A quoi sert la demi-journée de consultation sur le socle commun ? Lundi 15 octobre, les enseignants des écoles élémentaires et des collèges parisiens ont travaillé ensemble, par réseau, sur les 19 pages du nouveau socle commun. Mais quelques heures volées au quotidien de la classe suffisent-elles à reconstruire l’Ecole ? Au collège Louise Michel de Paris, tête d’un réseau RRS (réseau de réussite scolaire), enseignants du collège et des 5 écoles élémentaires du réseau ont fait plus que parler du socle. L’instant d’une matinée, en sacrifiant au rite de la consultation, ils ont ressuscité le corps enseignant. Et constaté que l’espoir d’une école de la réussite pour tous n’a pas totalement déserté l’Ecole…
« On n’est pas là pour réaliser un pensum mais pour construire quelque chose de façon conviviale« , annonce d’emblée Thierry Rousse, l’IEN (inspecteur) du secteur. Marie-Christine Mengin, principale du collège L Michel de Paris, accueille la centaine d’enseignants du réseau de réussite scolaire (RRS) constitué avec 5 écoles élémentaires du 10ème arrondissement parisien. Les professeurs de la Ville de Paris, qui enseignent les arts et l’EPS dans les écoles, ont été invités. Pour pouvoir être ensemble lors de cette matinée sans école, on a improvisé une garderie commune. Les enseignants du collège et des écoles forment-ils une grande famille ? C’est aussi une des questions de la matinée…
« Tout le monde a lu le socle commun ? », demande T. Rousse. A l’évidence, non. Les professeurs des écoles ont le texte depuis 48 heures et certains l’ont lu. La plupart des professeurs du collège le découvrent. MC Mengin et T Rousse présentent très rapidement les 5 domaines du nouveau socle avant d’inviter les enseignants à se répartir entre 4 ateliers.
La question « Quelle place faite aux disciplines dans le socle ? » devrait opposer deux cultures professionnelles, voire peut-être les deux degrés d’enseignement. Mais les 25 enseignants qui ont fait le choix de cette question sont là aussi pour être ensemble, ou un peu par hasard. Tous n’ont pas le texte du socle. Certains ont déjà réfléchi à la question. La plupart apprécient en silence les échanges. Le débat fait remonter les conceptions du métier. « Il n’y a pas de place pour les Langues anciennes », s’inquiète une « professeure de latin », avant que la salle la rassure : un des domaines concerne les langages, un autre la culture humaniste… « Le nouveau socle est plus transversal. Il est construit autour de l’idée de culture commune. Et c’est celle-ci qui va commander la rédaction des programmes disciplinaires », explique un professeur du collège. Une professeure des écoles trouve le nouveau socle « plus cohérent et plus transdisciplinaire ».
« Au départ les professeurs étaient divisés entre partisans de l’ancien socle, du nouveau et opposants à tout socle », nous explique, après la réunion, Jacqueline Maillols, directrice d’une des écoles primaires du RRS. « Mais il n’y a pas eu de confrontation entre professeurs des écoles et professeurs du collège », explique Laurent Touzet, professeur d’histoire-géographie au collège. « De nombreux professeurs des écoles ont besoin du cadre disciplinaire. Et les professeurs du collège ont l’habitude de travailler en interdisciplinarité ». Quelques crispations disciplinaires se font entendre. Mais la majorité ne semble pas avoir peur du caractère transdisciplinaire du socle. « On va peut-être échapper à la double évaluation, socle d’un coté , évaluation disciplinaire de l’autre », espère L Touzet. Mais déjà l’heure d’atelier est terminée.
Peut-on venir à bout d’un texte de 19 pages aussi ambitieux en une matinée ? « Non mais ça a un sens de se réunir en interdegrés », nous dit J Maillols. « C’est important d’échanger entre nous . Ca fait avancer les choses ». Elle a bon espoir que le nouveau socle aide la réussite des élèves. « La lutte contre les inégalités c’est au coeur de tous les enseignants. C’est dans l’esprit de chacun ». « C’est indispensable de se réunir car ça oblige à prendre connaissance du socle. Dans notre système l’institution est obligée de consulter les enseignants pour pouvoir mettre en oeuvre une réforme de cette importance. Si elle oublie de le faire, comme avec les rythmes scolaires, ça se retourne contre elle ». Tous deux ont peu d’espoir de peser sur la rédaction du socle. Mais ne jugent pas la réunion inutile. « Tout va dépendre de la mise en oeuvre du socle », estime L Touzet. « Il faut que les collègues se saisissent de la réécriture des programmes et des modalités d’évaluation. Face aux inégalités, le socle ne parle pas de différenciation pédagogique. Pour l’appliquer il faudra beaucoup de formation continue ».
« La difficulté ça va être les nouvelles modalités d’évaluation« , estime MC Mengin. « Comment va-t-on évaluer les élèves ? » Son collège lutte avec succès pour la réduction du redoublement. Elle attend de la mise en oeuvre du socle une évaluation plus bienveillante. « L’évaluation peut soutenir le plaisir d’apprendre. Elle peut faire avancer les élèves ». Voilà les deux chantiers ministériels de l’année réunis.
François Jarraud