« Insuffisante prise en compte des aspirations des jeunes, information déficiente sur les débouchés professionnels des études, méconnaissance des outils et des lieux d’information disponibles, méconnaissance par les jeunes et par les professionnels de l’éducation du monde du travail, des métiers et des voies de formation à emprunter pour y postuler, insuffisance du nombre, de la formation et de la reconnaissance des personnels chargés de conseiller les jeunes, insuffisante coordination des acteurs de l’orientation », le rapport réalisé par les députés Régis Juanico (PS) et Nathalie Sarles (LREM) sur « l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur » souligne les faiblesses de l‘éducation à l’orientation en France. Il montre aussi les limites de Parcoursup aussi bien en termes de résultats globaux que d’équité. Le rapport préconise une réforme de l’éducation à l’orientation et des places supplémentaires en STS.
Comment les réformes Blanquer affaiblissent l’orientation
Le rapport montre comment la réforme du lycée a affecté négativement l’éducation à l’orientation. D’abord parce que les 54 heures annuelles dédiées à l’orientation ne sont plus financées ce qui revient à ce que les établissements arbitrent entre l’éducation à l’orientation et le maintien d’options ou de dédoublements. Le même problème se pose au collège pour les 12 heures de 4ème et les 36 heures de 3ème.
La réforme du lycée « relativise la notion de classe et donc, possiblement, celle de professeur principal qui a un rôle clef dans l’orientation… or les familles et les lycéens ont plus que jamais besoin d’un référent bien identifié pour les aider à s’y retrouver dans le maquis de l’orientation ».
Le rapport apporte des informations sur ce qui se passe réellement en lycée. Seulement 43% des établissements secondaires (collèges et lycées) affectent des moyens financiers à l’éducation à l’orientation. Sur les 867 millions du plan étudiant , pas un euro ne finance des actions dédiées à l’orientation.
80% des lycées organisent une réunion d’information sur l’orientation et 40% un forum des métiers. 24% des professeurs principaux de terminale estiment que l’orientation n’est pas de leur ressort et 85% déclarent ne pas y avoir été formés.
L’action des régions, en charge de l’information sur l’orientation depuis la loi de septembre 2018, ne se met pas réellement en place. Selon le rapport, des conventions entre rectorat et région n’ont été signées que dans 3 régions et l’Association des régions n’a pu trouver de représentant pour participer à l’élaboration du rapport !
Le rapport montre l’impact social de cette situation. Les lycéens défavorisés sont ainsi les plus nombreux à devoir faire leurs choix d’orientation seuls. Les jeunes issus des catégories sociales défavorisées ont des aspirations moins ambitieuses que leurs camarades plus favorisés. Sur ce terrain, le rapport comprend des comparaisons avec les politiques menées dans d’autres pays pour soutenir les ambitions des jeunes défavorisés qui ne font pas honneur à la France (par exemple en Angleterre).
Tout cela conduit les rapporteurs à demander que les 54 heures annuelles soient bien inscrites comme obligatoires et à préconiser une préparation à l’orientation dès le collège « par des activités portant sur la connaissance de soi et la découverte des filières et des métiers ». Ils demandent aussi que soient communiquées aux élèves dès le collège les modalités de prise de contact avec les interlocuteurs compétents (psy-en, onisep, cio etc.).
Parcoursup ne fait pas mieux qu’APB
Toute une partie du rapport est consacrée à l’analyse des résultats de Parcoursup. Si globalement Parcoursup semble aboutir à un même taux d’accès dans le supérieur, ses particularités relativisent ce résultat. « Au total, pour trois candidats utilisant la plateforme au niveau national, un seul y a trouvé sa filière d’élection, y a été affecté, y a réussi et y est resté… Les rapporteurs tiennent néanmoins à indiquer qu’il est difficile de comparer réellement APB et Parcoursup en termes d’efficacité d’affectation, dans la mesure où l’abandon de la hiérarchisation des voeux rend impossible la comparaison des capacités des deux plateformes à satisfaire les préférences réelles des candidats. Ainsi, alors que l’on pouvait calculer avec APB la proportion de candidats qui avaient obtenu leur premier voeu, cela n’est par définition plus possible avec Parcoursup ». Ils demandent donc une enquête nationale permettant de mieux évaluer qualitativement les affectations via Parcoursup.
