Un rapport de l’inspection souligne le trouble créé chez les professeurs d’école
« Les dernières semaines ont créé, chez les parents comme chez les maîtres, un trouble préjudiciable à un fonctionnement serein de l’école. Il est aujourd’hui nécessaire de rassurer les parents et de conforter l’action des professionnels de terrain en disant clairement la confiance dans le travail réalisé ». Demandé par Gilles de Robien au début de l’année, en pleine campagne médiatique sur la méthode syllabique, le rapport de l’Inspection générale sur « l’application de la circulaire du 3 janvier 2006 et de l’arrêté du 24 mars 2006 sur l’apprentissage de la lecture », rédigé par Viviane Bouysse, Philippe Claus, Michèle Leblanc et Martine Safra, ne cache rien du trouble qui touche les enseignants.
Il souligne autant l’impact de la campagne de Sos Education que les dérapages ministériels. » Au-delà des incidents internes à l’Éducation nationale, qui ne sont pas sans effets sur les personnels enseignants et sur les inspecteurs – tensions dans certains conseils d’IEN, questions vigoureuses dans les instances paritaires -, c’est la publication dans la presse quotidienne régionale d’encarts de l’association SOS éducation qui a suscité de réelles inquiétudes sur le terrain4. L’amalgame fait entre manuel et « méthodes », la mise en cause explicite des enseignants ne sont évidemment pas acceptés de professionnels qui font leur métier sérieusement. Les maîtres se sentent sous surveillance ou remis en cause par des parents inquiets ».
Il atteste du sérieux du travail des enseignants. Certes, « la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves demeure délicate…, la continuité des apprentissages entre grande section de maternelle et CP est mal assurée ». Mais « le temps consacré à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dépasse souvent ce qui est demandé dans les programmes… les enseignants ont conduit une vraie réflexion sur les supports de l’apprentissage de la lecture…, (ils) ont engagé le travail sur le code qui leur est demandé ».
Le ministre a-t-il vraiment changé l’enseignement de la lecture ? L’Inspection sauve les apparences : » Les maîtres du cours préparatoire sont très conscients de la responsabilité qui est la leur. Ils travaillent avec un grand sérieux et prennent à coeur leur mission. La circulaire du 3 janvier 2006 et l’arrêté modificatif des programmes ne leur ont pas posé de problème. Ils mettent en place un apprentissage structuré, probablement davantage et plus tôt qu’ils ne le faisaient, et engagent pour la plupart l’étude systématique des relations graphèmes phonèmes ».
Mais ce que montre surtout le rapport c’est que les enseignants ont continué la réflexion amorcée autour des programmes de 2002. Les injonctions du ministre de changer de manuels sont restées lettre morte. Ne cherchez pas de méthode syllabique dans les classes. Selon l’inspection, qui acquiesce à ces choix, les maîtres utilisent Ribambelle, Ratus, Abracadalire, Mika ou Que d’histoires, des ouvrages qui permettent des approches mixtes.
Très logiquement l’Inspection invite au calme. Pour elle, il faut » poursuivre le travail engagé sur le terrain en évitant dans l’immédiat la publication de nouveaux textes ». La dernière recommandation sonne fort rue de Grenelle. » Aider les enseignants à retrouver de la sérénité : faire confiance aux maîtres de CP et aux cadres intermédiaires, qui ont montré dans leur immense majorité leur engagement et leur sérieux. Si possible, en communication publique, tendre à corriger les représentations mécanistes qui ont pu s’installer dans le grand public… Les maîtres doivent mobiliser des stratégies et des techniques variées pour prendre en charge la variété des fragilités, des difficultés, des atouts et richesses de leurs élèves. C’est là leur responsabilité, c’est là que réside leur expertise professionnelle, qui peut certes être perfectionnée mais qui doit être respectée ».
Le rapport de l’Inspection amènera-t-il le ministre à condamner la campagne de Sos Education ?
http://media.education.gouv.fr/file/39/9/3399.pdf
Réactions au rapport de l’Inspection générale
« Avec le style diplomatique et la réserve traditionnelle de l’inspection générale, ce rapport sera un temps fort et peut-être un point final à un débat qui a fait du tort à l’école primaire, et finalement aux élèves » a déclaré au Café pédagogique un inspecteur très engagé dans le débat actuel sur l’apprentissage de la lecture.
