La publication du rapport de l’Inspection générale sur le programme CLAIR interroge son avenir. Selon le rapport, qui date de juin 2011, un an après son lancement, le dispositif se cherchait encore une identité. Aujourd’hui la relance de l’éducation prioritaire devrait redevenir une priorité. Cela nécessite sans doute beaucoup plus que le programme CLAIR.
De juillet 2010 à juin 2011, les auteurs, Michel Hagnerelle et Jean-Paul Pittoors, soulignent les hésitations d’une politique. En juillet 2010, la circulaire qui créé CLAIR « marque un renversement des facteurs » qui ne sera pas le dernier. Lancé en avril 2010 à l’occasion des Etats généraux de la sécurité à l’Ecole, CLAIR est présenté comme un programme sécuritaire. Dans l’optique sarkozienne, il s’agit de rompre avec une politique qui soutient des territoires. L’assouplissement de la carte scolaire, la création des internats d’excellence sont là pour exfiltrer les meilleurs élèves des établissements prioritaires. Et CLAIR est présenté comme un programme sécuritaire orienté vers les établissements les plus exposés à la violence. Une centaine de collèges et lycées sont désignés par les rectorats durant le printemps 2010 quand parait la circulaire. Si celle-ci reste présentée comme sécuritaire, le dispositif est de fait pédagogique.
Du sécuritaire au pédagogique
On entre alors dans la première année où le programme est réorienté. En janvier 2011 il est décidé d’inclure dans CLAIR les collèges Ambition réussite en même temps que des réseaux d’écoles primaires. ECLAIR se substitue alors à l’enseignement prioritaire antérieur. On passe à 305 établissements. « Le recentrage sur l’éducation prioritaire donnera au programme la cohérence qui lui faisait défaut, tout en recadrant la politique de l’éducation prioritaire sur son coeur de cible, les réseaux ambition réussite, en les dotant de nouveaux outils ( préfets des études, postes à profil etc.) et en y relançant la dynamique pédagogique et éducative », notent les auteurs. « Cette évolution pose le problème de la coexistence d’une politique initiale d’établissement avec la logique de réseau qui prévaut désormais. Dès lors, la situation des 28 lycées et lycées professionnels toujours inscrits dans le programme méritera réflexion, à court ou moyen terme ». Enfin la dimension innovation pédagogique est bien davantage mise en avant par l’institution, le ministère tout à coup investissant cette dimension.
Ces évolutions accélérées n’ont pas été suivies par le terrain de façon optimale. Les auteurs parlent de réticences dans les établissements. « Un nombre significatif d’établissements n’ont encore pas mis en oeuvre les mesures emblématiques du programme. D’autres y parviennent progressivement au prix d’une grande discrétion dans l’affichage de ces mesures ». C’est que ls acteurs sur place admettent difficilement certains aspects du dispositif comme les préfets des études ou les postes à profil.
Un dispositif qui s’implante difficilement
Au final seulement 108 préfets des études sont en poste à l’été 2011 pour 305 établissements. Leur conditions de travail varient fortement d’une académie à l’autre souligne le rapport. Les seuls préfets bien acceptés ont été des enseignants déjà présents et très impliqués rebaptisés « préfet des études ». La plupart n’ont aucune décharge horaire alors que sa présence « conditionne fortement la réalité des missions ». Le bilan de leur action reste à faire. « Globalement, la mise en place des préfets des études n’a pas changé l’esprit de l’équipe porteuse de projets ; mais les moyens supplémentaires et la légitimité nouvelle ont permis d’avoir plus de temps pour avoir une vue d’ensemble et approfondir les projets. On observe une meilleure motivation des équipes et un regain de confiance des élèves, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté ; mais il semble trop tôt pour noter des effets sur les notes et les résultats », notent les auteurs. Les auteurs semblent penser que l’avenir des établissements ECLAIR est du coté de l’innovation. Selon eux, il faut « redéployer le pilotage opérationnel académique pour sortir les ECLAIR d’une position marginale et en faire des « laboratoires » d’innovation éducative et pédagogique ».
A la fin de la seconde année du programme ECLAIR, on sait qu’une grande partie des postes à profil ne trouvent pas preneurs malgré les artifices académiques. On sait que les primes pilotées par les chefs d’établissement posent problème. On sait que la ségrégation s’est renforcée dans de nombreux collèges prioritaires. On sait aussi que, s’il y a une forte attente pour une véritable relance de l’éducation prioritaire, une partie du corps enseignant se décourage face à ces publics difficiles. Le nouveau ministre a promis d’y affecter en priorité les nouveaux moyens. François Hollande a aussi annoncé la création de nouveaux professionnels de la sécurité. » Nous aurons dans les établissements un personnel formé, en lien avec les équipes pédagogiques qui pourra prévenir les phénomènes de violence » a-t-il promis à Pierrefitte. Une nouvelle politique pourrait remplacer ECLAIR tout en s’appuyant sur les réseaux humains existants et la concentration des moyens réalisée ces dernières années.
François Jarraud