Par François Jarraud
Réunis pompeusement dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, les 7 et 8 avril, les Etats généraux de la sécurité à l’école (EGSE) ont accueilli des experts renommés et les cadres de l’Education nationale, ministre inclus. Le 7 avril tout le monde a écouté les experts parler éducation et prévention. Le lendemain le ministre a repris la main pour annoncer les mesures sécuritaires avancées par le président de la République avant les Etats généraux. Depuis N Sarkozy a confirmé vouloir des sanctions « automatiques » pour les élèves absentéistes. A quoi ont-ils servis ?
Déception. C’est le maître mot de la deuxième journée des Etats généraux de la sécurité à l’école, le 8 avril 2010. Ils débouchent sur des décisions en contradiction avec les recommandations du comité scientifique mais en accord avec les propos élyséens.
Rappelons que la première journée, le 7 avril, avait été consacrée à des exposés d’experts qui mettaient en avant la nécessité de nouer le dialogue avec les parents, d’ouvrir les établissements sur leur environnement, de stabiliser les équipes, de donner du sens aux enseignements, de la pédagogie et de la justice aux sanctions. Le ministre avait souligné sa volonté de sortir de l’idéologique et des oppositions inutiles, de dialoguer avec les experts et les acteurs, de chercher le consensus. Le 8 avril, les ateliers ont restitué leurs travaux tenus la veille. Ils ont largement mis en avant la nécessité d’améliorer la formation des enseignants, de créer des partenariats avec l’environnement des établissements, d’imaginer des pratiques pédagogiques innovantes.
Une conclusion qui nie les travaux des experts. Luc Chatel a présneté en clôture des Etats ses décisions. Certaines s’inspirent des travaux de la commission. C’est le cas par exemple pour la mise en place d’une enquête nationale de victimation et des améliorations apportées à Sivis ou de l’idée d’organiser les conseils de discipline en dehors des établissements. Mais les autres décisions plagient les propos du président de la république.
Singer Sarkozy. Le 24 mars,Nicolas Sarkozy avait déclaré : « L’absentéisme scolaire est un fléau. La responsabilité des parents doit être engagée, les sanctions en matière d’allocations familiales doivent être effectives, les jeunes qui ne peuvent pas suivre une scolarité normale seront placés dans des établissements adaptés où ils ne perturberont plus la vie des autres et où ils feront l’objet d’un accompagnement spécifique ». Luc CHatel le 8 avril : « certains élèves ne se plient pas aux règles. Je ne me déroberai pas. Ces élèves particulièrement perturbateurs pourront être sortis de la classe. Il ne s’agit pas de les exclure. Il s’agit de les placer dans des structures adaptées, aussi longtemps que nécessaire… Qui pourrait nier que certains parents n’assument pas leurs responsabilités au point de mettre leur propre enfant en danger ? Eh bien, dans les cas les plus flagrants, nous devons aller jusqu’à rendre effectives les sanctions en matière d’allocations familiales ».
Sur le mode conservateur et autoritaire, Luc Chatel va d’ailleurs encore plus loin. Ainsi quand il fait inscrire « le savoir-vivre » dans ses objectifs avec le vouvoiement… Quand il promet portiques de sécurité et caméras de surveillance, alors que les Etats généraux ont montré leur peu d’efficacité voire leurs effets pervers. Luc CHatel promet bien d ‘améliorer la formation des enseignants mais c’est sous la forme d’une formation à « la gestion des conflits », ce qui est très réducteur.
Des Etats généraux pour revoir l’éducation prioritaire ? Le ministre « profite de l’occasion historique » pour revoir les réseaux Ambition réussite et proposer à leur place les CLAIR (collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Une appellation pompeuse qui permet de s’affranchir des normes. Les chefs d’établissement pourront choisir leurs enseignants.. mais devront avoir un « préfet des études » pour chaque niveau. La montagne d’expertise a accouché des vieilles souris.
Lire le reportage du Café
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/EtatsGenerauxSecuriteEcole.aspx
Le dossier du ministère
http://www.education.gouv.fr/cid51052/orientations-retenues-[…]
Sarkozy le 24 mars
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/25032010Accueil.aspx
Les réactions syndicales aux Etats généraux
Les syndicats manifestent leur déception devant les mesures annoncées par Luc Chatel le 8 avril.
« Les 5 « orientations » que Luc Chatel a annoncées en clôture de ces États généraux sont en décalage complet avec les attentes exprimées lors de ces journées », estime la FSU. « Et pourtant, la richesse des présentations et des pistes proposées par Eric DEBARBIEUX au nom du conseil scientifique pouvait laisser espérer que ces États généraux débouchent sur des mesures ambitieuses et partagées pour faire reculer la violence en milieu scolaire en agissant sur l’ensemble des facteurs. Loin de s’appuyer sur les enseignements de la recherche et des expériences positives menées à l’étranger, le ministre persiste à prôner des mesures d’inspiration sécuritaire au détriment de dispositions éducatives et sociales ».
