La revue VEI Enjeux nous a habitué à des études sur les banlieues ou l’intégration scolaire. Avec ce numéro elle s’intéresse à un champ d’étude rarement abordé en France, celui des rapports entre les sexes, et particulièrement dans les milieux défavorisés. C’est aussi un terrain que des faits divers récents ont mis sous l’éclairage médiatique alors que l’institution scolaire avait longtemps refusé de le voir.
Aussi ce numéro apportera plus que des informations aux enseignants, rarement issus du monde des cités. Il leur présente des clés de lecture pour une meilleure compréhension des lois des jeunes des milieux défavorisés.
Ainsi, la revue s’ouvre sur une étude de Daniel Welzer-Lang (Toulouse Le Mirail) qui aborde le « virilisme », nouvelle norme sociale des jeunes de banlieue. Il se marque par la volonté de domination sur les femmes et le mépris envers les homosexuels, la féminité étant le repoussoir absolu, et se construit par une initiation menée par les « grands frères ». Pour D. Weltzer-Lang, cette particularité des jeunes de banlieue, souvent issus de l’immigration, résulte de leur difficulté à accéder pleinement à la citoyenneté et reflète le discours colonial d’un passé toujours pas soldé. Caroline Vaissière (IEP Paris) a analysé les sociabilités adolescentes des quartiers difficiles. Elle montre leur rupture avec les normes de la société française. Dans ces cités, filles et garçons sont séparés. Les filles ne sortent pas. Le flirt, donnée essentielle des sociabilités juvéniles, est inconnu. Ces cités sont biens des ghettos.
Dans une seconde partie, S. Rubi (OEVS) s’intéresse au phénomène des « crapuleuses », ces jeunes filles qui masculinisent leur comportement jusqu’à la violence. Cela leur permet d’être valorisées dans le groupe et de s’adapter à la loi de la banlieue, la loi du plus fort. S. Lefrançois (SEMO filles de Lisieux) montre l’inadéquation de la réponse sociale face à ces jeunes filles : le système de protection sociale continue à les percevoir systématiquement comme des victimes ce qui retarde une prise en charge adaptée.
L’école a-t-elle une réponse adaptée ? N. Belloubet-Frier (rectrice de Toulouse) et F. Rey (Rectorat de Toulouse) dénonce les stéréotypes sexistes, par exemple en matière d’orientation scolaire, et demande une vigilance constante de l’école. J. Costa-Lascoux (CEVIPOF, ancienne présidente du GTD Education civique) invite à « une mixité qui aide à construire l’égalité ».
A la fin de l’ouvrage, le lecteur n’a pas trouvé de réponse à toutes ses questions. Ce « virilisme » est-il un phénomène social ou culturel, voire religieux ? Comment l’école peut-elle faciliter l’intégration de ces jeunes qui vivent dans un double ghetto culturel et social ?
François Jarraud
Rapports de sexe, rapports de genre. Entre domination et émancipation, VEI Enjeux, n°128, mars 2002, 254 p.
Des extraits sont proposés par le CNDP :
http://www.cndp.fr/vei/default.asp?page=/revueVEI/som128.htm