Patrick Mayen, professeur à l’université de Bourgogne en didactique professionnel, responsable de recherches à AGROSup Dijon : Apprendre en situation de travail : à quelles conditions ?
Savoir réparer les pannes complexes, une affaire de spécialistes ?
Les conditions actuelles du travail désapprennent le travail (cf Lantheaume). Les conditions du travail peuvent empêcher le développement des compétences au travail.
Il donne l’exemple du réceptionnaire d’atelier de garage automobile, amené à communiquer avec les clients qui ne connaissent rien à la mécanique. Il fait des liens entre les mots de l’atelier et les mots du client, dqns un forttement/appropriation entre les champs conceptuels. Les savoirs des professionnels se transforment en savoirs à communiquer. Ce qui permet d’aborder la question du savoir pour les enseignants : pour faire du développement, il faut savoir circuler entre les espaces de savoir. Les savoirs à enseigner sont les objets de l’action.
Créer des situations potentielles de développement : il faut identifier ce qui a un faible potentiel de développement dans les situations de travail pour construire des situations de formation potentiellement fortes. Les contextes de travail changent souvent lentement, imperceptiblement et les transformations dans le travail sont « silencieuses », parfois peu identifiées ni verbalisées.
Comment peut-on raisonner l’usage des situations de travail dans une perspective de formation, d’apprentissage professionnel, voire de développement ?
On a besoin de 3 appuis pour penser :
– théorie analytique des composants des situations (de quoi sont composées les situations de travail – buts, système techniques, prescrit…)
– théorie de l’action : la pensée est une chose rare et elle ne vient pas toute seule…
Elle doit donc être étayée et soutenue. Dans la vie, le réel résistant guide la situation (si on veut scier une planche de bois et que le matériau résiste, il va falloir transformer son action, ajuster un autre geste). Cela fait référence aux « conceptions en actes » (Gérard Vergnaud) que développent les jeunes enfants avant de pouvoir mettre des mots et donc des pensées sur ce qu’ils font.
– théorie de l’apprentissage ( (entrainement, variation, essai-erreur)
On n’agit pas DANS la situation, mais AVEC et PAR la situation. C’est l’environnement dans lequel on entre en connexion, dans des relations avec d’autres situations (ou pas) qui vont faire émerger (ou non) des catégories de situations qui vont permettre le développement (Bakhtine)
Les rencontres avec d’autres vont susciter du développement : parler du travail m’amène à sortir du moment de l’action pour l’exprimer, la réélaborer, la justifier pour les autres. Ce processus aide à la prise de conscience, à l’analyse, pour une autre situation.
Les situations interactionnelles, par le changement de position qu’elles procurent, sont des moteurs du développement. Selon qu’on peut, dans son travail, changer de position, les représentations sont affectées, le développement ne sera pas le même. Permet-on à ceux qui travaillent de changer de point de vue sur leur travail ?
C’est sans doute, par exemple, un des seuls avantages des dispositifs d’aide personnalisée que de permettre aux enseignants de découvrir des pans entiers de l’activité des élèves, et notamment de modifier les attributs dont ils les affublent (attentifs/distraits ; engagés/résistants…). Mais les élèves, eux aussi, renouvellent leur perception de l’enseignant dans ces nouvelles situations…
Encore faut-il que les « encouragements à agir » de l’environnement permettent aux sujets de se mobiliser. Il y a des environnements de travail où des choses sont possibles, « suffisamment bons » comme chez Winnicott, où les sujets vont s’engager, parfois sur des petits riens, parfois dans des grandes choses…
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