Parents, école : quelles
collaborations ?Travaillant sur les questions du
rapport des parents à l’Ecole, Martine Kherroubi distingue
deux formes d’investissement des parents :
– un mouvement collectif,
qui s’incarne dans les conseils d’école. Ces dispositifs
demandent aux parents des ressources, autant culturelles que
temporelles. D’autres parents ont aussi des « points de vue » sur
l’Ecole, pas forcément pour le contrôler. Nombre
d’entre eux peuvent être des ressources utiles pour les
enseignants.
– mais l’usager-parent a aussi des droits individuels,
liées à leur responsabilité de parent.
Beaucoup de parents ont deux types d’attente sur ce qu’ils appellent un
« bon professionnel » : avoir confiance dans l’équipe
enseignante pour poser des règles qui leur paraissent
essentielles, assurer les enseignements sans trop faire reponser sur
les familles une part des apprentissages. Ils prennent leur
repère dans leur entourage proche, ou dans la presse.
Pour Serge Boimare, il faut créer des
alliances qui rendent les aides possibles. Ca ne passe pas
seulement par la sociabilité et l’organisation de
goûters, mais par la confrontation de
préjugés réciproques :
– les enseignants ont du mal à ne pas faire porter sur
l’environnement extérieur les difficultés
d’apprentissages, soit par défaut de langage soit par
défaut de contrôle de la fristration
– les parents pensent d’emblée que c’est l’Ecole qui ne sait
pas traiter avec les difficultés spécifiques de
leur enfant, les prendre en compte dans ses singularités.
Cette alliance est donc difficile à construire. Dans les
temps difficiles que nous vivons, depuis une dizaine
d’année, où beaucoup de monde entend parler de
l’Ecole sans forcément avoir de compétences pour
le faire, les enseignants peuvent avoir la tentation d’en rester
à la résistance, au dos rond, voire à
la dépression, et se referment sur la défense de
leur pré carré. Ils doivent rester ceux qui font
des choix professionnels sur la pédagogie.
Or, la pression actuelle sur les résultats renforce la
tentation immédiate de pression, d’entraînements
supplémentaires pour les élèves, au
lieu d’aller chercher le temps long des médiations
culturelles et langagières avec ceux qui en ont besoin.
Vu de son expérience de
responsable de la Ligue de l’Enseignement, qui créa au XIXe
siècle un mouvement d’opinion pour la reconnaissance de
l’Ecole par les citoyens, Eric
Favey revendique pour son mouvement un rôle
d’assembleur entre l’Ecole et les familles : acteur de formation,
démineur de conflit local, passeur de culture. Il veut
tordre le cou à l’idée que les familles ne
s’intéresseraient pas à l’Education de leurs
enfants, même s’ils ont parfois l’impression que les
enseignants ne partagent pas assez la
co-propriété de l’Ecole à laquelle ils
ont droit par leur impôt…
« Les parents se
souviennent aussi de certaines expériences douloureuses,
lorsque l’essoreuse scolaire les a eux-mêmes
éjectés de l’Ecole. Mais l’angoisse
éducative risque de se renforcer si, comme le montre une
récente enquête d’opinion qui montre que les
parents pensent que leurs enfants auront une situation sociale plus
difficile que la leur ».
Sans doute l’irruption sur la scène des
collectivités publiques, qui dépensent environ un
quart de la dépense d’Education, risque de changer la donne
sur le moyen terme : les politiques locales contribuent à
créer des cohérences, à
améliorer les relations entre l’Ecole et le territoire, y
compris matériellement. On est loin de l’époque
où les collectivités refusaient à cor
et à cri d’investir dans l’Ecole. On n’est plus à
l’époque où on construisait de hautes grilles
pour clore les espaces, même s’il faut préserver
des barrières symboliques pour empêcher
l’extérieur de faire brutalement irruption dans l’Ecole.