« Au moment où l’un des leurs est toujours sous le coup d’une procédure disciplinaire, le corps des inspecteurs du premier degré est considérablement mis en valeur. Son action, sa détermination, la qualité des initiatives prises en accord avec les inspecteurs d’académie, les outils apportés et les aides conçues avant même la diffusion des documents du ministère, sont justement soulignés.
Au moment où la médiatisation des débats conduit à une simplification extrême des questions d’apprentissage, le rapport rappelle que l’apprentissage de la lecture est complexe, qu’il nécessite un engagement inscrit dans la durée, avec de la formation, avec un accompagnement des inspecteurs et conseillers pédagogiques, que les pratiques pédagogiques s’élaborent progressivement, sous entendant qu’il n’est pas possible de les modifier brutalement sur injonction.
Les points faibles soulignés dans la rapport sont connus depuis longtemps: l’articulation maternelle / CP, la place de l’écriture aussi bien dans le domaine du graphisme que dans celui de la production d’écrits, les faiblesses au niveau de la compréhension et la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves. Ils font l’objet de recherches, de formations, d’animations pédagogiques spécifiques, de productions, depuis de nombreuses années et les injonctions sur la pratique du b-a ba dès la rentrée seraient plutôt contre productives pour la résolution des problèmes posés.
Un chapitre important est consacré au malaise engendré dans les écoles par les débats et les campagnes de dénigrement de groupuscules ou d’individus qui ne respectent ni l’Ecole ni les enseignants ont fait des dégâts dont il est encore impossible aujourd’hui de mesurer l’ampleur. Aussi la première recommandation de l’Inspection Générale, dans sa grande sagesse, est de souhaiter que le travail engagé, donc depuis longtemps, « se poursuive sur le terrain en évitant dans l’immédiat la publication de nouveaux textes » et que des mesures soient prises pour « aider les enseignants à retrouver la sérénité » Si le ministre pouvait entendre ses inspecteurs généraux…. «
De son coté, Sos Education dénonce « le discours mensonger » de l’Inspection générale.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/11/index081106.aspx
http://actu.voila.fr/Depeche/ext–francais–ftmms–emploieducation/SOS-Education-denonce-le-rapport-sur-la-lecture-de-l-Inspection-generale.html
Journée d’action des directeurs le 22 novembre
« Contrairement à ce qu’affirme le ministère, le mouvement des directeurs et directrices d’écoles se poursuit ». Le Snuipp et le Sgen-Cfdt réagissent à la déclaration du ministère annonçant la fin du mouvement des directeurs. Ils soulignent que « 30% des enquêtes de rentrée, malgré les pressions du ministère, sont toujours bloquées ». Les deux syndicats, qui n’ont pas signé le protocole d’accord proposé par le ministère, demandent une meilleure reconnaissance de la fonction de directeur.
Le Snuipp-Fsu et le Sgen-Cfdt appellent « leurs organisations départementales à faire du mercredi 22 novembre une journée nationale d’actions ».
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1219.html
L’Université d’automne de La Londe refait l’Ecole
Ca fait six ans que ça dure, et manifestement ça ne se guérit pas. Plus de 400 enseignants des écoles qui traversent la France et paient leur place pour aller entendre, trois jours durant, une quarantaine de chercheurs en éducation… L’attrait de la mer et de l’été indien varois ? Certes, le bonus est apprécié. Mais il faut attendre la fin de la soirée (ou parfois la nuit) pour voir errer quelques grappes prenant l’air. Parce que de 8h 30 du matin à 22h, ça carbure… Toutes les deux heures, changement de cavalière. Le speed-dating de la pédagogie, le coq-à-l’âne professionnel : les maths, l’EPS, le sexisme à l’école, la maternelle la littérature de jeunesse, la place de l’art à l’école, la notation, l’informatique, l’école rurale, l’usage de sa voix (eh oui, c’est le premier outil professionnel…), la liaison CM2-6e… Comment choisir ?
