Dans les coulisses d’un manuel de français : Passeurs de textes
Les éditions Le Robert et l’association Weblettres se sont associées pour réaliser une nouvelle collection de manuels de français « Passeurs de textes », qui publie actuellement deux ouvrages, l’un pour l’année du brevet, l’autre pour l’année du bac. Corinne Abensour en a dirigé la rédaction, Caroline d’Atabekian s’est plus particulièrement attachée aux activités numériques : dans une interview croisée, elles expliquent leurs choix quant aux contenus et à la pédagogie mise en œuvre.
En quoi ces deux manuels sont-ils novateurs ?
Comme le montrent les « génériques », ce sont des collectifs d’auteurs qui ont réalisé ces livres. Des professeurs de terrain, nombreux et habitués à travailler de façon très collaborative. Pendant toute la durée de la gestation puis de la réalisation du projet nous avons pris la mesure de la richesse qu’apporte une aussi large équipe. Nous avons voulu que le manuel soit à cette image. Qu’il fourmille de textes, d’idées, d’expériences nouvelles (sur le papier et en ligne) pour donner énormément de liberté et de plaisir aux professeurs.
Comment abordez-vous la question de l’histoire des arts, qui fait actuellement débat en 3e ?
Le manuel de 3e fait une large place à l’histoire des arts mais nous n’avons pas voulu qu’elle envahisse l’ouvrage et que les textes littéraires soient systématiquement mis en lien avec des œuvres d’art. Nous avons créé des pages écho ou des prolongements « histoire des arts » lorsque le parallèle pouvait éclairer la lecture des textes. Nous proposons aussi des dossiers spécifiques qui sont conçus à partir des problématiques des chapitres en mettant en correspondance différents arts. Lorsque nous étudions l’espace théâtral dépouillé des scénographes contemporains, nous montrons aux élèves des exemples d’expression minimaliste en peinture, en architecture ou en design. Dans le chapitre sur le poète face au monde moderne, nous avons puisé dans des œuvres influencées par le pop art (photographie, sculpture, peinture, cinéma).
Vous avez donné une place importante à la poésie et au théâtre en 3e. Pourquoi ce choix ?
Ce parti-pris est destiné à renforcer la cohésion 3e-2de voulue par les instructions officielles. Le nouveau programme de 3e est structuré autour des trois genres : théâtre, récit, poésie. En 2de, les élèves étudieront de nouveau ces trois genres et un quatrième objet d’étude : les genres et les formes de l’argumentation. Nous avons donc organisé le manuel en trois parties, chacune correspondant à un genre pour que les élèves en comprennent les frontières. Nous avons consacré un chapitre de plus au roman et à la nouvelle, mais nous avons malgré tout cherché un équilibre entre ces trois parties car nous pensons que la poésie et le théâtre peuvent intéresser les élèves et les émouvoir au même titre que le récit et ce d’autant plus en 3e, avec un programme qui invite à étudier la poésie et la chanson engagées ou le théâtre contemporain et qui permet de faire lire, écouter ou jouer des textes forts.
En 1ère, comment avez-vous travaillé pour répondre à la contrainte d’un programme qui va du Moyen Age à nos jours ?
En effet, en 2de, on aborde chaque genre sur une période d’un ou deux siècles alors qu’en 1ère le programme fait porter l’étude sur des durées très longues. Le risque est celui d’une perte de repères. Nous nous sommes donc attachés à préserver une cohérence chronologique au sein de ces longues périodes. Nos séquences (qui regroupent des groupements de textes et des parcours de lecture dans des œuvres intégrales) sont donc resserrées sur un ou deux siècles.
En 3e, qu’avez-vous voulu faire avec les pages consacrées au lien entre l’apprentissage de la langue et l’écriture ?
Les auteurs du manuel « papier » et les auteurs WebLettres qui ont réalisé les activités TICE ont voulu renouveler en profondeur les corpus enseignés comme le nouveau programme (qui fait une large place au contemporain) le permettait. Mais ils ont aussi voulu innover en proposant de nouvelles façons de lier la langue à l’écriture en mobilisant les textes lus.
Les pages de langue et expression constituent le point de convergence des acquis de chaque chapitre et le lien entre ces acquis et certaines notions apprises en étude de la langue. Ces éléments sont rassemblés pour pouvoir être utilisés par les élèves dans des travaux écrits brefs et longs. Chaque double page a donc une unité forte, par ses liens avec les textes du chapitre et par son caractère finaliste puisqu’il s’agit d’améliorer l¹expression.
Par exemple, dans le chapitre sur le théâtre classique on propose trois étapes : Penser dans une conscience déchirée (on y insiste sur les différents moyens d’exprimer l’opposition en grammaire, dans les figures de style et dans la conduite d’un raisonnement dialectique) ; comprendre la tragédie classique, (on y revient sur la tragédie comme « grand genre » au moyen d¹exercices d’étude de la langue consacrés aux niveaux de langue, et de travaux de lecture qui mettent en évidence la notion de grandeur dans la définition du héros tragique) ; exprimer l’excès et la démesure (exercices de langue sur les moyens d’expression du haut degré, étude des figures de style liées à l’excès comme l¹hyperbole et la gradation). Ces trois étapes préparent à la rédaction d’un texte argumentatif sur le héros, humain ordinaire ou personnage hors du commun.
