C’est déjà la guerre froide. Syndicats, collectivités locales, ministre s’affrontent à propos des rythmes scolaires au primaire. Et on sait déjà que la question va monter plus haut que la rue de Grenelle pour être tranchée par JM Eyrault. Pourtant ce n’est pas sur la question des rythmes scolaires que se joue la « refondation »…
Si la réforme des rythmes scolaires au primaire divise fortement les acteurs de l’Ecole c’est qu’il y a de bonnes raisons. Faute d’un budget suffisant, elle oppose le intérêts des enseignants à ceux des municipalités plaçant le ministre dans une position difficile. Mais elle pose aussi la question des relations des enseignants avec les autorités locales. Si généralement ces relations sont bonnes, la réforme entend les faire évoluer fortement en mettant les enseignants du primaire sous contrôle municipal pour une partie de leur emploi du temps. Enfin elle entend faire évoluer le métier lui même en enjoignant aux enseignants de faire du para scolaire.
Tout cela n’est pas rien. Et c’est même beaucoup par rapport à la modestie factuelle de cette réforme des rythmes. Car les changements de grande ampleur ont été évités. La réforme s’arrête au primaire. Elle ne concerne pas les vacances d’été. Elle ne change pas grand chose à la vie des élèves si ce n’est de les faire travailler le mercredi matin.
Cette réforme vaut-elle même la peine ? Sans doute. Mais son efficacité pédagogique n’est pas établie. Une étude menée par N Mons, B Suchaut et M Duru Bellat a mis en doute l’automaticité du rapport entre le temps d’enseignement et les résultats scolaires. Avec ses 864 heures de cours , la France fait partie des pays européens qui ont le plus d’heures de cours au primaire avec l’Espagne (875) ou l’Italie (891). L’Europe du nord se contente de beaucoup moins : 798 en Angleterre, 564 en Allemagne, 569 en Finlande, le modèle convoité par toute l’Europe.
On pourrait penser que l’avenir de la refondation se joue dans la formation des enseignants. Voilà un sujet sur lequel la bagarre va également se porter. Et il est certain que la formation des enseignants est un facteur sensible. Mais là encore ce n’est pas tant le niveau moyen des enseignants qui est à améliorer que les capacités humaines d’encadrement des élèves dans les quartiers populaires.
L’avenir de la refondation se joue ailleurs. Le principal mal dont souffre notre système éducatif c’est les sorties sans qualification, la fabrication à 130 ou 140 000 exemplaires chaque année de jeunes qui entrent dans la vie active sans le bagage minimum qui peut leur permettre d’accéder à l’emploi. Le vrai défi de la refondation c’est l’éducation prioritaire.
Or cette question ne fait pas de vagues parce que la refondation s’y intéresse trop peu. Certes le rapport de la concertation fait des recommandations sur la gestion des moyens. Mais on reste loin des efforts nécessaires. Ce qu’il faut en zone prioritaire c’est établir des seuils d’élèves par classe. Les travaux de T Picketty ont mis en évidence l’impact qu’aurait une diminution réellement forte du nombre d’enfants dans les classes de l’éducation prioritaire. La refondation envisage bien d’accorder des moyens supplémentaires mais on n’entre nullement dans une attribution chiffrée des moyens. Les conflits actuels ne doivent pas détourner les exigences de prise en compte des inégalités à l’intérieur du système éducatif . Sinon tout le reste n’aura servi à rien.
François Jarraud