Cette année encore, il a bien fallu constater que la potion a pris. Certes, les débats ne se sont pas forcément limités à l’empathie, thème de la conférence en plénière de Boris Cyrulnik : Goigoux ne s’est pas gêné pour discuter en toute franchise de ce qui fâche en lecture, Guérin a prôné le changement de structures scolaires en essuyant les doutes de la salle devant les carences de pilotage institutionnel, MC Courteix a défendu bec et ongle la nécessité de l’intégration des élèves handicapés, face à une salle confrontée chaque jour aux manques de moyens d’accompagnement, Garcia-Debanc a prôné un enseignement exigeant de l’ORL, Brissiaud et Charnay ont développé avec verve leurs options pour les maths…
Découvrez le dossier spécial du Café sur l’université d’automne du Snuipp.
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/univsnuipp06_index.aspx
Robien boutefeux de l’Ecole pour les instits
« Depuis près d’un an, vous entretenez le trouble dans l’opinion publique sur l’apprentissage de la lecture et professez le simplisme pédagogique en la matière. Vos prises de position, souvent caricaturales et aux fondements scientifiques contestés, s’opposent aux contenus même des programmes que vous avez signés. Comment pouvez-vous déclarer en effet que « seule la synthèse (méthode syllabique) doit être employée à l’exclusion de toute autre » alors que les programmes indiquent sans ambiguïté qu’il faut recourir à deux procédures : l’approche synthétique (des lettres vers le mot) et l’approche analytique (du mot vers les lettres) ? Comment pouvez-vous prétendre, monsieur le ministre, que la méthode syllabique est la meilleure méthode d’apprentissage de la lecture alors que, par le passé, avant même que l’on parle d’approche globale de la lecture, près d’un jeune sur deux sortait de l’école sans aucun diplôme ? »
Ils sont tous là : les mouvements pédagogiques (Crap, Afef, Ageem, Icem, Gfen etc.), les syndicats du primaire (des maîtres Se-Unsa, Sgen-Cfdt, Snuipp, des inspecteurs Si.en-Unsa, Snpi-Fsu), parents de la Fcpe, Ligue de l’enseignement à dénoncer l’aventurisme de Robien.
« Monsieur le ministre, vous affichez publiquement des positions qui sont en contradiction avec celles des programmes que vous avez signés. Vous déformez délibérément les résultats aux différentes évaluations pour pouvoir prétendre que les élèves ne savent plus lire et que l’Ecole est en danger. Vous écartez des chercheurs reconnus des dispositifs de formation sous prétexte que leur parole n’est pas en conformité avec votre discours. Vous menacez les enseignants du premier degré d’une enquête pour vérifier s’ils appliquent vos consignes et à l’inverse, vous soutenez officiellement les promoteurs du retour aux méthodes pédagogiques d’il y a un siècle et qui sont en contradiction avec les programmes officiels actuels. Vous engagez les parents à dénoncer les maîtres qui n’appliqueraient pas une méthode exclusivement syllabique, alors qu’ils n’ont pas les compétences pour identifier la méthode utilisée et que ce n’est pas leur rôle. Jusqu’où irez-vous monsieur le ministre, dans le dénigrement des enseignants et le mépris des parents ? Jusqu’où ira votre acharnement ?… Aussi, nous vous demandons, monsieur le ministre, de cesser de caricaturer l’apprentissage de la lecture, de mettre en cause la formation des enseignants et d’entretenir la suspicion au sein de notre système éducatif, car en faisant cela, c’est vous qui mettez l’Ecole en danger ».
http://www.se-unsa.org/presse/comm/page.php?id=061012
Deux chercheurs évoquent le « charlatanisme » de Robien
[img=ouzou.jpg: André Ouzoulias Photo CP]
« Lorsqu’il fait croire aux français que c’est la recherche scientifique qui l’a conduit à imposer aux maîtres de CP la méthode syllabique, Gilles de Robien commet une charlatanerie ». Dans un texte envoyé au Café, Rémi Brissiaud, maître de conférence de psychologie cognitive et André Ouzoulias, professeur à l’Iufm de Versailles, ne mâchent pas leurs mots.
