Goncourt des Lycéens 2012 : c’est parti
« Quand la prof nous a dit qu’on avait 11 livres à lire avant novembre, on s’est regardés et on s’est dit : comment on va faire ? » Cette interrogation de Laura, élève en première S au Lycée Kerichen à Brest, permet de mesurer le défi lancé aux 2 000 lycéens qui, dans toute la France et jusqu’au Québec, vont participer au choix du lauréat d’une prestigieuse récompense : le prix Goncourt des Lycéens.
On connaît le fonctionnement de ce prix, qui fête cette année sa 25ème édition, et dont la longévité vient de ce qu’il constitue un projet pédagogique autant qu’un événement éditorial. Le 4 septembre 2012, les Académiciens Goncourt ont annoncé la liste des livres susceptibles d’être primés. 50 classes de lycée, de tout niveau, de toute filière, de toute série, de toute région, vont s’efforcer de lire les 11 romans en lice pour le prix des lycéens, faire vivre leurs lectures par des débats ou des travaux d’écriture, les prolonger et les amplifier par des rencontres avec certains auteurs … Chaque classe choisit finalement son tiercé de livres préférés et envoie un délégué à des délibérations régionales qui auront lieu en novembre. Chaque regroupement régional désigne lui-même un juré pour les délibérations nationales qui se tiendront le 15 novembre à Rennes.
Vendredi 21 septembre, la classe Goncourt du lycée Kerichen se trouvait ainsi réunie pour lancer officiellement l’opération en présence des professeurs de français et documentalistes investis dans l’aventure et avec la participation du représentant de la Fnac (partenaire de l’Education nationale et de l’Association Bruit de Lire). Aux côtés de la presse locale, trois jeunes journalistes, élèves en seconde au Lycée de l’Iroise, envoyées spéciales du Journal du Goncourt des Lycéens, réalisaient là leurs premières interviews et leur premier reportage. Jeanne, qui fut jurée Goncourt et déléguée nationale en 2011, est quant à elle venue témoigner de son expérience exceptionnelle et motiver les lycéens qui s’engagent dans des semaines de lecture intensive : « J’aimerais bien être à votre place. Pour tout ce qui en découle, pendant comme après. ». Il est vrai qu’il faut lever les réticences et apaiser les appréhensions des nouveaux jurés, notamment sur l’importance de la tâche et la qualité des livres retenus : « ça fait peur de lire 11 livres » (Justine), « moi je me demande comment ils les sélectionnent » (Laura), « le bac, c’est quand même plus «important que le Goncourt ! » (Soazic) Le système aurait-il réussi à convaincre certains qu’il est plus important de bachoter que de lire, que le but de l’enseignement du français est la note au bac plutôt que le bonheur de la littérature ?… Toutefois la peur et l’intérêt sont souvent mêlés, et la plupart des élèves expriment aussi leur motivation, leur enthousiasme même parfois, tant ils perçoivent clairement certains enjeux essentiels du projet : « mes attentes? rencontrer des auteurs, lire des livres (parce que je ne lis pas beaucoup, donc c’est l’occasion….), et même au niveau de la classe nous retrouver tous ensemble » (Sandra), « ça nous fait un peu entrer dans la littérature moderne, et dans la littérature française » (Soazic et Camille), « on est contents que tout le monde puisse y participer, pas simplement des littéraires, toutes les séries», « cela va aider à progresser en argumentation et apporter plus de culture littéraire » (Maryline).
L’aventure des 50 classes engagées peut être suivie via internet : sur la plateforme 2012 du Goncourt des Lycéens où les élèves sont invités à livrer tout au long des semaines à venir leurs impressions sur les romans et sur l’actualité de leur projet. D’ores et déjà, s’y exprime la même fébrilité qu’au Lycée Kerichen. En témoigne cette devise que se sont donnée les élèves du Lycée des eaux claires à Grenoble : « Le bonheur est dans le livre !!!! C’est le premier slogan qu’on a trouvé pour nous lancer dans la lecture … mais on n’est pas bien sûr de tenir. Sur cette première photo, on a encore l’air heureux. On verra après les 3000 pages si on l’est encore. » Milena, élève au Lycée Emile Zola à Rennes, souligne combien le projet entre en résonance avec ses goûts personnels, combien il permet de réconcilier l’école et ses passions : « J’aime lire ; c’est comme une drogue, je ne peux plus m’en passer ; je lis pour me détendre, je lis pour oublier, je lis pour partir, je lis aussi pour m’instruire, je lis pour découvrir, je lis par plaisir. C’est ce que j’attends des romans que je découvre aujourd’hui. » Romain, Marie, Coline et Nolwenn, du Lycée Dupuy de Lome à Lorient, soulignent combien l’aventure est belle parce qu’elle est aussi collective : « Nous avons été pris de court quand, dès la rentrée, notre professeur de français nous a glissé les premières informations sur ce fameux prix. Grâce à cette dernière et notre documentaliste dévouée, nous nous sommes érigés un sanctuaire dans les tréfonds du CDI, lieu sacré où seule peut entrer notre classe. Lire les mêmes livres, ensemble, dans un endroit où nous pouvons partager nos opinions, nos ressentis, à l’intérieur de cahiers prévus à cet effet, ou tout simplement de vive voix. Une élève artiste de notre classe nous a tous rassemblés sous une même bannière : un personnage aventurier qui voyage au travers du Goncourt et le voit à travers nos yeux. « Le Goncourt nous a fédérés, on est tous impliqués », dit un élève. C’est vrai qu’une fois passé la porte de la salle, on se sent bien. On est tous ensemble, réunis, du moins jusqu’en novembre ! »
