Il y-a-t-il encore un suspense ? Depuis 2 mois, Vincent Peillon a largement annoncé une baisse des résultats français à PISA 2012 e une montée des inégalités. On saura mardi 3 décembre à 11 heures sur le site du Café pédagogique ce qu’il en est. En attendant, on peut se rappeler ce qu’est PISA et les enseignements de l’édition 2009, à confirmer ou pas en 2012.
Qu’est ce que l’enquête PISA ?
Peu connue du grand public lors de sa première édition en 2000, PISA est devenue un événement mondial et une enquête de référence pour les systèmes éducatifs. « L’enquête PISA cherche à évaluer la capacité des jeunes à utiliser leurs connaissances et compétences pour relever les défis du monde réel », affirme l’OCDE qui organise le test. Pour PISA 2012, 470 000 élèves de 15 ans ont été testés dans le monde dont 5 000 en FRance tirés de façon aléatoire. L’enquête a lieu tous les trois ans avec à chaque fois une question dominante. Celle de 2012 est l’enseignement des maths. C’était déjà le cas en 2003. On pourra ainsi comparer 2003 et 2012.
PISA n’évalue pas des connaissances mais des compétences. « Les tâches les plus complexes des épreuves PISA demandent aux élèves de réfléchir à ce qu’ils lisent et de l’évaluer, et pas uniquement de répondre à des questions auxquelles il n’y a qu’une seule réponse correcte. Ces définitions traitent de la capacité des élèves à faire des extrapolations à partir de ce qu’ils ont appris et d’appliquer leurs connaissances dans des situations inédites. Y figure également la capacité des élèves à analyser, à raisonner et à communiquer lorsqu’ils énoncent, résolvent et interprètent des problèmes dans diverses situations », écrivent les organisateurs.
Ainsi, la compréhension de l’écrit « renvoie à la capacité des élèves à comprendre l’écrit, à l’utiliser et à y réfléchir pour réaliser leurs objectifs ». La culture mathématique « est l’aptitude d’un individu à formuler, employer et interpréter des mathématiques dans un éventail de contextes, c’est à dire à raisonner en termes mathématiques et à utiliser des concepts, procédures, faits et outils mathématiques pour décrire, expliquer et prévoir des phénomènes. Elle aide les individus à comprendre le rôle que les mathématiques jouent dans le monde et à se comporter en citoyens constructifs, engagés et réfléchis, c’est-à-dire à poser des jugements et à prendre des décisions en toute connaissance de cause ». La culture scientifique évalue « les connaissances scientifiques de l’individu et sa capacité d’utiliser ces connaissances pour identifier les questions auxquelles la science peut apporter une réponse, pour acquérir de nouvelles connaissances, pour expliquer des phénomènes scientifiques et pour tirer des conclusions fondées sur des faits à propos de questions à caractère scientifique ; la compréhension des éléments caractéristiques de la science en tant que forme de recherche et de connaissance humaine ; la conscience du rôle de la science et de la technologie dans la constitution de notre environnement matériel, intellectuel et culturel ; et enfin, la volonté de s’engager en qualité de citoyen réfléchi sur des problèmes à caractère scientifique et touchant à des notions relatives à la science ». On voit qu’on est très loin de la simple récitation de connaissances. Les questions peuvent prendre parfois la forme d’un QCM, parfois celle d’un texte littéraire. On trouvera ci-dessous un lien vers un document présentant des exercices de PISA 2012.
PISA recueille aussi de nombreuses informations sur le niveau de vie de chaque élève ainsi que son intérêt pour l’école, les usages numériques etc.
Quels étaient les résultats de PISA en 2009 ?
Les médias retiennent souvent de PISA le classement international dans les 3 compétences étudiées. Or, comme l’a bien montré B Suchaut dans le Café, le classement n’a qu’une signification relative. Beaucoup plus intéressante est la comparaison du même pays sur plusieurs enquêtes. C’est le cas pour la France où on pourra comparer l’évolution des résultats français de 2003 à 2012.
En 2009, PISA a montré de fortes inégalités de réussite à l’école. L’école française se singularise par de fortes inégalités. En lecture, la France fait partie avec Israël, la Belgique et l’Autriche, des pays où l’écart est le plus fort entre les élèves les plus forts et les plus faibles. La part des élèves faibles en lecture dépasse la moyenne OCDE. 20% des élèves sont en échec scolaire c’est à dire au niveau 1 (le plus faible) dont 8% au niveau 1b et en dessous. C’est plus que la moyenne de l’OCDE qui se tient à 6% aux niveaux 1b et en dessous. C’est la même chose aux niveaux les plus élevés : 9,5% sont aux niveaux 5 et 6 (contre 8% pour l’OCDE).
On constatait aussi de fortes inégalités sociales. Ce « grand écart » se retrouve également en maths. Socialement, les résultats des élèves favorisés sont supérieurs de 50 points à ceux des élèves défavorisés : cela représente plus d’une année d’école !
Et ethniques… Une autre inégalité saute à la figure : l’écart entre les jeunes d’origine étrangère et les autres. Les immigrants de première génération sont à environ 420 en lecture, ceux de seconde génération à 448 et les autochtones à 502. 420 c’est à peu près la Thaïlande ou Trinidad. 448 renvoie au Chili et 502 la Norvège. Comme si l’Ecole française abritait trois systèmes éducatifs différents ! L’écart entre les immigrés de première génération et les autochtones représente deux années d’études. L’écart demeure entre ceux de seconde génération et les autochtones. Il représente encore l’équivalent d’une année d’école ! Tout se passe comme si l’école n’avait aucun effet et était incapable de faire réussir les élèves issus de l’immigration. Ceux ci ont deux fois plus de chances d’être en échec scolaire que les élèves autochtones.
Et de genre. L’écart entre filles et garçons représente près de 40 points en lecture c’est à dire l’équivalent d’une année de classe. Cet écart s’est creusé depuis 2000 où il n’était que de 14 points.
Enfin une évolution inquiétante. Depuis le premier PISA en 2000, la France a décroché. Quelques pays ont plongé (l’Irlande, la république tchèque). Mais d’autres ont amélioré leurs résultats comme l’Allemagne. PISA montre l’évolution par catégorie d’élève entre les plus faibles (niveaux 1 et 2) et les plus forts (niveaux 5 et 6). De 2000 à 2009, on constate l’augmentation de la proportion d’élèves très faibles (niveaux 1 et 2). Ils sont passés de 15 à 20%. L’école française n’arrive pas à diminuer leur nombre. Bien au contraire la part des élèves les moins performants a doublé (8%).
En 2009, le Café concluait l’analyse en disant « on a là le défi majeur pour les années à venir ». Dans quelle mesure le pays a -t-il répondu à cette croissance des inégalités sociales et ethniques depuis 2009 ? Le système éducatif français a -t-il continué à éclater entre des faibles de plus en plus nombreux et des forts de plus en plus nombreux également ? L’apartheid scolaire a-t-il progressé ? Vous le saurez mardi 3 décembre dès 11heures sur el site du Café pédagogique.
François Jarraud