Après avoir démontré l’inanité des propos ministériels sur l’apprentissage de la lecture, ils en montrent les conséquences. « Gilles de Robien veut apparaître comme le ministre qui a rendu obligatoire la méthode syllabique à l’école. Cette campagne fait les délices de nombreux médias. Hélas, elle est efficace : qui peut s’opposer à un ministre qui défend la « bonne méthode », celle qui est recommandée par la science ?… Et pour bien montrer sa détermination, le ministre n’hésite pas à faire preuve d’autoritarisme : menaces de sanctions, enquêtes disciplinaires, évictions… Tous les procédés sont bons pour se forger l’image du « ministre de l’éducation nationale qui, enfin, ose réformer l’école ». Mais l’opinion doit savoir que la méthode qu’il présente comme un remède miracle, par le passé, a prouvé sa nocivité. Elle doit savoir de plus qu’un climat détestable s’est installé dans de nombreuses écoles, où certains parents d’élèves, se sentant encouragés par le ministre, jettent le soupçon sur les maîtres de CP et cherchent à exercer un contrôle pédagogique tatillon. Cela ne peut que nuire à la réussite des élèves dans l’apprentissage de la lecture. Celui-ci, en effet, exige la coopération de l’école et des familles, dans le cadre d’un dialogue authentique mais confiant ».
Hier Jean-Emile Gombert, professeur de Psychologie du développement cognitif, appellait ses collègues à la grève contre les errements ministériels. Aujourd’hui deux spécialistes réagissent sans ambiguïté. Demain ?…
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/lecture_index.aspx
Le web plus fort que Robien ? Première grève des sites éducatifs du primaire
« On assiste à l’institutionnalisation d’un « pédagogiquement correct » purement idéologique, porté par un mouvement de « c’était-mieux-avant-ma-brave-dame » particulièrement irrationnel (et clairement hostile à l’école publique). Il est très difficile de contrer un discours populiste et réducteur de style « yaka-fokon » et l’on voit bien que les enseignants, les didacticiens ou même les IEN qui se risquent à le faire y laissent des plumes. Un pas supplémentaire a été franchi avec cet appel à la délation d’un autre temps. Les partisans de « Sauvez les lettres » qui naviguent, même si certains s’en défendent, dans la même mouvance que SOS Education, ont déjà commencé à pointer les sites Web qui leur déplaisent. Il est évident que ce n’est qu’une question de temps avant qu’une campagne de mise à l’index de ces sites soit proposée. Par ailleurs, cette action est un moyen de faire savoir aux enseignants de CP que certains de leurs collègues qui enseignent à d’autres niveaux sont conscients des responsabilités que d’aucuns cherchent à leur faire porter, et des pressions qu’ils subissent ».
Pour Bruce Demaugé-Bost, webmestre du « petit abécédaire de l’école », la décision de fermer son site ce 18 octobre s’impose. Ainsi plus d’une trentaine de sites français dirigés par des instits sont en berne aujourd’hui. Motif invoqué : » Les enseignants tentent aujourd’hui de travailler, tant bien que mal, dans un climat détestable : entre la « com » d’un ministre qui contredit les textes officiels signés par ce ministre lui-même et les travaux des chercheurs en didactique tronqués de manière éhontée, un élément fondamental de notre métier est attaqué : la liberté pédagogique. C’est cette composante qui permet aux enseignants d’adapter au mieux leurs pratiques aux besoins de leurs élèves. Aujourd’hui, un nouveau pas est franchi par une association populiste… Via la presse régionale, « SOS Education » engage les parents à dénoncer les enseignants qui n’appliqueraient pas à la lettre les « recommandations médiatiques » du ministre.
Or, ces recommandations se trouvent éloignées du réel contenu des textes officiels qui cadrent notre travail. La chasse aux sorcières est lancée : formateurs, inspecteurs, manuels et enseignants sont lapidés dans l’arène médiatique. Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu’une chasse aux sites « subversifs » soit engagée ? Cette situation devient intolérable et détruit peu à peu les relations de confiance que nous essayons de construire avec les parents. D’autre part, certains de nos collègues ne prennent pas la mesure de l’inquiétude des enseignants des classes de CP. Il est temps de jouer un rôle dans ce débat ».