On laissera le mot de la fin, en l’occurrence du commencement, à Roxane, élève au Lycée La Providence à Fécamp : « Contente que ce prix des lycéens commence ? Comment dire … ? Passer de 10 livres en 1 an à 11 livres en 2 mois : ca va être chaud ! Mais le défi ne me fait pas peur au contraire. Qu’ils viennent, ces livres : je les attends …..Qu’ils soient passionnants, et je m’occupe de reste : A nous deux, Prix Goncourt ! »
Jean-Michel Le Baut
Liens :
La plateforme collaborative du Goncourt des Lycéens 2012
Le calendrier et les romans sélectionnés
Le Goncourt des Lycéens sur Twitter : @goncourtlyceens
Goncourt des lycéens : « Montrer que la littérature est aussi un monde de vivants »
Le Goncourt des Lycéens est aussi un défi pour les enseignants qui lancent le projet dans leurs classes. Priscillia Le Bihan, professeure de lettres au Lycée Kerichen à Brest, témoigne ainsi de l’ampleur et des intérêts de la tâche à accomplir…
Pourquoi avez-vous choisi de vous engager dans le projet « Goncourt des Lycéens » ? Quels bénéfices en attendez-vous pour vos élèves ?
Participer au Goncourt des lycéens permet aux élèves de lire des œuvres immédiatement contemporaines. Le fait d’élire un livre dans une sélection donnée leur donne un rôle actif, ce qui devrait stimuler leur envie de lire. Ils deviennent des juges, statut qu’ils n’ont pas autrement. En ayant conscience des enjeux de ce prix, leur nouveau rôle d’évaluateur devrait être pris au sérieux, et leur jugement fondé sur des raisons assumées. Cela contribue ainsi à former la réflexion de chacun et à la confronter à d’autres. Et même si leur rôle est très sérieux, les lectures qu’ils effectuent relèvent de la lecture plaisir, faite à la maison, dans l’ordre qu’ils veulent. Si les contraintes sont réelles, ils en choisissent les modalités. On leur fait confiance, on les écoute, on reconnaît leur avis, alors que souvent, leur opinion n’est qu’un enjeu scolaire.
Les rencontres avec les auteurs prévues dans le cadre de l’opération donneront aussi chair à des noms sur une couverture. Souvent, pour les élèves, les écrivains sont associés à des époques révolues. Lire des romans du XXIème siècle, voir ceux qui les ont écrits montrera à ceux qui en doutaient que la littérature est aussi un monde de vivants.
Vos élèves viennent de recevoir les 11 livres de la sélection Goncourt des Lycéens 2012 : dans quel état d’esprit sont-ils au moment où ils s’engagent dans l’expérience ?
Beaucoup d’élèves ne connaissaient pas le Goncourt des lycéens. J’ai d’abord présenté le prix, son histoire, ses élus, et les heureuses conséquences pour ceux-ci. Je leur ai parlé précisément de leur rôle pendant toute l’opération, du calendrier, et insisté sur l’immense chance qu’ils avaient de participer à ce prix. Le témoignage de Jeanne, une élève qui a participé au prix l’an passé, a certainement rendu mes propos plus crédibles. Elle a raconté avec enthousiasme tout ce que lui avait apporté cette participation et tout le plaisir qu’elle avait eu de lire et d’élire.
Pour l’instant, le nombre de romans à lire les effraie -11 livres en moins de 2 mois- ils craignent de ne pas y arriver mais ils savent que c’est possible. D’autres l’ont fait, pourquoi pas nous?
Comment pensez-vous procéder pour réussir à faire en sorte que le plus possible d’élèves lisent le plus possible de livres durant les semaines à venir ?
Pour stimuler la lecture, je vais réserver au moins une demi-heure par semaine à des discussions sur les romans de la sélection. Ces réunions se dérouleront en dehors de la classe, au CDI. Je les inciterai aussi à écrire des articles sur la plateforme d’échanges internet et pour le journal du Goncourt des lycéens afin de les inciter à donner et échanger leurs points de vue avec d’autres élèves qui participent à ce prix. Un comité de lecture constitué de professeurs du lycée – qui vont lire quelques romans – viendra discuter avec les élèves avant les vacances de la Toussaint. C’est une façon d’associer les professeurs du lycée et notamment les professeurs de la classe et de montrer aux élèves que la lecture n’est pas qu’une affaire de prof de français.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
De la poésie au lycée : Le Prix des Découvreurs 2013
Fondé en 1997 par la ville de Boulogne-sur-Mer, le Prix des Découvreurs se donne pour objectif de faire découvrir, et aimer, la poésie contemporaine. Le juré est constitué de plusieurs centaines de lycéens – et depuis 2007 de collégiens de troisième – de différents établissements volontaires de l’ensemble des académies de France. Tous les élèves peuvent y participer par l’intermédiaire d’un professeur ou d’un documentaliste de leur établissement acceptant de servir de relais avec l’équipe organisatrice. Une nouvelle sélection de recueils vient ainsi d’être proposée pour les enseignants intéressés par cette belle aventure, littéraire et pédagogique.
