6 juin 2009 : « faut-il continuer à se laisser balader ? »« Un moment délicat dans l’avancée du mouvement »… C’est avec ce doux euphémisme que Michel Bernard ouvre les travaux d’une « coordination nationale de la formation des enseignants » qui rassemble une cinquantaine de représentants d’IUFM ou de syndicats. Ambiance plus qu’inquiète : dans le contexte du reflux des mobilisations universitaires, l’appel commun de mi-mai qui maintenait un front syndical sur la réforme de la formation. Mais l’absention portée le 28 mai par la FSU au CTPM (à la demande du SNES) sur le décret de formation des enseignants du second degré engage une vive polémique (le SNUipp ayant, lui, demandé à porter les votes en « contre » pour celui des professeurs d’école, comme les autres fédérations syndicales)
Claire Pontais tente de faire un état des lieux « objectif » des réunions des différentes commissions du groupe « Marois-Filâtre » : 17 réunions entre le 21 avril et le 8 juin, qui se sont souvent réduites à des déclarations sans réelle confrontation d’idées ni débats, le ministère étant chargé de faire des « synthèses ».
A partir de 2010 (après l’année transitoire 2009-210), il faudra être inscrit en M2 pour passer le concours, et valider le M2 pour être titularisé. Un enseignant issu d’un M2 quelconque (maths, physique, allemand…) pourra passer un concours professeur d’école sans aucune professionnalisation, et se retrouver chargé d’une classe l’année suivante…
Sylvie Plane veut projeter l’auditoire dans l’avenir : « Si les décrets sont appliqués, les professeurs débutants, après le concours, iront dans les classes trois jours sur quatre sans véritable formation, peut-être remplacés le quatrième jour par un professeur stagiaire lui-même en stage ». Leur formation « continuée » sera faite sous la forme de « tutorat », en liaison avec les établissements et largement pilotée par les rectorats et les inspecteurs. L’actuel « référentiel de compétences », actuellement commun à tous les enseignants, devrait être « adapté » aux différents métiers.
Il semble bien qu’on aille vers une mission de plus en plus restrictive pour les IUFM : au mieux centre de formation pour le premier degré, au pire un centre de répartition des stages sur le terrain…
Gilles Baillat, vice-président de la conférence des IUFM, est dubitatif sur ce qui est annoncé et replace la discussion dans le cadre de la LOLF : « tout ce qui se passe après le concours relève de la formation continue, et donc de l’institution, pas de l’IUFM ou de l’Université. Quand on sait ce que pèse actuellement les formations des débutants, des directeurs, des formations ASH, bientôt le DIF, dans la formation continue on sait ce qui va rester pour le reste de la formation continue : pas grand chose… ». Il est applaudi par la salle lorsqu’il annonce que la CDIUFM ne participera plus à la commision Filâtre si les décrets ne sont pas retirés. Il ne comprend pas l’obstination ministérielle : « Fuite en avant après fuite en avant, replâtrage après replâtrage, les actuels projets ministériels menacent désormais l’ensemble de l’offre master de l’Université »
Les interventions de la salle insistent alors sur les options politiques de la « masterisation » : risque de création d’une « armée de réserve » de masterisés recrutables et corvéables comme vacataires, comme dans d’autres pays d’Europe. A terme des concours, c’est un risque de disparition progressive des concours. « Quand le loup est caché au fond du lit, il ne nous réserve que rarement des bisous » tempête une participante. On n’est pas toujours loin du dépit, chez certains, de ne pas avoir réussi à assez contribuer à la mobilisation « de la maternelle à l’Université ». Les « négociateurs » syndicaux sont montrés du doigt, pas loin d’être rendus coupables d’avoir cherché à affaiblir le mouvement. « Notre réponse n’est pas à la hauteur de l’attaque néo-libérale radicale » résume un participant.
Mais derrière les déclarations de principe et les salves d’applaudissements, où est le rapport de force ? Pour le SNUipp comme pour le SE-UNSA, il faut insister sur les perspectives à donner aux collègues qui se mobilisent pour ne pas tomber dans le dépit. « Oui, les conceptions sur la formation divergent entre nous, et entre syndicats, entre ceux qui valorisent une conception plus professionnalisante et ceux qui valorisent la dimension strictement disciplinaire, entre ceux qui pensent qu’une épreuve de connaissance du système éducatif ou du développement de l’enfant est nécessaire, et ceux qui pensent qu’elle est dangereuse. C’est ce qui rend le rapport de force difficile ». Et les propositions alternatives aussi…
Prochaine échéance le 12 juin : au conseil supérieur de la fonction publique seront soumis les décrets modifiant le statut des fonctionnaires dans l’enseignement. Ca risque d’être une étape décisive. Voire irréversible.
Le site de la Coordination Nationale
La synthèse proposée par Claire Pontais aux participants, le 6 juin(ce document est présenté ici à titre d’information des lecteurs du Café)
Les mesures transitoires (rentrée 2009)• La mastérisation s’engage dès la rentrée 2009 :
– Maintien du concours en l’état
– Des bourses supplémentaires sur critères sociaux et 12 000 bourses sur critères académiques
– Des stages 108h en pratique accompagnée et en responsabilité (rémunérés 3000 euros) dès l’an prochain. Il affirme que ces stages ne seront pas des remplacements. Un étudiant peut être en responsabilité sans avoir eu avant de la pratique accompagnée.
Le nombre de postes au concours 2010 sera au moins égal à celui de cette année (engagement Darcos).