Le petit abécédaire de l’école
http://bdemauge.free.fr/
40 sites pédagogiques fermés le 18 octobre
Nous en avons compté 44. Plus de quarante sites pédagogiques ont suivi l’appel lancé par quelques enseignants du primaire et fermé leur site mercredi 18 octobre. Parmi eux, des serveurs très connus des enseignants du primaire comme, par exemple, le site de l’association des formateurs Tice, Le petit abécédaire de l’école, Maternailes, L’encrier, le bulletin de la Pmev, siteinstit, pragmatice etc. Cette grève virtuelle est une forme d’action nouvelle. Elle s’est imposée spontanément.
Les participants ont dénoncé « le discours populiste et réducteur » du ministre à propos de la lecture, son autoritarisme ainsi que la campagne de délation menée par Sos Education.
» Je souhaite juste faire mon travail, mettre en oeuvre les instructions officielles par les chemins les plus adaptés aux enfants, tous différents au sein d’une classe, tous différents d’un quartier à un autre, d’une banlieue à une autre » nous explique Christine, webmestre de Maternailes. » Sans la confiance des familles, que ce climat rogne petit à petit, les enfants de nos classes auront bien du mal à s’engager dans des apprentissages potentiellement « suspects ».
Elle a reçu des messages de soutien de collègues : « Je vous remercie pour cette action et pour ce papier qui fait du bien ». C’est une phrase qu’on a retrouvé souvent sur les forums du premier degré. Oui, l’enseignante de terrain que je suis a mal à l’école : savoir qu’on est pas seule réchauffe un peu. Mais celui qui paie le prix fort de ce climat de méfiance, c’est l’élève ».
http://actu.voila.fr/Depeche/ext–francais–ftmms–informatique/Polemique-autour-de-l-apprentissage-de-la-lecture-greve-de-sites-educatifs.html
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index181006.aspx
Lecture : les chercheurs contredisent Robien
» Conformément aux résultats scientifiques, les nouveaux programmes laissent aux enseignants le choix entre les nombreuses méthodes utilisant des approches synthétiques, analytiques, ou une combinaison des deux, dans la mesure où, quelle que soit la méthode choisie, l’enseignant prend soin d’enseigner les correspondances graphèmes-phonèmes, afin de développer l’automatisation de la reconnaissance des mots et la compréhension.
Compte tenu des textes de loi définissant les programmes, et compte tenu des travaux scientifiques qui les inspirent, il n’y a donc pas lieu d’exiger des enseignants le recours à une méthode unique. Il n’y a notamment pas lieu de leur imposer l’usage d’une méthode exclusivement synthétique (parfois appelée « la méthode syllabique ») ». A l’initiative de F. Ramus et R. Brissiaud, vingt deux chercheurs (dont M. Fayol, R. Goigoux, J.-E. Gombert, L. Sprenger-Charolles etc.) condamnent les déclarations du ministre de l’éducation nationale en faveur de la méthode syllabique. Ils démentent particulièrement ses affirmations selon lesquelles il ne ferait qu’appliquer les résultats des travaux des scientifiques.
Certains s’étaient exprimés sur ce sujet ces derniers jours sur le site des Cahiers pédagogiques en prenant des distances avec les propos ministériels. Depuis il y a eu l’appel à la dénonciation de Sos Education et la mise en route de la procédure contre P. Frackowiak. Ce nouveau texte clarifie leur position.
Cette déclaration est-elle susceptible d’arrêter les provocations, les menaces et les sanctions ? Est-il de nature à rassurer les parents et à ramener la confiance dans les écoles ? On peut en douter. En février 2006, dans un article publié par le Café, dix-huit chercheurs avaient déjà condamné la méthode syllabique.
http://www.lscp.net/persons/ramus/lecture/lecture2.html
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2640
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_ramus.aspx
Evaluation nationale de CE1 : exercices mal ciblés ou trucage délibéré ?
Les résultats sont-ils en baisse ou les exigences en hausse ? Pour la première année, les évaluations des élèves de CE1 sont généralisées dans toutes les écoles de France. Et les premiers résultats inquiétants.
De nombreux témoignages recueillis depuis quelques semaines nous permettent d’ores et déjà de pointer un problème majeur : les épreuves retenues (et les instructions en matière de codage de résultats) mettent en difficulté une proportion d’élèves sans commune mesure avec les résultats des années précédentes. De nombreuses classes affichent un pourcentage d’élèves identifiés » en grande difficulté » supérieur à 60%.
