« Penser qu’on peut améliorer l’école signifie que l’école peut quelque chose, qu’elle peut faire mieux ou moins bien…Les recherches mettent en évidence le fait que l’école agit à partir d’un contexte social qui en détermine fortement les effets, mais que néanmoins… certaines approches pédagogiques, certains établissements, certains systèmes éducatifs produisent des effets différents ». Denis Meuret et Gaëtane Chapelle croient donc encore dans l’école et c’est forts de cette opinion qu’ils nous proposent un livre fort et utile.
Disons le tout de suite : le livre ne dit pas comment améliorer l’école ! A la différence des pamphlets qui inondent les librairies, il ne propose pas de solution miracle pour l’école. Il va bien plus profondément demander à des spécialistes d’analyser les difficultés de l’école et de faire le point sur les solutions testées et sur leurs résultats.
La première partie de l’ouvrage s’attache aux enjeux majeurs de l’école. D’abord les inégalités sociales. Il faut lire Marie Duru-Bellat affirmer que « une part de l’avantage dont bénéficient les enfants de milieu favorisé ne s’explique pas par des facteurs individuels mais bien par le fait qu’ils fréquentent des contextes scolaires plus propices à la réussite » pour comprendre que réduire les inégalités sociales à l’école n’est pas un problème « technique » mais bien politique. François Dubet évoque les « vaincus de l’école ». Georges Felouzis parle des inégalités ethniques face à l’école. Eric Debarbieux de la violence scolaire.
Une seconde partie s’intéresse aux acteurs et aux modèles. C’est la partie la plus comparative même si tous les pays du monde semblent engagés vers un modèle unique d’école. La gouvernance locale est-elle plus efficace ? Les parents doivent-ils choisir leur école ? Branka Cattonar et Anne Barrère s’intéressent même aux opinions et aux conceptions des premiers acteurs : les élèves et les enseignants. B. Cattonar cite Dubet : <i< »la massification de l’enseignement a complètement déstabilisé un modèle d’enseignement sans que la plupart des acteurs aient pour autant renoncé à ses principes, à ses valeurs et à son imaginaire ». L’imaginaire a aussi sa place dans les attentes des élèves et finalement dans les dysfonctionnements. Pour Anne Barrère, les enseignants devraient avoir des compétences relationnelles comme « la capacité à interpréter les langages… employés par les adolescents, le tact… et enfin l’humour ».
Une dernière partie s’attache à des politiques possibles. Claude Thélot y défend sa vision du socle commun (diversifier les moyens, personnaliser l’apprentissage) qu’il ne retrouve pas dans la loi Fillon. Robert E Slavin témoigne d’un programme d’apprentissage de la lecture qui fonctionne aux élèves. Il mobilise l’ensemble de la communauté éducative sur la lecture : il n’est question ni de globale ni de syllabique… Marcel Crahay a les mêmes hésitations sur les pédagogies efficaces : bien sûr redoublement et classes de niveau ont fait les preuves de leur inefficacité. Mais « il reste beaucoup à faire en matière de recherches » entre autre parce que les recherches française et anglo-saxonne travaillent dans des directions opposées.
Les adulateurs, les condamnateurs, ceux qui cherchent LA solution pour l’école auront depuis longtemps laissé choir le livre. C’est que les conclusions des chercheurs sont tout en nuances et particulièrement sur ce qu’il faut faire.
Alors inutile ce livre ? Bien au contraire je le juge indispensable. D’abord parce qu’en 200 pages il résume sans caricaturer l’ensemble des débats et des connaissances sur la crise de l’école. C’est un tour de force qui n’est possible que parce que les coordonnateurs de l’ouvrage se sont adressés à des spécialistes reconnus. Les enseignants ont ainsi des synthèses claires et courtes qui sont indispensables pour vraiment réfléchir sur l’école et son avenir.
Ensuite parce qu’il permet de fixer les caractères de plusieurs scénarios pour l’école. Des scénarios négatifs qui rendraient l’école plus inégalitaire et moins accueillante ou des scénarios positifs qui en amélioreraient le rendement y compris en terme d’égalité sociale. « Chacun des scénarios… est une caricature. Mais qu’il est utile d’expliciter, peut-être, pour bien se rappeler que la recherche en sciences sociales, lorsqu’elle étudie l’école, n’est pas sans voix, qu’elle offre des pistes d’action, des scénarios… Parmi lesquels les citoyens devront choisir, de toutes leurs voix ».
Ces voix, l’actualité récente montre qu’elles peuvent agir. C’est aussi pour cela que ce livre est vivement recommandé.
Gaëtane Chapelle, Denis Meuret, Améliorer l’école, Paris, Puf, 2006, 268 pages.
Présentation par l’INRP
http://www.inrp.fr/vst/Ouvrages/DetailPublication.php?id=247