Le ministre de l’éducation nationale réunit le 3 octobre un séminaire sur les « Politiques éducatives et les territoires » qui fait suite à l’annonce , le 2 octobre, du gel de la carte de l’éducation prioritaire. C’est une nouvelle politique qui est lancée par JM Blanquer et dont le noyau dur est la politique d’éducation prioritaire. Pierre Mathiot, chargé de mission sur la réforme du lycée et du bac, est à nouveau en charge de ce lycée avec Ariane Azema, inspectrice générale. Ils remettront à la fin du 1er trimestre 2019 un rapport pour » dégager une vision globale de ce que doit être la politique territoriale de l’éducation nationale au service de la réussite de tous les élèves ». Alors que le gouvernement a jusque là mis en avant sa politique d’éducation prioritaire, avec les dédoublements en Cp et Ce1, comme l’exemple même de sa politique sociale, voilà que tout est remis en question. Les propos du ministre et de P Mathiot remettent en question la politique d’éducation prioritaire aussi bien en ce qui concerne le label que son efficacité. Une certitude : dans ce domaine là aussi , la politique du yo yo est à l’oeuvre. Alors que la politique menée depuis 2013 commence à donner des résultats, tout est remis en question comme sait si bien le faire l’équipe en place.
Une nouvelle politique depuis 2013
Impulsée par Vincent Peillon, menée par Marc Bablet, qui vient de quitter le ministère de l’Education nationale en manifestant ses inquiétudes, une nouvelle politique a été impulsée en 2013. Les établissements disposent de moyens de formation en fonction de leur label Rep ou Rep+. Le ministère a produit un vademecum pédagogique pour ces établissements et dégagé des moyens pour le travail en équipe suscitant une vraie réflexion pédagogique. Le pilotage de cette politique a été affirme été renforcé avec l’objectif que l’éducation prioritaire le soit vraiment.
Cette politique a été renforcée depuis 2017 par le nouveau gouvernement avec les dédoublements en Rep et en Rep+ en CP et Ce1 et avec l’annonce d’une prime annuelle de 1000€ pour les personnels en 2018, portée à 2000 puis 3000€ les années suivantes.
La mission Azéma Mathiot
Dans la lettre de mission d’Ariane Azema et Pierre Mathiot, JM Blanquer remet tout cela en question. « Les politiques successives se sont traduites par un zonage territorial fondé sur l’allocation de moyens supplémentaires… Plusieurs dispositifs se sont succédés parfois superposés au détriment de la lisibilité et même de l’équité du système », écrit le ministre. « Si les actions mises en oeuvre ont permis de remporter des succès, elles n’ont pas permis de résoudre les difficultés structurelles qui touchent certaines parties du territoire, ni de réduire substantiellement les inégalités de résultats scolaires des élèves ».
Le ministre demande à A Azéma et P Mathiot de faire des propositions « sur la territorialisation des politiques éducatives et sur les politiques dédiée aux secteurs de l’éducation prioritaire.. en tenant compte de sa diversité ». Le ministre souhaite une meilleure définition des « espaces en risques éducatifs ». Ils devront notamment définir des indicateurs permettant d’assurer le suivi des politiques éducatives et « proposer des outils d’intervention adaptés à la diversité territoriale… Considérant le pilotage des ressources en emplois, les propositions attendues porteront sur la critérisation de ces territoires », précise encore la lettre.
JM BLanquer va-t-il remettre en question le label Rep ?
Intervenant ce matin dans le séminaire, JM Blanquer souligne qu’il « n’est pas normal d’être dans une situation binaire en éducation prioritaire, y être ou ne pas y être ». Il souligne le fait que les concepts de cette éducation « ont des effets pervers » et il réclame « un changement de paradigme ». S’il se refuse à parler de la fin de la labellisation au motif que la mission commence, JM Blanquer entretient ainsi des interrogations.
Ce ne sont pas des questions nouvelles. Elles sont apparues en 2012 où la labellisation éducation prioritaire a été interrogée. Un rapport du Cnesco a pu souligner les effets négatifs du label en terme, par exemple, de fuite des familles aisées. « Le label EP contribue à construire une hiérarchie des établissements, à créer une sorte de marché scolaire, à orienter les choix des familles et, in fine, à les détourner des établissements classés éducation prioritaire », expliquait au Café pédagogique Pierre Merle en 2016. « En ce sens la labellisation éducation prioritaire d’un établissement est en soi une discrimination négative pour certains parents ».
Finalement le label avait été maintenu par V Peillon. « La suppression du label éducation prioritaire aurait pu être associée à la liquidation de la politique du même nom, même si la politique effectivement mise en œuvre aurait pu consister à donner autant ou davantage aux établissements scolarisant une proportion forte d’élèves en difficulté scolaire. L’imbrication entre l’affichage politique et la politique éducative effective a imposé le maintien du label même si cet affichage est contreproductif », explique P Merle.
Les moyens liés à une évaluation ?
C’est ce statu quo, sur lequel s’est construit la politique de 2013, que remet en question JM Blanquer. Dans sa nouvelle politique il insiste sur l’importance des indicateurs à définir sur l’efficacité de cette politique. Aussi c’est peut-être l’indexation des aides publiques à l’obtention de résultats que prépare la future politique d’éducation prioritaire. On serait là en territoire connu par JM Blanquer. Aux Etats Unis et au Royaume Uni, ce sont les résultats évalués des établissements qui modulent l’aide publique. JM Blanquer évoque comme indicateurs « les résultats des élèves mais aussi le climat scolaire et le bien être des élèves et des personnels ». L alogique de cette remise en question de la politique d’éducation prioritaire est peut-être à trouver dans cette perspective. Passer d’un cadre territorial à une évolution souple liée aux résultats constatés, à l’américaine. Et avec les défauts bien connus de ce genre de politique.
François Jarraud