Résultat, ici, un inspecteur prend conscience du malaise et suspend toute passation. Là c’est un inspecteur d’académie qui fait état publiquement de ses doutes sur la validité du protocole retenu. Partout, les circonscriptions sont débordées par la demande de livrets « B » supplémentaires.
Pour certains items, la distorsion est flagrante avec le protocole de l’an passé. Ainsi la double page de l’exercice 1, demandant aux élèves de choisir les mots correctement orthographiés en dessous de leur image, également présente dans les évaluations de CE2, est massivement échouée, en particulier du fait du codage prescrit : zéro défaut imposé.
Evidemment, quelques âmes mal pensantes suspectent la manipulation, en ces temps de polémique médiatique sur la lecture : le meilleur moyen de pouvoir dire n’importe quoi sur la question, c’est de casser l’échelle du thermomètre pour ignorer l’état de la fièvre. Annoncer publiquement une inflation de difficultés scolaires en début de CE1, ne serait-ce pas le dernier argument d’un ministre acculé à la gesticulation médiatique pour assurer son propos sur » tout fout le camp » ?
« Pourtant », explique Michèle, suivant depuis plusieurs années ses élèves en cycle II en ZEP, « les résultats de la cohorte de cette année ne sont ni pires ni meilleurs que ceux de l’an passé. Mais je suis sûre que les exercices choisis et la manière de coder entraînent une performance aux tests bien plus négative ».
Pour ne pas céder à la paranoïa, il faut revenir sur la genèse de cette évaluation. Sa construction a été produite, de 2002 à 2004, par un groupe très hétérogène autour de la Desco (Direction de l’Enseignement Scolaire du ministère de l’éducation nationale) et de la Dep (Direction de l’Evaluation et de la Prospective). Constitué de chercheurs (linguistes, psychologues, didacticiens), de représentants de l’Inspection Générale, d’acteurs de terrain (IEN, CPC, enseignants), ce groupe s’est posé toutes les questions nécessaires pour « cadrer » cet exercice. Quelle part pour la numération ? Et les pseudo-mots ? La production d’écrit ? Les activités de compréhension ? Quel niveau de vocabulaire exiger pour les textes proposés à la lecture des élèves ? Quel niveau de langue ? Quel codage des items ? Combien de temps de passation ? Selon quelles modalités ? Quels items sont réellement basiques, prédicteurs des difficultés ?… Le codage des résultats a été lui aussi au centre de discussions passionnées : à quel niveau d’échec va-t-on demander à l’élève de passer la partie complémentaire de l’évaluation ? 3/ 15 ? 5/15 ? 8/15 ?
A partir du travail statistique réalisé dans cette première phase, les items retenus avaient été choisis pour arriver, en moyenne, à un taux de réussite de 85% de bonnes réponses à la première épreuve, afin de bien identifier ces 15% d’élèves dont on sait qu’ils posent problème à l’Ecole. Evidemment, ce 15% est inégalement réparti sur le territoire national : dans certaines ZEP, on peut arriver parfois à 50%.
Mais cette année, les résultats semblent montrer une aggravation conséquente des résultats : hors ZEP, les élèves en difficulté sont souvent 30 à 40%, pour monter à 80% dans les zones ZEP. Dans ces conditions, il y a fort à parier que l’évaluation nationale ne puisse aider en rien les enseignants pour adapter leur enseignement.
Difficile de savoir qui a décidé de la forme finale que prendrait le protocole. La Desco est aux abonnés absents et le groupe de pilotage qui avait monté le protocole initial a été dispersé. Pour le moment, au ministère, on affirme attendre les remontées du terrain pour la mi-novembre. On veut croire que les enseignants ont peur de la nouveauté. Comme si ce genre d’évaluation était inédit.
