La réforme des retraites correspond à deux projets de loi que le Café pédagogique vous propose de découvrir. Un projet de loi organique revient sur les grandes règles de financement des retraites et notamment les lois de financement de la sécurité sociale. Le projet de loi ordinaire précise dans son article 1 qu’il y aura une revalorisation salariale des enseignants « permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique… Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation » Si le régime se veut « universel », certains assurés bénéficieront d’aménagements sur leur âge de départ et le financement de leur retraite. Surtout, le processus législatif encadre strictement le champ des négociations. En ce qui les concerne, les enseignants sont priés de faire totalement confiance au gouvernement puisque les discussions réelles sur leur avenir n’aura lieu qu’après l’adoption de la loi. En ce sens, cette loi est déjà un outil de leur mise au pas.
Les engagements envers les enseignants
Présenté comme « un nouveau pacte entre les générations porté par l’ambition de justice sociale », le projet de réforme se présente en deux textes : un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire.
Le projet de loi organique précise le pilotage financier des retraites avec l’obligation à l’équilibre. Il précise que les parlementaires seront assujettis à la nouvelle loi. C’est le projet de loi ordinaire qui donne l’essentiel de la réforme.
L’article 1 précise que « le Gouvernement s’est engagé à ce que la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique. Cette revalorisation sera également applicable, conformément à l’article L. 914-1 du code de l’éducation, aux maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat. Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation dans le domaine de l’éducation nationale et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche ».
Le maintien de régimes particuliers
L’article 7 met fin aux régimes spéciaux, du moins en apparence. Les régimes de la Sncf, ratp, edf gdf, opéra, Comédie française, clercs de notaire et ministres des cultes d’Alsace Lorraine disparaissent.
Pour autant des régimes spéciaux continuent à exister pour les « fonctionnaires qui concourent à des missions publiques de sécurité, de surveillance et de contrôle… ces agents pourront partir plus tôt à la retraite. Ces mêmes agents bénéficient de points résultant de cotisations spéciales, dues par leurs employeurs, afin de prendre en compte l’incidence sur leur retraite des limites d’âge statuaires qui leur sont applicables ».
Les militaires ont droit aussi a un aménagement spécial. « La date d’ouverture du droit à une retraite et l’âge d’équilibre pour le calcul de la retraite sont abaissés pour les militaires en raison de la spécificité de leurs fonctions. Ces mêmes agents bénéficient de points résultant soit d’une attribution de points au titre des services aériens et sous-marins accomplis, soit de cotisations spéciales, dues par leurs employeurs, afin de prendre en compte l’incidence sur leur retraite des limites d’âge anticipées et limites de durée de service qui leur sont applicables, soit de cotisations spécifiques, dues par leurs employeurs, afin de prendre en compte les sujétions physiques, la dangerosité et l’engagement au service de la Nation afférents à l’accomplissement des campagnes qu’ils effectuent ».
La loi crée un age d’équilibre avec bonus et malus, âge nécessaire pour partir avec al retraite complète. « L’objectif de ce mécanisme incitatif est d’inciter les Français à partir plus tard avec une meilleure pension, tout en préservant leur liberté de choix. » Les modalités d’indexation des retraites resteront fixées sur l’inflation.
Des négociations limitées
Avec l’article 1, l’élément peut-être le plus révélateur est , dans l’exposé des motifs, la partie relative aux négociations.
« Le Gouvernement a engagé un nouveau cycle de discussions qui s’est conclu le 19 décembre 2019 par la présentation par le Premier ministre du projet de réforme du Gouvernement. Le présent texte traduit strictement ces annonces », dit le texte. « Ces discussions se poursuivent sur un certain nombre de chantiers, parmi lesquelles la pénibilité, l’aménagement des fins de carrière et l’emploi des seniors, le minimum de pension, la transition vers le système cible et les modalités de retour à l’équilibre du système de retraite en 2027 ».
Reddition sans conditions ?
On touche là la méthode très particulière de ce gouvernement. Pour les enseignants et les personnels des transports, qui sont actuellement les fers de lance de l’opposition à la réforme, il n’y a rien à négocier. C’ets ce qui explique le flou dans lequel ils sont entretenus.
Les discussions sur l’essentiel : la revalorisation, sa forme, son montant, ses bénéficiaires, son calendrier, ses contreparties, puisque le ministre les exige, tout cela aura lieu après le vote de la réforme. On leur promet des compensations qui pourraient être inscrite dans une loi de programmation qui serait adoptée fin 2020 , 6 mois après l’adoption de la réforme des retraites.
Le gouvernement exige la confiance totale ou si l’on préfère une reddition sans conditions en échange de l’espoir d’une revalorisation qui ne sera discutée qu’après l’adoption de la réforme. A cela s’ajoute pour les enseignants le chantage à la redéfinition du métier enseignant.
Avec ce double chantage le gouvernement joue avec le feu. S’il l’emportait ce serait au prix de l’écrasement définitif des syndicats, objectif qu’il semble poursuivre de façon de plus en plus ouverte depuis la loi de transformation de la fonction publique. La loi de retraite apparait comme un levier pour la transformation du métier enseignant voulue par le ministre mais aussi comme un outil de mise au pas des enseignants en tant que salariés.
F Jarraud