Refaire son métier – Essai de clinique de l’activité
Jean-Luc Roger – Erès 2007 collection « clinique du travail »
Préface d’Yves Clot
Les métiers de service font l’objet actuellement de très fortes contraintes. Plus l’organisation des services et en particulier plus l’organisation du travail dans les services sont attaquées, plus on demande à ceux dont c’est l’activité professionnelle de pallier les manques et de réparer les injustices provoquées. Et bien entendu, il se trouve toujours une ribambelle de « penseurs pour les autres » pour asséner quelques « évidentes bonnes pratiques ». Poussée à de nouvelles extrémités, cette opposition schizophrénique entre « l’impossible » et « l’évident » contribue à dé-réaliser le travail, avec des atteintes chaque jour plus sensibles que cela entraîne pour la santé de ceux qui le font « malgré tout ».
Ce livre constitue un radical contre-pied à cette dérive. Issu d’un travail collectif de longue haleine en « clinique de l’activité » avec des enseignants et des soignants en gériatrie, il rend compte de tentatives pour garder vivante l’expérience professionnelle. Chemin faisant il interroge les conditions individuelles et collectives de pouvoir sans cesse « refaire son métier », de trouver les innovations les plus adéquates aux situations nouvelles en puisant dans un patrimoine professionnel réanimé par les vertus de la confrontation collective. On suit des petits groupes de collègues qui mettant en débat leurs propres activités quotidiennes, travaillent à faire reculer, gestes après gestes, mots après mots, les frontières du métier. En se libérant de leurs limites personnelles dans le métier, ils élargissent, par des aller-retour entre l’action et le dialogue, la palette des possibles du métier. Sous la plume de Jean-Luc Roger, on éprouve avec eux, au travers d’étapes successives, d’avancées et de reculs, la double condition d’un développement du pouvoir d’agir réel, vivre son métier à la fois comme une histoire commune et transformable et un exercice personnel. Ce livre s’attache à réhabiliter une fonction du collectif pour reprendre en main l’organisation du travail. On s’aperçoit en même temps que prendre soin de son travail, c’est à dire mettre au point, concevoir et maintenir, des instruments collectifs de travail est ce dont on ne peut plus faire l’économie, à tous les sens du terme, pour faire face aux nouvelles exigences.
Ce livre réaffirme, au travers d’expériences fortes et modestes, menées pas à pas, que quand des professionnels arrivent à se créer des marges de manoeuvre pour pouvoir ensemble et par eux-mêmes « refaire leur métier », c’est encore la meilleure manière de faire du bon boulot !
Youri Meignan