Par Rémi Boyer
RASED : l’expression a largement fait le tour des établissements scolaires et un peu plus si l’on en juge par les 175 000 signataires de la pétition initiée par les associations de maîtres spécialisés. Pourtant leurs activités méritent d’être mieux connues. Françoise Noireau, qui enseigne en Rased, nous aide à mieux connaître ces enseignants particuliers.
Qu’est-ce qu’un RASED ?
Un RASED est un réseau, une équipe d’enseignants spécialisés constituée de 3 spécialités : un psychologue scolaire et 2 enseignants spécialisés : Le rééducateur (ou maître G) et le maître E responsable du Regroupement d’Adaptation. Le rééducateur travaille avec des enfants ayant des difficultés de comportement à l’école. Le maître E avec ceux qui ont du mal à entrer dans les apprentissages (difficultés scolaires) mais qui ont une posture d’élève.
Comment devient-on maître E ou G ?
Personnellement, j’ai enseigné dans différentes écoles rurales à cours multiples (soit plusieurs niveaux de classes dans la même classe) de 1986 à 1997 et dans des classes spécialisées (maison d’enfant, SES de collège) ou en intégrant un handicapé dans ma classe maternelle (autiste). J’ai toujours eu envie d’apprendre et de progresser. Institutrice depuis une quinzaine d’années, je demandais à partir en stage de spécialisation, en vain. J’ai donc décidé de me former en candidate libre et en 1999 j’ai entrepris d’étudier par moi-même afin de me préparer aux fonctions d’enseignante spécialisée, et je me suis inscrite au Certificat d’Aptitude aux Actions Pédagogiques Spécialisées d’Adaptation et d’Intégration Scolaires (C.A.P.S.A.A.I.S) option « G ». Alors qu’actuellement la formation est le CAPASH, elle ne dure que 450 heures en alternance en une année, à l’époque, elle était du double.
Comment sont aidés les élèves en difficulté ?
Pour les élèves en difficulté, il existe 3 aides principales :
– Dans sa classe l’enseignant met en place des actions dans le cadre de la pédagogie différenciée : des groupes de soutien, de remédiation, de niveau, il peut aussi décloisonner, permettre à un enfant d’assister à certains enseignements dans une autre classe. Il rédige aussi un PPRE, un projet personnalisé de réussite éducative, mais cela ne suffit pas pour certains enfants qui interrogent vraiment l’enseignant par leur comportement déroutant, par exemple. Le directeur réunit également des Equipes Educatives.
– Il existe aussi depuis septembre les Aides Personnalisées (2 heures hebdomadaires en plus du temps de classe) elles conviennent aux enfants qui ont besoin de soutien en petit groupe.
– Les aides spécialisées sont différentes, elles sont conduites après une analyse de la situation globale de l’enfant-élève, parfois après une observation en classe ou en petit groupe, et avec l’aide des parents : « accord et concours », disent les textes (circ. 2002-113). En général les enfants sont sortis de la classe, sur le temps scolaire, 1, 2 ou 3 fois pas semaine pendant 45 minutes, pendant quelques semaines ou mois.
Si les enseignants des RASED sont supprimés, qui va aider les enfants à problématique complexe à entrer dans leur métier d’élève ? Ce n’est pas le soutien qui remplacera les aides spécialisées conduites par des enseignants formés, réfléchissant en synthèse en équipe, avec le psychologue scolaire, le rééducateur, et le maître E. Leur travail d’équipe permet de croiser les regards sur les élèves dont le comportement a été signalé par les enseignants. Sans nous, qui analysera les demandes d’aides des professeurs ? Qui travaillera avec tel ou tel élève, via une aide psychopédagogique (du ressort du maître E), une aide rééducative (du ressort du maître G), une aide psychologique (du ressort de la psychologue scolaire) qui réalisera un bilan ?
Peu à peu, les postes RASED sont fermés ou transformés, sans renouveler les départs en retraite, nous sommes de moins en moins nombreux.
Pourtant dans presque tous les départements, existe une association de rééducateurs de l’Education Nationale (AREN). Voyez le site de la FNAREN :
Concrètement vous faîtes quoi avec les élèves ?
« Etre enseignant spécialisé exerçant en RASED, c’est aider l’enfant à répondre aux exigences du système scolaire, l’aider surtout à entrer dans son costume d’élève, la circulaire n°2002-113 parle de « restaurer l’estime de soi et le désir d’apprendre « et créer « un ajustement des conduites corporelles, émotionnelles et intellectuelles ». Concrètement, je cherche à faire venir sur le devant de la scène le « sujet » qui seul peut permettre à l’enfant d’adhérer à un projet personnel d’apprentissage.
Nous avons aussi un volet Prévention, et nous agissons pour prévenir la violence à l’école, par exemple par des groupes de parole, des Ateliers-Philo ou des jeux de rôle.
Quelles seront les conséquences de la disparition des RASED si le Ministre de l’Education nationale ne change pas d’avis sur leur suppression ?
Nos élèves sont en échec, ce n’est pas du soutien scolaire qui les aidera. Il leur faut une aide plus globale, un détour pour arriver à être élèves, à se débloquer et à travailler à l’école. Il ne leur faut pas du soutien, du rattrapage scolaire, de la répétition. La disparition des RASED provoquera l’échec définitif de bien des enfants à l’école et une croissance de la violence. Qui débloquera tel enfant bavard à la maison mais mutique à l’école ? Tel autre qui se fait vomir tous les matins ? Faut-il pour autant les envoyer tous chez les psys quand il s’agit de symptômes scolaires d’une souffrance scolaire ?
Quelle est l’intensité de votre travail hebdomadaire ?
«Je passe environ 35 à 45 heures dans les écoles pour les multiples activités liées à mes missions, étant donné que les réunions et entretiens avec les familles et les enseignants s’ajoutent aux 24 heures de prises en charge hebdomadaires. Sans compter le temps de rédaction des projets et comptes-rendus, qui se font chez soi.»
Si vous pouviez vous adresser au Ministre et à ses conseillers, aux parlementaires qui plaident pour la suppression des RASED, que leur diriez-vous ?
Venez passer avec moi une demi-journée dans une de mes écoles, pour suivre mon travail, pour comprendre le métier que j’exerce. Ce n’est pas du soutien scolaire qui peut aider ces enfants. Nous aidons des enfants qui n’arrivent pas à être élèves et qui en souffrent.
Pour demander le maintien des Rased, signez la pétition
http://www.sauvonslesrased.org/index.php?p=4
(déjà près de 200 000 signataires)