Par Virginie Mège
Rire en classe n’est pas interdit, bien au contraire. De nombreux textes étudiés au collège permettent justement d’apprendre avec le sourire et même d’apprendre à sourire. Dans ce domaine, le théâtre est bien sûr à l’honneur avec les comédies, les farces ou les fabliaux mais d’autres supports peuvent être aussi exploités comme la bande dessinée, les sketches d’humoristes, les dessins de presse ainsi que la publicité. Petit tour d’horizon pour rire sérieusement et apprendre en riant…
Découvrir la construction du rire
On peut bien sûr rire pour le plaisir, prendre du bon temps en découvrant au passage de célèbres textes, qu’il s’agisse de poèmes jouant avec les mots ou flirtant avec l’absurde, de pièces de théâtre ou de nouvelles. Les recueils des diverses Histoires pressées de Bernard Friot sont ainsi largement abordés par les professeurs de français et ravissent les élèves de sixième. Il en est de même pour les Animaux de personne et les Animaux de tout le monde de Jacques Roubaud ou encore de nombreux poèmes de Jean Tardieu ou de Raymond Queneau par exemple. Côté théâtre, des manuels proposent également des corpus de textes faciles à comprendre et à jouer, tels que Pièces et dialogues pour jouer la langue française de Sylvaine Hinglais et Myrtha Liberman ou encore Théâtre pour rire au collège – 22 pièces à monter en atelier de la 6ème à la 3ème, de Michel Piquemal et Gérard Moncomble.
Toutefois rire n’est pas savoir démonter les mécanismes du rire et cette dernière démarche s’avère parfois difficile. Les élèves ne parviennent pas toujours à identifier les procédés comiques, en particulier face à un nouveau texte et surtout lorsque ces procédés se trouvent combinés entre eux. Pourquoi c’est drôle ? Mais parce que ça l’est ! Voilà leur réponse habituelle. L’idée de chercher à expliquer comment le rire se crée leur paraît même saugrenue. La place du rire en cours de français ne leur semble pas évidente.
Mais ce n’est pas drôle, madame !
Il est vrai qu’une mise au point lexicale s’impose parfois. Rire ou sourire, telle est la question. Si les élèves sont rapidement à l’aise avec le comique de gestes et les farces, ils sont en revanche plus rétifs dès qu’on touche à la critique sociale, à l’humour noir ou à l’ironie. La compréhension du comique de caractère peut leur sembler également difficile. A leurs yeux, Lubin (dans George Dandin de Molière) n’est pas forcément bête mais plutôt malhonnête ou pire encore, seulement « bizarre et un peu calculateur ». L’enrichissement du vocabulaire pour qualifier les caractères s’avère alors nécessaire.
Certains élèves rencontrent aussi des difficultés dès qu’on s’éloigne du comique un peu grossier. Ainsi dans Effroyables jardins de Michel Quint, le comique de mots et les facéties du soldat clown les amusent alors que le style d’écriture du passage de l’arrestation (Le mieux c’est encore un visage de femme. On n’avait pas ça, nous. On n’avait que les cornichons.) les laisse parfaitement de marbre. A leur âge, happés par l’horreur de la situation, les adolescents ont souvent du mal à admettre qu’on puisse rire de tout et confondent le rire salvateur avec la moquerie irrespectueuse.
Au-delà du rire
L’écriture sur le rire, le commentaire d’un dessin de Sempé ou d’un croquis paru dans la presse, constitue par ailleurs une tâche difficile qui requiert une réelle réflexion et une maîtrise de l’expression écrite. Expliquer pourquoi on rit n’est pas facile pour un élève de troisième mais permet de réinvestir de nombreux points abordés. L’étude de publicités visant le rire du consommateur les aide aussi à comprendre l’aspect argumentatif du rire et les accompagne dans le développement de leur esprit critique. Enfin les sketches des humoristes leur réservent parfois des surprises. Ainsi celui du Portable de Gad Elmaleh dans lequel il évoque la « boîte » : boîte vocale et boîte du cercueil, pour dénoncer implicitement les dérives d’une communication virtuelle au détriment d’un échange de gestes affectifs réels. Les élèves découvrent alors que le rire peut cacher des larmes ; ils sont émus par ce personnage de vieil homme joué par Gad Elmaleh qu’il trouvait pourtant si amusant une heure auparavant. Rire et savoir pourquoi on rit, serait-ce aussi apprendre à grandir ?
Quelques sites utiles
Antiphrase, ironie, autodérision et humour
http://www.sculfort.fr/articles/ecrire/ironiehumour.html
Réflexion théorique sur les figures de style de l’humour et de l’ironie
http://www.fabula.org/atelier.php?Humour_est-il_rh%26eacute%3Btorique
Repères sur la comédie et les procédés comiques
Une étude sur le rire chez La Fontaine
http://lettres.ac-rouen.fr/francais/lafont/fable23.html