Si le ministère veut montrer que ce dérapage est autre chose qu’une manipulation supplémentaire pour truquer les chiffres, il va falloir qu’il fasse rapidement quelque chose. S’il ne dit rien d’audible, il sera une fois de plus contreproductif, faisant douter encore plus les enseignants de l’utilité de centrer leur activité sur les évaluations diagnostics, qui sont pourtant un outil efficace pour accompagner les maîtres dans la compréhension des difficultés des élèves. (Avec Patrick Picard)
L’évaluation en CE1 sur le site de la Desco
http://eduscol.education.fr/D0069/aide-evaluation-ce1.htm
Quelles difficultés ont les enseignants avec les évaluations institutionnelles ? (pdf)
http://zep89.ouvaton.org/pp/DiffEvalEnseign.pdf
Le même document, avec les annexes (pdf 3 Mo)
http://zep89.ouvaton.org/pp/PICARD_CE1_EVAL_COMPLET.pdf
Les inspecteurs en grève du zèle pour soutenir P. Frackowiak
« Les inspecteurs suspendront toute action de formation ou d’information dans le domaine de la lecture-écriture. Enfin, ce message de soutien à notre collègue sera lu en préambule de toute réunion institutionnelle (CAPD, CTP, CAPA, conseil d’inspecteurs), puis les inspecteurs préciseront qu’à l’issue de ce message ils n’ont rien d’autre à dire tant que l’honneur de notre collègue n’aura pas été totalement lavé, et en conséquence ils seront présents mais se tairont ! » Il est rarissime que les cadres du système éducatif en viennent à des actions de ce genre. L’exaspération est à son comble au Sien-Unsa, le principal syndicat d’inspecteurs de l’éducation nationale, après les menaces de sanction contre P. Frackowiak.
Le ministère reproche à cet inspecteur des propos critiques envers la politique ministérielle d’apprentissage de la lecture dans une revue régionale. Celui-ci maintient ses propos et rappelle qu’il les a tenus également en tant que représentant syndical. Il bénéficie du soutien des mouvements pédagogiques et des organisations syndicales, dont un syndicat d’IPR. « Si les inspecteurs sont par nature loyaux et prêts à défendre les réformes nécessaires pour que tous les élèves réussissent mieux à l’école, ils ne peuvent accepter les diktats et le mépris qui prévalent actuellement au plus haut niveau de l’Etat » ajoute le Sien-Unsa.
Une nouvelle affaire attise les braises : les publicités publiées par Sos Education dans plusieurs quotidiens. Le Sien et l’association nationale des conseillers pédagogiques (Ancp) « dénoncent le caractère dogmatique et mensonger de la publicité insérée dans plusieurs quotidiens régionaux par l’association SOS Education. Sous couvert d’une pseudo-légitimité résultant d’une lecture orientée des consignes ministérielles, les responsables de cette association incitent les usagers de l’école à une forme particulièrement répugnante de délation. Cette démarche choquante fait fi du dialogue entre enseignants et parents que les programmes officiels présentent comme une priorité. Elle n’est pas sans rappeler des heures sombres de notre histoire, impression confirmée par la malhonnêteté des arguments avancés ».
http://www.unsa-education.org/sien/
Lecture : Robien recule
« Suite à un courrier de Pierre Frackowiak, le ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a pris acte de ses regrets et a pris bonne note de l’affirmation de sa loyauté à l’égard des textes officiels ». Le communiqué du 31 octobre de G. de Robien ne promet pas l’enterrement de la procédure disciplinaire lancée contre Pierre Frackowiak, cet inspecteur de l’éducation nationale poursuivi pour avoir critiqué la méthode préconisée par le ministre. Mais pour l’intéressé, il « va dans le sens de l’apaisement… Je (l)’interprète comme un pas vers une issue positive de la procédure disciplinaire ».
Le même jour, selon l’AFP, Roland Goigoux a appris qu’il pourrait participer à deux séminaires officiels de formation sur la lecture.
Récemment 22 chercheurs avaient publié un communiqué contredisant les déclarations ministérielles. Depuis plusieurs semaines, les interdits lancés contre R. Goigoux et P. Frackowiak avaient mobilisé les syndicats. Le Sien (Unsa), principal syndicat des inspecteurs, avait lancé un mouvement d’action inédit dans les rectorats.
http://www.education.gouv.fr/cid4127/le-ministre-prend-acte-de-l-affirmation-de-loyaute-d-un-i.e.n.html
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index201006.aspx
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index191006.aspx
Convention avec l’Usep
Le ministère publie la convention ne liant à l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep). Elle prévoit l’organisation de rencontres sportives et le développement de l’apprentissage à la vie civique et associative.
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/37/MENE0602407X.htm