Dans l’ouvrage de 2de l’an dernier, des écrivains d’aujourd’hui lisaient et commentaient des textes du manuel et dans « passeurs de textes 3e » vous avez accueilli un écrivain « en résidence » … qu’est-ce que cela veut dire ?
Cécile Portier avait vécu une expérience d’écrivain en résidence qui l’avait passionnée dans un lycée professionnel d’Aubervilliers. Pendant un an, elle avait conduit avec une classe un projet de roman collaboratif, chaque élève faisant vivre un personnage. Quand elle nous a raconté cette aventure, nous avons eu envie de la mettre en résidence dans notre manuel pour qu’elle y vive avec nous et avec les professeurs et les élèves une expérience tout aussi forte. Elle a choisi des textes du manuel pour lesquels elle a imaginé des consignes d’écriture originales. Elle a elle-même écrit les textes et nous les mettrons en ligne en septembre sur un blog où professeurs et élèves pourront dialoguer avec elle.
Le manuel 1re propose 25 activités TICE et le manuel 3e, 50 activités TICE : pouvez-vous donner pour chaque niveau quelques exemples caractéristiques en expliquant en quoi ces activités vous semblent formatrices pour les élèves ?
Si nous avons suivi la voie tracée l’an dernier par « Passeurs de textes 2de », nous avons aussi fait des choix spécifiques pour les activités TICE selon le niveau. Nous avons bien entendu davantage orienté le travail sur la préparation au brevet en troisième, et sur la préparation de l’EAF en première. Mais nous avons aussi tenu compte des contraintes propres à chaque niveau : en première, on est pressé par les programmes, et on n’a pas toujours à sa disposition une salle informatique. Les activités sont modulables : la plus grosse partie peut généralement se faire à la maison ou au CDI de manière autonome par les élèves, la partie en classe peut parfois se passer de salle informatique et se mener au vidéoprojecteur ou au TNI. L’important, de notre point de vue, a été d’abord de proposer des activités efficaces aussi bien du point de vue pédagogique que du point de vue du temps et du matériel. Mais il ne faut pas pour autant penser que ces activités sont des amusements à faire en plus si on a le temps : elles entrent de plain-pied dans le cours, elles facilitent les apprentissages : elles font gagner du temps.
Quelques exemples ? Pour le brevet, une activité consiste à apprendre aux élèves à organiser un « bureau virtuel » en ligne (activité n° 8 en 3e, en fait, une page sur laquelle ils gèrent leurs liens de manière thématique) pour collecter et organiser les liens vers les sites qui leur serviront à réviser le brevet. On trouvera également cinq brevets interactifs à faire en ligne pour se préparer à l’épreuve et s’évaluer. En première, une activité permet d’apprendre à questionner méthodiquement un sujet de dissertation à l’aide d’une carte heuristique pour en formuler la problématique. Ou encore, à exploiter à bon escient les exemples. En quoi ces activités sont-elles formatrices ? Créer une liste de lecture de chansons engagées sur Deezer, par exemple (activité ,n° 19 en 3e), c’est une manière de faire comprendre aux élèves d’aujourd’hui les enjeux de la poésie engagée – qu’on ne produit plus aujourd’hui – à partir de ce qu’ils connaissent et qui leur parle. Ou encore, pour comprendre l’intérêt des didascalies en première et, surtout, la spécificité d’une mise en scène, les élèves visionnent une scène et rédigent les didascalies dans un fichier au traitement de texte contenant déjà les dialogues.
Pourquoi le choix d’un site compagnon avec activités TICE plutôt qu’un manuel numérique à proprement parler ?
C’est le parti que nous avons déjà pris l’an dernier pour le manuel de seconde : le rapport de l’IGEN de 2010 sur le manuel numérique[1] a montré que le manuel numérique ne présente pas d’intérêt pédagogique en soi, cela dépend entièrement de la démarche pédagogique adoptée par l’enseignant. Nous pourrions ajouter que sa consultation ne suppose aucune compétence TICE et donc ne permet pas, bien qu’on l’utilise en salle informatique ou au TNI, de développer des compétences numériques chez les élèves. Nous avons donc pris le parti inverse : ce que nous proposons dans nos fiches TICE, ce sont moins des activités que des démarches pédagogiques, d’ailleurs généralement transposables dans d’autres situations. Et toujours avec les mêmes valeurs qui sont celles défendues par WebLettres : la mise en activité des élèves, le développement de l’autonomie et de compétences numériques avec toujours une priorité accordée aux compétences disciplinaires. Cependant, certains enseignants de collège nous ayant signalé qu’ils se servaient parfois d’une version vidéo-projetable simple de leur ouvrage, nous avons cédé de bon cœur et en proposons une pour le « Passeurs de textes 3e ».