Commentaire : Pour les bourses et les stages, on voit mal comment ça peut se mettre en place à la rentrée. Nous avons refusé la mise en place de stages pour cette année transitoire autres que ceux organisés actuellement par les IUFM ; ces stages ne servant qu’à justifier la suppression de l’année de PE2-PLC2 l’année suivante.
• Les modalités d’inscription évoluent.
Pourront s’inscrire au concours 2010,
– Les présents aux épreuves d’admissibilité du concours 2009 pourront s’inscrire sans condition nouvelle de diplôme.
– Les inscrits M1 et IUFM (l’inscription IUFM valant M1).
– Les inscrits au concours 2008 quand il n’y a pas eu de concours ouverts en 2009
En conséquence, un étudiant uniquement titulaire de la licence, non présent aux épreuves d’admissibilité en 2009 mais qui aurait déjà passé le concours en 2008 devra obligatoirement s’inscrire en M1 ou en IUFM l’an prochain pour pouvoir s’inscrire au concours.
Pour le moment, nous n’avons que la promesse orale de Pécresse concernant les moyens IUFM, aucune garantie écrite
• La validation de l’année de préparation :
Les reçus au concours seront titulaires du M1. Pour les collés au concours, des commissions de validation établiront des critères et statueront pour valider l’année de préparation au concours par un M1. Le ministère parle de « bienveillance », fait confiance à l’expérience actuelle des commissions et ne souhaite pas cadrer vu la diversité des situations et des disciplines.
Rien n’est prévu pour les actuels candidats libres, uniquement titulaires de la licence, qui ont déjà passé le concours plusieurs fois, qui ne sont pas obligatoirement proches d’une université, pourront certes s’inscrire en M1, mais sans assiduité, ne pourront l’année suivante entrer en M2. Pour ces étudiants, le concours 2010 risque donc d’être le dernier qu’ils pourront passer, s’il n’y a pas de dérogation possible.
Commentaire Claire Pontais : L’année post-concours, actuelle 2è année d’IUFM, se fera à deux-tiers temps sur le terrain. Il y a unanimité syndicale contre cette mesure. Le ministère a laissé entendre qu’il pourrait y avoir des compléments de formation en 2è année post-concours (T1), avec une décharge de service (quantum non précisé).
Réforme à partir de 2010 :
– Nécessité d’être inscrit en M2 ou titulaire du M2 pour s’inscrire au concours
– Pour être admis au concours, il faut être titulaire du M2. Un étudiant reçu au concours garde le bénéfice de son concours pendant un an.
– Le concours est ouvert à tout titulaire d’un M2. La pré-professionnalisation n’est pas obligatoire
– Les concours contiennent tous 4 ou 5 épreuves, parfois avec des épreuves dédoublées. Les épreuves d’admissibilité sont disciplinaires (avec de la didactique pour certains concours (PE, CAPEPS). L’admission comprend une épreuve de « conception d’une leçon ou séquence d’apprentissage» et une épreuve sur le « système éducatif » commune à tous les concours (avec membres du jury non disciplinaire).
• Le schéma proposé en master
– Admissibilité en début de M2, admission en fin de M2.
– Aides aux étudiants : dès M1, des bourses supplémentaires sur critères sociaux et 12 000 bourses sur critères académiques
– Des emplois d’aides-éducateurs réservés pour les candidats au concours.
– Des stages de 108h maximum de pratique accompagnée (M1) et en responsabilité (rémunérés 3000 euros) (M2) : 50 000 stages en M1, 40 000 stages en M2. Le ministère affirme que ces stages ne seront pas des remplacements et permettront le départ en formation continue des titulaires.
• L’année post-concours :
– Cette année n’est plus considérée comme de la formation initiale, c’est de la « formation continuée ». C’est une entrée dans le métier, un accompagnement à la prise de fonction, à l’adaptation à l’emploi.
– La quotité de décharge de formation est de 1/3 du temps.
– Cette année est encadrée par du compagnonnage appelé désormais tutorat. La fonction de tutorat sera reconnue en tant que tel (décharges ? HSA ?)
– L’affectation des stagiaires se fera en établissement (et non plus en IUFM, la référence aux IUFM disparait des statuts). La mixité générationnelle est visée (l’affectation des stagiaires dans le second degré serait modifiée)
– La formation continuée se fera en établissement (tutorat) et à l’université (relation employeur –université). La formation à l’université sera personnalisée en fonction des parcours antérieurs et en fonction de « l’état de professionnalité ». L’évaluation des besoins se ferait en début d’année (par les IEN et IPR)
– Il y aura une forme filée (un jour par semaine libéré/équivalent 8 semaines = 216h) et une forme massée (quatre semaines de regroupement par an). Pour le ministère les 216h peuvent être remplacées par les 2x108h de M1 et M2.
– La relation entre les tuteurs et l’université n’est pas envisagée, ni la formation des tuteurs.
– L’établissement aura un rôle à jouer, notamment sur la formation au travail en équipe.
Commentaire Claire Pontais : Dans l’année post-concours, outre le 1/3 de décharge (insuffisant) et le fait que le ministère ne veut toujours pas d’une structure de formation inter-universitaire type IUFM, le problème principal vient de la conception de la formation : d’un côté la formation sur le terrain (avec le suivi de tuteurs) et de l’autre la formation à l’université, sans lien entre les deux. Cette conception empêchera toute formation tournant autour de la construction d’outils d’analyse de pratiques. C’est un recul très important.