« Il n’y a pas d’enseignement, pas d’apprentissage, encore moins de formation, sans illustration, sans recours aux images (récits analogiques, métaphores malicieusement choisies, références animales empruntées à un bestiaire effrayant. N’en déplaise à certains, il n’a jamais été possible et, il le sera de moins en moins, d’avoir un enseignement fait seulement d’une rationalité, rigide, trop fortement déductive, sans pause imaginative; pour apprendre, les jeunes ont besoin d’avoir leur attention, leur mémorisation, leur logique attirées par de l’image. Ce qui peut nous paraître trop abstraitement clair risque de ne pas leur laisser de repères de mémoire ». Il est rare de voir un ouvrage pédagogique se lancer sur le terrain de la fable. C’est pourtant le chemin qu’ont pris André de Peretti, ancien directeur à l’INRP, et François Muller, coordinateur de la mission Innovalo de l’académie de Paris.
Dans l’ouvrage des deux complices, tout n’est donc que détour, allégorie, allusion et imagination. La forme convient bien aux vacances : « il se pourrait qu’il soit malin d’ouvrir l’ouvrage à n’importe quelle page » préviennent les auteurs. Et pourtant le livre aborde les points les plus sérieux du métier d’enseignant et de l’institution éducative.
Ainsi on appréciera cette « visite dans un mystérieux sérail » où se murmurent des paroles bien connues : « Le niveau baisse, le niveau est tombé; ils ne veulent rien savoir… » où chacun reconnaîtra les propos de salles des profs tenus par les conservateurs de l’Ecole. L’ouvrage consacre plusieurs fables aux difficultés de l’évaluation. Ainsi la fable « des animaux républicains » montre qu’elle doit être plurielle et savoir reconnaître les efforts (« on ne fait pas d’effort si l’on n’a pas confiance »). C’est aussi une façon d’aborder la question du socle commun.
La fable du « rat des villes et du rat des champs » montre l’influence de l’environnement sur les résultats des élèves : l’effet Pygmalion, l’effet Rosenthal, l’effet Milgram ou encore l’effet placebo. Le mythe, si français, de la moyenne est lui aussi soumis à critique.
D’autres points sont soumis aux lois de la fable. Ainsi la parabole des porcs-épics nous interroge sur la communication avec les élèves et les collègues. Plusieurs réflexions renvoient aux bases d’une formation renouvelée des enseignants.
Ecrit avec sérieux mais dans un style alerte, de lecture facile, l’ouvrage couvre ainsi les grands enjeux du système éducatif et souscrit aux usages de la fable : il propose aux enseignants une morale. Il trouve toute sa place dans le sac de plage de cet été. « Notre voeu est de toute façon de vous permettre d’envisager votre profession avec esprit et de retirer des arguments métaphoriques ou des illustrations qui pourront intervenir comme intermèdes dans la saga de votre profession ». Certaines fables, telle « les chevaux et la chance », ouvriront de façon profitable la réunion de rentrée avec les élèves.
André de Peretti et François Muller, Contes et fables pour l’enseignant moderne, Paris, Hachette Éducation, 2006, 224 pages.
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