Alors que l’éducation prioritaire arrive à un tournant et que des assises académiques sont en vue, l’Observatoire des zones prioritaires entend peser sur les décisions. Il réunissait le 18 septembre syndicats et acteurs de terrain pour un échange d’informations et de points de vue sur la politique nationale. L’éducation prioritaire est un des grands chantiers de l’année pour l’éducation nationale. Après des années d’immobilisme, la réponse aux inégalités éducatives est un défi pour le gouvernement. Le moment est venu pour l’OZP, interlocutrice des pouvoirs publics, d’affirmer ses conceptions. Et pour les acteurs de faire part de leurs inquiétudes. Les assises académiques semblent déjà mal parties.
« Il faut une politique ambitieuse, maîtrisée, engagée dans le temps, avec des moyens permettant des évolutions importantes ». Pour Marc Douaire, président de l’OZP, 2013 doit être une année de rupture dans la déjà longue histoire de l’éducation prioritaire. En tous cas c’est l’année de la concertation entre le ministère, les syndicats et l’OZP pour construire la nouvelle éducation prioritaire.
Concentrer les moyens sur un noyau d’établissements et de personnels
Pour l’OZP, Marc Douaire et Jean-Claude Emin, définissent son architecture. Les moyens doivent être concentrés sur son coeur, les 350 réseaux, environ 20% du territoire prioritaire actuel, alors qu’ils ont été éparpillés. Il faut affecter les moyens proportionnellement aux difficultés sociales et éducatives. « On a collé beaucoup de dispositifs périphériques qui ont noyé le principal », affirme JC Emin. « Il faut revoir ce mille feuilles. On a consacré des moyens à la diminution de la taille des classes ce qui ne s’est pas traduit par des résultats ». L’OZP veut aussi développer les personnels de coordination, par exemple les préfets des études, apparus ces dernières années. « Ils préfigurent l’évolution du métier d’enseignant, une évolution plus nécessaire ici qu’ailleurs », dit Marc Douaire. La stabilité des équipes pédagogiques doit être obtenue par la reconnaissance de missions qui ne sont pas aujourd’hui dans les obligations de service. « C’est plus urgent que la prime ». L’OZP affiche aussi un calendrier. « Le ministère va devoir prendre des dispositions dès décembre pour préparer la rentrée 2014. Il faut que des assises nationales soient organisées début 2014 ».
Les assises académiques sont mal parties
La réunion est l’occasion d’un échange d’informations sur les assises académiques en préparation et les décrets en préparation avec le ministère de la Ville. Chargé de mission au comité interministériel des villes, Philippe Gérard annonce la prochaine signature de la convention avec l’éducation nationale. La création du Commissariat général à l’égalité des territoires va changer la donne car la politique de la ville sera sous l’autorité du premier ministre. La définition des territoires prioritaires fera l’objet d’une loi et d’un décret dès novembre. Pour l’OZP, l’éducation prioritaire doit se concentrer sur le territoire où il n’y a plus de conditions ordinaires de fonctionnement de l’éducation. Mais comment négocier la sortie des établissements des autres zones ?
Des chefs d’établissement font part de l’attachement des personnels à la réduction actuelle de la taille des classes. Ils expriment leurs inquiétudes sur l’organisation des assises académiques. Quelle qualité de débat alors qu’aucun dossier réflexif ne leur est donné ? Les principaux auront juste l’animation déjà mise en ligne sur Eduscol. Selon les endroits, les assises auront lieu sur une demi journée banalisée ou pas. « A quoi servent ces assises si je les fais avec 30% des enseignants un mercredi après-midi ? », demande un principal des Hauts-de-Seine. Comment réunir aussi 1er et 2d degré ensemble dans un délai aussi court ?
Comment mettre de la mixité sociale à l’école là où elle a disparu dans la ville ?
Si l’objectif c’est de mettre davantage de mixité sociale dans les établissements prioritaires qui souffrent de l’absence d’hétérogénéité des élèves, comment faire quand le territoire est aussi ségrégué ? Pour l’OZP la question déborde du champ éducatif. Il y a déjà un travail de redécoupage des secteurs à faire comme l’a montré Marco Oberti. Mais « il n’y a pas de fatalisme sociologique. On a des cas où des équipes ont retrouvé une mixité sociale avec des stratégies pédagogiques et surtout l’apaisement de la vie scolaire », assure l’OZP.
Les syndicats ouverts aux évolutions
L’échange avec les syndicats montre des préoccupations différentes alors que vont s’ouvrir les négociations avec le ministère. Pierre Garnier, pour le Snuipp, insiste sur le temps de concertation des enseignants et entre les degrés. Il soulève aussi la question du climat des classes : il est lié à la réduction des effectifs élèves. « Quand on a moins d’élèves dans sa classe on est plus à même d’assurer un climat serein », relève-t-il. « C’est bien au sein de la classe que les enseignants doivent percevoir les effets d’un changement en éducation prioritaire et avoir des marges de manoeuvre nouvelles, surtout la question du temps pour travailler différemment, se concerter et travailler en équipe ». Mais il faut aussi de la formation, que les enseignants apprennent à travailler différemment. Claire Krepper, du Se-Unsa, pose la question du financement. « Pour donner plus à ceux qui ont moins, il va bien falloir donner moins à ceux qui ont plus. Pas question qu’il y ait juste réaffectation des moyens à l’intérieur du prioritaire. Il faut abonder l’enveloppe ». La logique de réseau lui semble essentielle car elle permet la continuité école collège et la formation continue. Bruno Maire, pour le Snes, soulève la difficulté pour faire venir des enseignants formés dans le prioritaire. Il faut redonner aux enseignants « le sentiment de pouvoir faire réussir leurs élèves ». Il faut une décharge pour le travail en équipe d’une intensité variable selon les difficultés rencontrées par les équipes pédagogiques. Quant aux sorties du dispositif, « il ne fait pas passer du tout au rien ». Ces perspectives rappellent une demande de l’OZP pour un pilotage national et des assises nationales. Pour sa concertation, le ministère va devoir composer avec des partenaires qui ont renforcé leurs convictions.
François Jarraud