Le bac 2012 et autres …
Bac 2012 – Français : la poésie à l’honneur
L’épreuve anticipée de français s’est déroulée le mercredi 20 juin : elle prend pour la première fois en compte les nouveaux programmes de première.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/21062012Article634758580256455811.aspx
Bac 2012 – Français : les sujets d’Amérique du Nord
« La musique souvent me prend comme une mer ! » Baudelaire, Rimbaud et Francis Ponge sont sortis à l’épreuve de français du bac L en Amérique du Nord. Les sujets sont maintenant en ligne.
http://www.rochambeau.org/enseignement/examens/bac/bac2012/sujets/sujets.html
Tréma traumatique à la dictée du Brevet
Le niveau de l’Education nationale en orthographe baisserait-il ?
Depuis 2008, les programmes de français au collège stipulent que « le professeur tient compte des rectifications de l’orthographe proposées par le rapport du Conseil supérieur de la langue française, approuvé par l’Académie française (Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990) ». Il se trouve que dans la dictée du Brevet des collèges 2012 figurait l’adjectif « aigu » au féminin singulier : auparavant, incongrument, ce mot s’écrivait « aiguë » ; désormais, plus simplement et logiquement, il doit, s’écrire « aigüe ». La nouvelle règle est ainsi établie : « le tréma est déplacé sur la lettre u qui correspond à un son dans les suites -güe- et -güi-. » Or, contrairement aux recommandations officielles, la dictée de la session 2012 l’orthographiait à l’ancienne et il était même demandé aux enseignants faisant passer l’épreuve de l’écrire au tableau dans sa graphie désuète et incorrecte !
L’anecdote est édifiante, tant elle interroge.
« Que devons-nous dire aux élèves à qui nous avons scrupuleusement enseigné la nouvelle orthographe pour accomplir la parole du B.O. ? » se demande une collègue de Weblettres.
Quelle est la valeur des instructions officielles quand les autorités elles-mêmes ne les respectent pas ?
L’école cessera-t-elle un jour, comme elle le fait ici en figeant à jamais l’orthographe, de considérer le français comme une langue morte?
A quoi sert le brevet des collèges : à évaluer de réelles compétences, en l’occurrence une certaine maitrise de la langue ? ou, selon une logique essentiellement spéculaire, à institutionnaliser et célébrer des traditions ?
Le site de la nouvelle orthographe :
http://www.orthographe-recommandee.info/
La règle du tréma sur le u :
http://www.orthographe-recommandee.info/regles9.htm
Le programme de français au collège :
http://media.education.gouv.fr/file/special_6/21/8/programme_francais_general_33218.pdf
Théâtre
Quelle place pour le théâtre à l’école ?
Faire entrer le théâtre à l’école, par la pratique du jeu théâtral, l’analyse des pièces, la fréquentation des salles de spectacle, c’est la mission que s’est fixé l’ANRAT (Association nationale de Recherche et d’Action théâtrale) depuis sa création en 1983. Présidée par Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, et par Claire Rannou, déléguée nationale, soutenue par le Ministère de l’Éducation nationale et le Ministère de la Culture, elle rassemble enseignants et professionnels du théâtre dans une même conviction de la valeur éducative et pédagogique du théâtre.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/13062012Article634751672472207040.aspx
Une exposition fait renaître le théâtre romantique
Ecrivains, dramaturges, compositeurs, acteurs, divas, danseuses sont réunis une nouvelle fois par le musée de la Vie romantique. L’exposition « Théâtres romantiques », au Musée de la vie romantique, regroupe une centaine d’œuvres sur l’âge d’or des théâtres à Paris. L’exposition, très théâtrale, installée dans un cadre enchanteur, est ouverte jusqu’au 15 juillet 2012.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/01062012Article634741259633898341.aspx
Théâtre : Grumberg à l’honneur au Cndp
Pour les vingt ans de la collection « Théâtre aujourd’hui », le Scéren (CNDP-CRDP) avait choisi de célébrer Jean-Claude Grumberg, l’un des auteurs de théâtre les plus joués dans le milieu du théâtre scolaire. Entourés de Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, de Constantin Costa-Gavras, de Muriel Mayette, administratrice de la Comédie Française et de Françoise Nyssen, des Éditions Actes Sud, Jean-Claude Merriaux, DG du CNDP et Jean-Claude Lallias recevaient Jean-Claude Grumberg au Théâtre du Vieux Colombier, le 4 juin, pour une soirée d’hommage émaillée de vidéos extraites du 14ème numéro de la revue, et de lectures de textes par des élèves et des acteurs. Soirée émouvante autour d’une personnalité touchante et drôle.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/06062012Article634745637234020735.aspx
[1] Le manuel scolaire à l’heure du numérique http://www.education.gouv.fr/cid54785/le-manuel-scolaire-a-l-heure-du-numerique.html