« Je suis convaincu que nous devons à la fois proposer l’apprentissage des langues anciennes à davantage d’élèves et raffermir les liens entre cet enseignement et les autres disciplines ». Dans un entretien donné au Point, le 16 novembre, JM Blanquer annonce une relance du latin et du grec avec le développement de l’option au collège et dans les lycées technologiques. Une annonce qui vient alors que ces enseignements ont particulièrement périclité depuis 2017. Et qu’il y a peu de chances d’aboutir à une vraie relance à cause du manque croissant de professeurs de lettres classiques. Mais une annonce qui vise un certain public en année électorale.
Les annonces
JM Blanquer a signé une déclaration avec les ministres grecs, italien et chypriote de l’éducation pour « promouvoir une Antiquité qui éclaire et nourrit le présent ». En même temps il fait plusieurs annonces. Le ministre veut développer l’option français et culture antique en 6èmeet ouvrir en collège et lycée de nouvelles sections « Mare Nostrum » qui « favoriseront l’apprentissage d’une langue ancienne , d’une ou plusieurs langues vivantes étrangères ou régionales » avec notamment une heure d’enseignement en commun. Dans Le Point il explique qu’il s’agirait d’apprendre à la fois le latin et l’italien et l’occitan par exemple, ce qui est effectivement une idée intéressante. Enfin l’option LCA serait ouverte aux lycéens technologiques.
Le déclin accéléré des LCA sous JM Blanquer
Cet intérêt subite pour les langues anciennes intervient 3 ans après le rapport commandé à Pascal Charvet. Il prévoyait une relance des langues anciennes qui n’a pas eu lieu. Pourtant les langues anciennes (LCA) en aurait bien besoin. Mais bien au contraire, le déclin des langues anciennes s’est accéléré après 2017. Si la baisse vient de loin, le rebond de 2016-2017 se transforme en plongeon aussi bien au collège qu’au lycée après 2017. C’est au lycée que la situation est la pire puisqu’on atteint maintenant seulement 3% des élèves. Et ça ne va pas s’arranger. JM Blanquer avait donné un statut spécial aux options LCA permettant à ces seules options d’apporter des points au bac. Il vient de revoir le régime des options et les LCA sont traitées maintenant comme les autres. Leurs notes seront prises en compte et pas seulement les points supérieurs à la moyenne. Si cette politique vise à renforcer les options en général, le ministère a bien précisé qu’elle ne s’accompagne pas de moyens supplémentaires. Les heures données aux options sont donc prises sur l’offre de spécialités. Il n’y a donc pas réellement de moyens permettant le développement des LCA.
Une relance impossible
Mais il y a un autre problème qui rend très difficile une reprise du latin grec. C’est la disparition des enseignants de latin et grec. En 2018, P Charvet soulignait qu’en 5 ans 1500 professeurs sont partis en retraite et 500 n’ont pas été remplacés et qu’en une génération les professeurs de lettres classiques pourraient totalement disparaitre. Depuis ce mouvement s’est accéléré. En 2017 on comptait 9240 professeurs de lettres classiques. Ils ne sont plus que 8116 en 2020. Chaque année la moitié des postes proposés aux concours ne trouve pas preneur. Il y a presque trois fois plus de départs que de recrutements chaque année et cela va s’accélérer.
A la pêche à l’électeur
Alors pourquoi ces annonces ? Elles peuvent séduire un certain public. Plusieurs études sociologiques montrent que les options, et particulièrement les langues anciennes et les secondes langues, sont utilisées pour construire la ségrégation sociale dans les collèges. « Les options ne sont pas prises de manière égale par les élèves des différentes classes sociales. Les plus aisés prennent plus souvent le latin ou l’allemand par exemple », explique Son Thierry Ly, auteur avec Eric Maurin et Arnaud Riegert d’une étude sur la ségrégation dans les collèges franciliens parue en 2014. Selon cette étude, « pour 62% des élèves ségrégués socialement (et 70% scolairement), la répartition des élèves selon leurs choix d’option et de langues suffit à expliquer la segmentation observée ». En 3ème c’est 76% des élèves. Une autre étude, celle de François Baluteau (2013), souligne le rôle du latin grec. 74% des collèges défavorisés proposent le latin mais 53% des favorisés ont latin grec. Selon le ministère de l’éducation nationale 42% des élèves suivant le latin ou le grec ancien sont favorisés ou très favorisés, 10% défavorisés. C’est cet électorat qui est visé par cette communication.
François Jarraud