projets précis… Bref pour que les citoyens, enfin, construisent l’Ecole »
Philippe Meirieu, Ecole : demandez le programme !, ESF éditions – France Inter – Café pédagogique, Paris, 2006, 159 pages, 12,90 euros. Parution : fin août.
Présentation de l’ouvrage
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