Que faire des algorithmes locaux ?
Le rapport soulève aussi la question des algorithmes utilisés par les établissements d’enseignement supérieur. La transition d’APB à Parcoursup s’est accompagnée d’une automatisation croissante des sélections avec « une prise en compte peu objective des différences de notation entre les lycées ». Le rapport demande d’anonymiser le lycée d’origine et de lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats du bac et la notation au contrôle continu, dispositif testé cette année pour le bac.
Le rapport apporte aussi des informations sur la façon dont la décision du Conseil constitutionnel sur les algorithmes locaux va être appliquée. « Une note de cadrage communiquée par le MENJ et le MESRI en juin 2020 permet de mieux appréhender quelle sera la nature de ce rapport, publié à l’issue des résultats de la procédure par « chaque formation initiale, publique ou privée, sélective ou non sélective, inscrite sur la plateforme nationale de préinscription Parcoursup », et qui sera accessible via la page de la formation concernée sur Parcoursup. Il sera précisé, en introduction, si la commission a éventuellement eu recours « à des traitements algorithmiques ». Le corps du rapport se composera d’un tableau qui renseignera les candidats sur « les critères d’examen des voeux définis par la commission pour l’examen des dossiers », autrement dit les critères généraux d’examen « effectivement retenus et appliqués par la commission », les « éléments matériels pris en compte lors de l’examen pour évaluer lesdits critères », ainsi que le « degré d’importance accordé à chaque critère, par défaut et par ordre décroissant d’importance (essentiel, très important, important ou complémentaire) ». Les formations sont libres d’être plus précises et de remplacer ces degrés par des coefficients ou des pourcentages ».
Le maintien des inégalités sociales
Le rapport s’est aussi penché sur le destin des bacheliers professionnels et technologiques. Il montre qu’alors que le nombre de bacheliers professionnels a augmenté de 92% depuis 2000, le nombre de places en STS a augmenté de 7%. Il demande donc la création de places supplémentaires en STS. Il souligne aussi la faible efficacité des politiques de quotas pour les boursiers. « Le faible impact des quotas de boursiers peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’abord, ces quotas ne peuvent par définition jouer que dans les formations en tension, c’est-à-dire les formations où le nombre de candidats dépasse le nombre de places disponibles. Or, près du tiers des formations auxquelles Parcoursup donne accès ne sont pas en tension : les quotas n’y ont aucun effet. Il faut également rappeler ici que les formations privées en STS et en CPGE n’étaient jusqu’à présent pas soumises à la logique des quotas ; suite à des discussions avec le ministère, elles devraient les appliquer en 2020. Ensuite, les quotas de boursiers sont des quotas d’appel, et non des quotas d’admis. Autrement dit, il n’existe pas de places réservées aux boursiers au sein des formations. Les quotas ne peuvent par conséquent influencer la proportion de boursiers parmi les admis à une formation que d’une manière indirecte, en modifiant l’ordre dans lequel les propositions sont faites aux candidats boursiers et non boursiers, sans garantir que le quota sera in fine vérifié parmi les admis. En effet, même si le nombre de propositions à destination des candidats boursiers augmente, rien n’indique que ces derniers les accepteront davantage ».
Au final, les préconisations du rapport semblent un peu timides face à l’information apportée par le rapport. Car ce qui se dégage du rapport c’est un double scandale. Celui d’une éducation à l’orientation marginale et affaiblie depuis 2017 alors qu’elle génère un coût social et budgétaire important (550 millions pour la réorientation des étudiants par exemple). Celui des inégalités sociales d’accès au supérieur, maintenues avec une mesquinerie certaine qui saute aux yeux dans le destin des bacheliers professionnels.
François Jarraud