injonction ministérielle de l’accompagnement éducatif : pour quoi faire
?La circulaire du 13 juillet 2007
demande de mettre en place dans plus de 1000 collèges de ZEP (avant la
généralisation en 2008) et dans les écoles « ambition réussite » un «
accompagnement éducatif » hors temps scolaire.
Quels sont les objectifs affichés
dans le texte ?
«
Favoriser la réussite de tous », en organisant, deux heures par jour,
quatre jours par semaine, de l’aide aux devoirs, des études dirigées,
des activités sportives, des ateliers de pratique artistique et
culturelle, en fonction de leurs besoins et leur motivation ».
Ces activités sont soumises à inscription volontaire avec autorisation
parentale. Elles seront animées dès novembre par des enseignants
volontaires, rémunérés en heures supplémentaires (105 millions d’euros
prévus au budget, mais le texte ne dit rien pour les enseignants du 1er
degré), des assistants pédagogiques ou des intervenants extérieurs (35
millions d’euros).
Si
on ne peut qu’être favorable sur le principe à la mise en place dans
les établissements de dispositifs destinés à aider les élèves, encore
faut-il prendre la mesure de toutes les questions induites par ce type
de réponse.
– Dans
la circulaire, on insiste en effet sur une autre motivation que la « réussite scolaire »
: on demande de « répondre à une forte demande sociale de
prise en charge des élèves après les cours ».
Or, tous les
chefs d’établissements de ZEP savent que les élèves qui sont le plus
concernés par la difficulté scolaire ne sont pas ceux qui montrent
l’engagement le plus fort à passer du temps dans le collège :
imagine-t-on que ces adolescents vont accepter facilement un temps
supplémentaire «volontaire» pour venir y faire leurs devoirs ou
pratiquer des activités culturelles et sportives ? On pourrait
rétorquer que les familles vont y trouver une aubaine pour assurer
gratuitement un soutien scolaire efficace, mais ce serait ignorer que
ce sont souvent ces familles qui ont le plus de mal à cadrer leur
demande éducative face à leurs enfants, ou qui rencontrent quelques
difficultés à assurer leur autorité sur des adolescents qui cherchent
plutôt à se retrouver entre eux à l’extérieur du domicile.
–
Pour les établissements
scolaires, le casse-tête risque d’être de plusieurs ordres :
d’abord, de trouver les moyens d’organiser matériellement la réponse à
cette demande : la sortie des élèves est généralement cadrée par des
contraintes de transport collectifs qui ne peuvent répondre à toutes
les souplesses nécessaires. D’autre part, il existe souvent dans
l’établissement nombre de dispositifs (aides, soutiens, « clubs »,
remédiation PPRE…) qui mobilisent déjà nombre d’enseignants. Certes, la
promesse d’heures supplémentaires, arrivées en masse dans les
établissements, peut être une carotte à laquelle on succombe, mais
nombre d’enseignants ne vont pas pouvoir augmenter sensiblement leur
charge de travail, eux qui vivent souvent leur présence dans
l’établissement comme une charge psychologique forte, et aspirent à des
espaces personnels d’oxygénation suffisamment conséquents pour
recharger les batteries.
La circulaire insiste sur
la nécessité de l’organiser «
en coordination et en complémentarité avec les dispositifs qui existent
déjà localement, en partenariat étroit avec les collectivités locales
et les autres services de l’Etat ». Exécutée en deux
phrases, cette recommandation risque d’être plus difficile à vivre dans
la réalité, comme le précise bien l’ANDEV
(Association nationale des Directeurs à l’Education des Villes de
France) dans une analyse d’une grande richesse. En effet, les
collectivités locales ont depuis des années mis en place de nombreux
dispositifs, qui s’entremêlent de manière plus ou moins ordonnées, dans
un souci de construire progressivement un « projet éducatif » cohérent.
Elle invite notamment à différencier ce qui peut être une action « de droit
commun », accessible à tous sur la base du volontariat, et
des dispositifs visant à aider la réussite des élèves « les plus en
difficulté », qui demandent de la part de l’Education
Nationale une réflexion globale sur sa difficulté à construire de
véritables « parcours de réussite ». On retrouve ici la question, pour
nombre d’élèves, du rapport au sens du travail
scolaire, bien décrit par Dominique Glasman dans un rapport
important, rédigé en 2004 à la demande du HCÉÉ, interrogeant
la difficulté des services publics à être crédibles lorsqu’ils
affichent l’ambition de la « réussite de tous » tout en persistant à
maintenir les écarts sociaux et leurs conséquences scolaires.