« On attend un continuum de l’éducation ». En présentant les deux nouvelles études publiées par l’OCDE le 21 juin, Eric Charbonnier, expert Education à l’OCDE, pointe en premier lieu le manque de cohérence entre crèche et école maternelle. Pour l’OCDE si la France est en tête pour l’accès à l’école maternelle, elle est en queue de peloton pour la qualité de l’éducation donnée. L’Organisation pointe l’absence de programme éducatif avant l’école maternelle alors que les autres pays s’en sont dotés. A l’école maternelle elle montre le manque d’investissements qui se traduit par un nombre d’élèves en classe qui est un obstacle pour les apprentissages. L’OCDE introduit aussi un autre enjeu : celui des méthodes pédagogiques. Mais là il faudra attendre un colloque en octobre pour connaitre ses recommandations.
Un nouveau champ pour l’OCDE
Avec la sortie de deux ouvrages, dont un consacré aux transitions crèche – école maternelle et maternelle – élémentaire, l’OCDE s’investit dans un champ nouveau. Ces publications anticipent aussi d eux autres événements. D’une part le lancement d’une édition spéciale de Talis consacrée à la petite enfance qui sera publiée dans deux ans. Notons tout de suite que la France n’en sera pas. D’autre part l’organisation d’un colloque sur la pédagogie de la petite enfance fin octobre.
Pourquoi s’intéresser à la petite enfance ?
« Les premières années jettent les bases de ce que seront le développement des compétences, le bien être et les apprentissages futurs », explique l’OCDE. L’organisation s’appuie sur les travaux des neurosciences et sur des données statistiques.
Les neurosciences montrent que les premières années de la vie sont importantes pour le développement cérébral. D’abord pour le contrôle émotionnel , qui est une clé des apprentissages. Ensuite pour les apprentissages du langage, des nombres , des relations sociales.
Les statistiques OCDE montrent qu’il y a un rapport étroit entre le nombre d’années passées dans une structure d’éducation à la petite enfance (EAJE) et la réussite scolaire. Plus les enfants y passent d’années moins ils ont de risques d’être scolairement peu performants. En France un enfant qui passe moins d’une année a 30% de risque d’en faire partie. A deux ans on diminue à 15%. Or 8% des enfants ont eu moins de deux années de crèche ou d’école maternelle en France.
L’enjeu est aussi social. Ce sont surtout les moins favorisés que l’on retrouve dans ces enfants exclus de l’EAJE. Cela tient à plusieurs facteurs dont le fait que les crèches accueillent en France prioritairement des enfants des catégories favorisées. Les autres enfants se retrouvent plutôt dans d’autres modes de garde avec des personnels peu ou pas formés.
D’autre enjeux sociaux existent :l’accès au travail pour les femmes mais aussi des enjeux de santé, lutte contre l’obésité par exemple.
La France perd son avance
Pour l’OCDE, la plupart des pays ont fortement fait progresser leur EAJE. Si la France est encore en tête pour la scolarisation à 3 ans (pratiquement 100% en France), ce n’est plus vrai pour les 4-5 ans. On est en train de perdre l’avantage quantitatif qui est un héritage historique.
Ce que veut montrer l’OCDE c’est qu’on est distancé sur le terrain qualitatif. Pour l’OCDE cela tient à deux faits.
Améliorer la qualité
D’abord, avant 3 ans, les enfants sont éparpillés en France dans de nombreux modes de garde. Beaucoup sont confiés à du personnel pas ou peu formés. Surtout ce qu’introduit l’OCDE c’est que le mode de garde le plus attentif à l’enfant n’a pas de programme éducatif. Il peut y avoir des actions éducatives qui sont menées mais il n’y a pas de programme national avec des objectifs clairement éducatifs. C’est une différence avec au moins la moitié des pays de l’OCDE. C’est cela que l’Organisation souhaite voir évoluer rapidement.
Mais l’OCDE critique aussi l’école maternelle. L’investissement public lui semble insuffisant. On compte en moyenne en France 26 élèves par classe à l’école maternelle. C’est le double de la moyenne OCDE qui est de 14.
L’OCDE souligne aussi la faiblesse de la formation initiale et continue en maternelle. Si les enseignants sont recrutés à un haut niveau intellectuel, il reste beaucoup à faire pour la formation pédagogique. Enfin elle évoque le faible nombre de jours de classe en France. Au final, les enfants auraient un enseignement réduit en maternelle par rapport aux autres pays.
L’OCDE pose aussi la question des transitions entre crèche et maternelle et maternelle et élémentaire. A chaque fois les enfants changent d’univers et sont confiés à des personnels ayant des cultures professionnelles différentes , voire opposées.
« Nous avons l’accès universel mais il n’est pas la garantie de la qualité », conclut E Charbonnier. Changer les choses passerait par un seul ministère ayant en charge l’éducation du nourrisson au collège.
Quelle pédagogie ?
Or, « en France pour traiter de la petite enfance, il y a au moins 5 ministères », nous a dit un fonctionnaire du secteur petite enfance. Il y a bien un éparpillement institutionnel depuis la disparition du ministère des familles. On a maintenant au moins 3 ministres différents concernés : l’éducation nationale, l’égalité et la solidarité et la santé.
Reste l’aspect pédagogique. Il faut noter tout de suite que l’OCDE souligne l’évolution générale des programme éducatifs de la petite enfance vers une dimensions plus large. Pas seulement le langage et les nombres mais aussi la citoyenneté, le jeu, la santé et le bien être.
Mais ces publications renvoient aussi nationalement à plusieurs rapports de Terra Nova qui ont abordé cette question et ont visiblement influencé l’OCDE. Le premier en 2014 demandait surtout une augmentation des places en crèches. Un rapport récent (2017) demande le développement « de la qualité éducative des services de la petite enfance ». Ils demandent l’implantation de méthodes américaines ou françaises (Parler bambin) qui cibleraient les familles défavorisées. Des dispositifs qui heurtent la culture professionnelle des acteurs de terrain, dont l’efficacité est moins établie que ce qui est dit, mais qui sont chers à l’Institut Montaigne.
François Jarraud