En 2012, les élèves ont été particulièrement sensibles à l’écriture de la poétesse luxembourgeoise Anise Kolz, qui a été récompensée pour son livre Je renaîtrai, paru aux éditions Arfuryen. En 2013, ils vont devoir choisir leur recueil préféré parmi une sélection de 7 ouvrages de Sylvie Kandé (La Quête infinie de l’autre rive), Jean-Paul Klée (Bonheurs d’Olivier Larizza), Fabienne Raphoz (Jeux d’oiseaux dans un ciel vide, augures), Anne Parian (La Chambre du milieu), Ludovic Degroote (Le début des pieds), Valérie Rouzeau (Vrouz,), Ariane Dreyfus (Nous nous attendons). On trouvera dans le dossier qui lance le Prix des Découvreurs 2013 des notes de lecture, des extraits de ces recueils, les modalités d’inscription, des conseils pour mener avec les élèves. des activités autres que la sempiternelle « explication de texte » et ouvrir ainsi au bonheur des mots.
Le Prix des Découvreurs, sorte de Goncourt des Lycéens poétique, est porté en effet par une fort belle ambition : « Mettre en contact la jeunesse des écoles avec la poésie de son temps, à travers la médiation par exemple d’une rencontre avec un auteur bien vivant, peut être l’occasion de surprenantes évolutions. L’occasion de renouveler dans la classe l’approche des textes, de reconsidérer pour chacun sa relation profonde à la parole, de remettre du jeu, de l’ouverture, de l’invention, bref un peu de liberté, dans un quotidien dont chacun sait qu’il est constamment menacé d’enfermement, de sclérose. ».
Nouvelles vibrations pour les Chroniques lycéennes
Les « Chroniques lycéennes » lancent leur saison 2012-2013 : tout enseignant intervenant auprès d’élèves de niveau lycée peut d’ores et déjà inscrire en ligne sa classe ou un groupe d’élèves. Le projet a pour but de faire découvrir aux adolescents les musiques actuelles, autrement dit la jeune chanson francophone sous ses formes les plus diverses, en les incitant à exprimer et analyser leurs émotions. Un CD comprenant 20 titres récents est adressé à chaque classe participante ; autour de ces morceaux, différentes activités peuvent être menées par les enseignants (débats, recherches, ateliers d’écriture argumentative ou poétique, rencontres avec des artistes, blog …) ; les élèves sont invités à rédiger des analyses critiques des chansons proposées et à les expédier aux organisateurs (le magazine Les Inrockuptibles en publie une sélection en mai), ainsi qu’à voter pour les trois chansons qui ont été leurs plus belles découvertes (ils participent ainsi au choix du prix Charles Cros des lycéens).
Parmi les 20 artistes présélectionnés pour l’édition 2012-2013 figurent Claire Denamur, Liz Cherhal, Zebda, Ridan, Yves Jamait, Kery James, Wladimir Anselme, Guillaume Barraband… Des ressources pédagogiques sont aussi disponibles sur le site dédié.
Le projet « Chroniques lycéennes » exploite le goût que manifestent les adolescents envers les musiques actuelles pour développer leur sensibilité esthétique et leur faculté de jugement, éveiller leur curiosité, améliorer leurs capacités d’écoute et d’argumentation, favoriser le plaisir de débattre et d’écrire, initier aux codes de la presse, susciter des dynamiques de classe, ouvrir l’école sur le monde extérieur : de quoi introduire dans les classes de bonnes vibrations pédagogiques autant que musicales…
Florilège des écrivains en herbe
« Écrivez ce que vous voulez. Vous serez lus et non pas corrigés. » : telle est l’invitation que lance le projet « Florilège international des écrivains en herbe de langue française », impulsé par l’Académie de Montpellier et relayé par la Fédération Internationale des Professeurs de Français. Les buts de l’opération sont les suivants : « développer chez tous les élèves partageant la langue française le goût de la culture, de l’écriture et de la lecture ; publier des jeunes auteurs de tous horizons francophones, organiser des réseaux et rencontres littéraires valorisant les meilleurs textes de ceux qui seront peut-être de futures grandes plumes. » Les textes peuvent être de tout genre littéraire. Le concours, national et international, s’adresse à tous les élèves de collèges et lycées ainsi qu’aux étudiants, quelle que soit leur expérience de la langue (Français langue maternelle, FLE ou FLS). Les textes sélectionnés paraitront en version numérique ainsi que dans un livre collectif.