Par François Jarraud
Art de masse, pourquoi le cinéma tord-il ainsi le cou de l’Ecole ? Cette année encore, la rentrée des classe est saluée par une salve cinématographique à la poudre de naphtaline. Comment refonder l’Ecole quand les mites s’y mettent ?
Mercredi 5 septembre, la rentrée 2012 est marquée par deux événements cinématographiques. Le premier c’est la sortie de Monsieur Lazhar. Le Café a parlé de ce film en juillet. Une interprétation excellente, une réalisation remarquable sont mises au profit d’une thèse pédagogique qui sent le rance. Sachez-le : il suffit d’un maître bien viril, M. Lazhar, pour restaurer l’ordre et la paix dans une institution scolaire déboussolée par les excès de l’administration et de la féminisation…
Le second film, « Quand nous étions écoliers », passe sur France 3. Là encore une belle réalisation, soignée, appuyée sur de nombreuses images d’archives, avec des intervenants de qualité : Bernard Lahire, Vincent Troger par exemple. Le réalisateur, René Jean Bouyer, prétend retracer l’histoire de l’école depuis Jules Ferry pour répondre à une question angoissante : pourquoi notre Ecole fait-elle « faillite » ? Car, pour lui, « du temps de Jules Ferry, seulement 5% des écoliers ne savaient pas lire »… Le film prétend retracer l’histoire de la pédagogie et convoque Binet, Freinet, Piaget, Pavlov, Montessori. Mais sans faire comprendre les enjeux de leurs combats. D’ailleurs, pour lui, CP et classe de 11ème c’est pareil… Mais tout cela n’a pas grande importance. La thèse du film c’est de montrer qu’il y a deux catégories de profs : les pédagogos, finalement pas trop méchants, qui utilisent la méthode globale , et de vrais professeurs qui préfèrent la syllabique. Ce haut niveau d’analyse est appuyé par les témoignages de Le Bris, l’oriflamme défraichi des traditionnalistes, et l’ancien ministre demandeur d’emploi Luc Ferry. En escamotant totalement les enjeux de l’histoire scolaire pour les remplacer par cette caricature, le film entretient le culte de l’âge d’or des hussards noirs de la IIIème République.
Quelle malédiction vaut à l’Ecole d’être aussi mal traitée ? Et si c’était simplement pour satisfaire l’opinion publique ? Fut un temps où le cinéma préférait donner à voir Bernard Blier en Célestin Freinet (dans « L’école buissonnière » de Jean-Paul Le Chanois (1948). Quatre ans après sa libération, la France en reconstruction refondait son école en rêvant d’une nouvelle école démocratique, émancipatrice et sociale. Evidemment le combat fut plus long que prévu et nous savons tous qu’il est loin d’être terminé. Nos anciens avaient au moins compris que, pour refonder l’Ecole, il fallait du neuf. Aujourd’hui, la nostalgie savamment entretenue de tous cotés envers Jules Ferry ou Ferdinand Buisson devient un peu inquiétante. Comment refonder l’Ecole quand la nostalgie domine ?