Il y a les maires qui abandonnent la réforme des rythmes. Ceux qui jurent leurs grands dieux que jamais ils n’appliqueront la loi. Et puis il y a ceux qui l’appliquent ou qui se préparent à l’appliquer. Le 14 novembre, la Gazette des communes a invité les représentants des communes à participer à un colloque sur la réforme des rythmes. A quelques jours du congrès des maires, les grandes associations ont manifesté leur soutien à la réforme.
« Là où ça va bien c’est vraiment l’école de demain. Et ça réussit aux enfants ». Ces propos de Pierre Régnault, président de l’association des villes moyennes et maire (PS) de La Roche sur Yon, expriment les sentiments des élus présents au colloque organisé par La gazette des communes. Toute la journée ils ont manifesté leur intérêt pour la réforme et échangé sur les difficultés rencontrées. Car celles-ci ne les découragent pas.
Pourtant, d’entrée de jeu, un sondage réalisé par la Gazette a mis en évidence que l’application des nouveaux rythmes est « douloureux » pour 2 élus sur 3. Ce qui leur pose problème c’est la difficulté à trouver des animateurs ou l’obligation à réorganiser les services bien avant les conflits. Un maire sur trois a des difficultés avec les parents, un peu moins avec les enseignants. La même enquête révèle que 13% des maires n’ont procédé à aucune concertation sur les rythmes; un sur 4 n’a jamais consulté les parents et un sur trois les enseignants.
Une première table ronde d’élus a fait apparaitre les difficultés rencontrées. Jacques Salvator, maire d’Aubervilliers, explique comment , pour avoir cru être « dans le vent de l’histoire » il se retrouve face à un mouvement social important chez les enseignants et largement médiatisé. Pourtant le taux de fréquentation des activités périscolaires est élevé et cela rejailllit sur la cantine et le centre de loisirs dont la fréquentation a augmenté de 40% « Finalement les enfants ne sont pas si fatigués qu’on le dit », glisse-t-il. Philippe Relin, adjoint au maire d’Eragny souligne la difficulté à recruter des animateurs. La réforme devrait créer 300 000 emplois d’animateurs. Il y a donc un problème de formation, le bafa ne semblant pas suffisant. Le maire de Langeais, Pierre Alain Roiron, soulève le problème de la concertation avec les enseignants. « Quand ça ne se passe pas bien avec les enseignants, alors ça ne va pas aussi avec les parents », avertit-il. Dans sa commune, l’école élémentaire participe aux activités périscolaires mais ça se passe moins bien avec l’école maternelle et du coup les parents sont eux aussi mécontents. La question financière n’apparaît pas comme un problème.
La seconde et la dernière table ronde réunissent des représentants d’associations d’élus ou de personnels des communes. Pour Yves Fournel, président de l’association des maires des grandes villes et de l’Appel de Bobigny, estime qu’on a sous estimé la question financière. Il demande un financement pérenne par l’Etat. Mais le plus gros échec c’est la concertation. « Il faut vraiment consulter la base » affirme P Bron, maire adjoint de Grenoble. Consulter les responsables ne suffit pas. Il ne suffit pas de voir les directeurs il faut aussi interroger les professeurs directement. Il ne suffit pas de voir les responsables des associations de parents d’élèves, il faut parler directement avec les parents. Autre problème évoqué , celui de la maternelle. Son temps devrait être différent de celui de l’élémentaire. C’est là où il y a le plus de tension entre enseignants et animateurs. C’est là aussi où les parents sont le splus exigeants. La question de la concertation entre enseignants et animateurs est aussi évoquée. Aujourd’hui, à la grande surprise des élus, elle ne fonctionne pas alors qu’elle semble indispensable.
Comment soutenir la réforme et la faire avancer ? Eric Favey, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement, est en colère devant les difficultés de la réforme. Il met en cause les médias dans l’exploitation de la crise. Anne-Sophie Benoit , secrétaire générale de l’Andev et Vannick Berberaian, secrétaire général de l’association des maires ruraux, jugent le décret maladroit. « C’est une mise au pas des communes », tellement il encadre l’action communale, dit AS Benoit. « Il faut oser la décentralisation », ajoute V Berberian. Il demande du temps pour passer aux nouveaux rythmes. Mais c’est là peut-être ce qui manque le plus dans le contexte actuel à l’action des élus.
En mettant sur la table les problèmes rencontrés par les élus, le colloque a mis en évidence le soutien des participants à la réforme. Il a aussi démontré l’impréparation des élus pour faire face aux problèmes. Alors que l’on prépare la réforme des rythmes depuis 2008, les problèmes financiers et humains n’ont pas été anticipés par les associations d’élus. Du coup la réforme crée moins de problèmes qu’elle n’en révèle, estime P Bron. A quelques centaines de mètres le cortège des enseignants grévistes parisiens s’ébranlait…
François Jarraud