Par Julie ANNE et Blandine RAOUL-REA
Ce mois-ci nos lectures vous amèneront au cœur de l’éducation aux médias à travers deux études. La première concerne le média télévision et la seconde sur la presse écrite. A l’heure de sortie du rapport (voir dossier actualité) du Sénat sur les relations des jeunes aux médias, c’est un point de réflexion non négligeable pour les professeurs documentalistes.
C’est vrai que la télé truque les images ?
On ne présentera pas l’auteur, journaliste au Monde pendant vingt ans et producteur de l’émission Arrêt sur images sur France 5 (qui a migré depuis sur Internet), mais peut-être Clémentine, sa fille lycéenne de 17 ans, avec qui il dialogue durant tout le livre. Un peu sur le même mode que le livre » Qu’est-ce que tu vois? « précédemment chroniqué, le propos est ici amené et développé par le jeu de questions-réponses entre Daniel Schneidermann et sa fille. Le journaliste entre dans le fonctionnement des médias, en met les faits et manières de faire à plat, et s’essaie à nous en faire comprendre les préjugés et les blocages internes.
S’il part des remarques – vraies ou fausses, peu importe- de sa fille, c’est pour mieux répondre à quelques questions, simples pourtant mais trop longtemps restées en suspens, que tout le monde se pose – voire même, ce qu’il souligne en avant-propos, et qui est le plus inquiétant : » les questions qu’il y a longtemps que personne ne (se) pose plus « . Des plus basiques (est-il vrai que les nécrologies des gens célèbres sont déjà prêtes?) aux plus complexes (qui fait davantage pression sur les journalistes : les ministres ou les annonceurs?), en passant par les plus drôles (les journalistes se disent-ils : » tiens, aujourd’hui, on va publier une rumeur! « ?). Ce sont des questions que nos élèves se (et nous) posent également – et si ce n’est pas déjà le cas, alors il faut d’urgence leur susciter! Il va donc sans cesse nous faire revenir sur ces » apparentes évidences » qu’on finit, par lassitude peut-être, par ne plus relever, victimes malgré nous (?) d’un émoussement du sens critique.
Il s’interroge également sur le problème du déclin des ventes de la presse écrite et la » révolution » Internet, les limites de l’écriture non-journalistique (avec l’explosion des blogs d’expression libre), la dimension » people « de la narration d’un événement ( » choc des registres « ), etc…
Des arrêts sont faits sur l’émergence de phénomènes singuliers : ainsi, l’impact du traitement de l’information sur le net par rapport au traitement plus traditionnel écrit, qui se retrouve parfois obligé de relater une information préalablement censurée, mais ayant par la suite fait tant de bruit (le fameux » buzz « ) que les journalistes de la presse écrite se retrouvent obligés de la mentionner – pour suivre le mouvement, pourrait-on dire…Il évoquera ainsi, sans manichéisme, quelques points critiques comme les problèmes d’autocensure des journalistes, l’importance du financement, ou encore la demande d’objectivité des médias en même temps que la place de la presse d’opinion en France.
De son expérience de journaliste, on retire énormément d’anecdotes, plus savoureuses les unes que les autres, et de petites réflexions qui éclairent notre compréhension des médias. Schneidermann nous rappelle ainsi une base fondamentale : » la plupart des lecteurs ne cherchent pas à s’informer, mais à lire quelque chose qui les conforte dans leurs opinions « . Tout en rappelant constamment de garder son esprit critique, on apprend avec Clémentine que le journal idéal auquel on voudrait se fier les yeux fermés n’existera probablement jamais, et que c’est pour cela qu’il faut toujours s’approvisionner à plusieurs sources.
Ecrit avec un humour délicieux, et en faisant un tour relativement exhaustif des questions les plus cruciales concernant la presse de nos jours, ce livre vous en apprendra énormément!
C’est vrai que la télé truque les images ? Schneidermann, Daniel et Schneidermann, Clémentine. Paris : Albin Michel, 2008. 240 p. 16€
Le site « Arrêt sur image »
http://www.arretsurimages.net/
Le livre » qu’est-ce que tu vois? » du mensuel 92
Guide de la presse écrite
Le fil conducteur du livre est de « donner des pistes pour mieux lire le journal » -tout en partant toujours de la posture du lecteur-récepteur. Le propos s’appuie sur des « cas » journalistiques devenus symboliques, mettant en valeur toute la dimension, le pouvoir (bon ou mauvais) de la presse écrite. La problématique de fond est aussi pour nous, enseignants, de remotiver les jeunes lecteurs, et de contribuer à construire leur esprit critique, face à des médias bouleversés par Internet et la multiplication/accélération du transfert de l’information.
Le livre s’ouvre sur une synthèse de la presse écrite : économie, fonctionnement, chiffres (on notera que le groupe de presse Emap n’existe plus. Mondadori –Italie, Berlusconi- l’a racheté, ce qui n’est pas rien dans le paysage de la presse française). La presse gratuite et le support numérique sont introduits dans cette dimension économique. La question qui se pose pour cette partie est la suivante : peut-on considérer la presse papier comme une entité isolée de la presse gratuite et du Net ? Ne doit-on pas envisager un journal dans sa globalité « papier + numérique » ?
Une seconde partie traite des manières d’aborder l’éducation à l’information avec les élèves. On ne soulignera que trop l’importance de ces apprentissages. Enfin, la dernière section présente des études de cas, avec méthodes détaillées. Un rappel est fait en début d’ouvrage sur l’éducation aux médias dans les programmes, son lien avec les différentes disciplines et les différents niveaux, soulignant avec force une » nécessaire acculturation à la presse écrite « .
Des pistes pédagogiques sont proposées tout au long de l’ouvrage : analyse comparative de Unes d’un même jour, analyse d’un publi-reportage, hiérarchisation de l’information…Tout est « clé en main « , toujours d’après exemples concrets, mais facilement transposables. A côté, des définitions claires sont posées : le journaliste, entre rôle d’information et rôle de communication, de la collecte à la mise en forme de l’information.
Un aspect original : tout le travail proposé sur l’infographie. On en ressort avec pas mal de rectifications sur des préjugés qu’on pourrait avoir, des réflexions à poursuivre, et une sacrée boîte à outils ! Un aspect moins positif : les niveaux pédagogiques pour les pistes d’activités proposées manquent – activité à moduler en fonction des niveaux
Il sera d’autant plus intéressant à lire en parallèle avec celui de Daniel Schneidermann, pour en comparer les approches et les points de vue (par exemple : la question du pourquoi de la baisse de la presse d’opinion, pas envisagée de la même façon…).
Guide de la presse écrite. Collectif. Midi-Pyrénées : CRDP, 2008. (Pratiques à partager ). 245 p. 23 €.
Sur le site du CRDP Toulouse
http://www.crdp-toulouse.fr/edition/article.php3?id_article=281