Le Se-Unsa regrette « que dans sa conclusion, Luc Chatel n’ait pu sortir des figures imposées du sarkozysme : menaces sur les allocations familiales, vouvoiement des élèves, vidéo-protection … S’il semble entendre le besoin de formation des enseignants exprimé unanimement lors de ces Etats Généraux, le ministre reste prisonnier de la catastrophique « mastérisation ». De la même manière, le contexte budgétaire rend peu crédible certaines bonnes intentions affichées… Cependant, en sortant des caricatures faciles mais aussi en évacuant les sujets qui fâchent (présence adulte renforcée dans les établissements, moyens pour le travail en équipe…), le ministre semble vouloir prendre le temps de poursuivre ce travail. Il s’est engagé à le faire dans la concertation ».
« De fait, alors que les débats avaient essentiellement développé les démarches de prévention et de dialogue, et rejeté les approches exclusives, le ministre a ciblé son propos sur la sanction et les mesures répressives », estime le Sgen Cfdt. Ainsi, les mesures coercitives visant les élèves et leur familles ont été reprises : placer les élèves perturbateurs dans des établissements spécifiques, supprimer les allocations familiales aux parents…et d’autres vielles lunes se référant aux année 50, supposées redonner l’autorité aux maîtres ont refait surface comme « le rituel d’entrée dans la classe » . Mais rien sur la démocratie à l’école, la démarche participative, le renforcement des liens élèves/ professeurs, parents/ professeurs : les conseils d’élèves , les conseils de vie collégienne n’ont pas été cités; l’accompagnement personnalisé en collège n’a pas été évoqué ».
Pour Jean-Paul Huchon, Président de la Région Ile-de-France, et Henriette Zoughebi, Vice-présidente chargée des lycées, « les annonces faites par le ministre de l’Education nationale en conclusion des Etats généraux de la sécurité à l’école « ne sont à la hauteur ni des attentes de la communauté éducative, ni des enjeux posés durant ces deux journées de débats »…. Nous l’avons dit et répété ces derniers mois. Pour lutter contre la violence à l’école, il faut davantage de surveillants à temps plein, il faut des enseignants bien formés et expérimentés, il faut une équipe éducative soudée autour d’un projet pédagogique. Il ne suffit pas de rehausser les murs et d’installer des caméras de vidéo-surveillance. La Région Ile-de-France l’a bien sûr fait en construisant ou rénovant 260 lycées sur 471 et en dotant plus de 400 établissements des équipements de sécurité (portails, clôtures, vidéoprotection) réclamés par les communautés éducatives. Mais les moyens humains sont le meilleur rempart contre la violence ».
Autre réaction forte, celle des élus franciliens. Colombe Brossel, adjointe au maire de Paris, Monique Delessard, vice-présidente du conseil général de Seine-et-Marne et ses homologues du Val-de-Marne, Alain Desmaret, de Seine Saint-Denis, Mathieu Hanotin, de l’Essonne, Marjolaine Rauze, et du Val d’Oise, Gérard Sebaoun, avec Henriette Zoughebi, vice présidente en charge des lycées du conseil régional d’iLe-de-France, dénoncent dans un communiqué commun, le « grand écart » de Luc Chatel. Il « déplorent » les annonces du ministre de l’éducation nationale à l’issue des EGSE, une « approche sécuritaire » du traitement de la montée des violences. « Des propositions en total décalage », affirment-ils. « Pas d’augmentation du taux d’encadrement humain dans les établissements et maintien des suppressions de postes, confirmation de la réforme de la masterisation qui sacrifie la formation des enseignants ». Ils dénoncent aussi leur mise à l’écart lors des EGSE.
Pour la FCPE, Jean-Jacques Hazan, président de la première association de parents d’élèves, nous fait part d’une déception mesurée. Déception sur l’avenir de la formation des enseignants. Mais sentiment d’un recul gouvernemental sur la question des rythmes scolaires. Pour lui, » c’est la réforme de la masterisation qui pose problème… Comment obliger à cette formation à la conduite de classe dans le cadre actuel : la circulaire de décembre ne la prévoit pas, le concours non plus ». Sur la question des rythmes scolaires : « oui nous avons un recul gouvernemental, ne nous y trompons pas. A ceux qui ont critiqué la violence et le contenu de la mesure unilatérale de X Darcos, nous disons : il y a maintenant un moyen de reconquérir et redonner la place a ce temps scolaire, d’en finir avec cette mesure contre l’école et les élèves qui a été mise en place en 2008 contre toutes les volontés exprimées ».
Le Snpden, premier syndicat de chefs d’établissement, regrette « le retour à une tonalité sécuritaire qui n’était celle ni des Etats gnéréaux, ni du discours prononcé par Luc CHatel en ouverture ». Mais le syndicat souhaite participer aux discussions qui vont suivre les EGSE.
Eric Debarbieux souligne, quant à lui des « avancées ». « L’idée que la lutte contre les violences à l’école, c’est pas simplement la lutte contre les bandes, c’est pas simplement la lutte contre les intrusions extérieures mais aussi une lutte contre les violences au quotidien, les microviolences, vous l’avez souvent entendu, ça ? C’est important » souligne E. Debarbieux à l’AFP.
Lire l’entretien avec JJ Hazan
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/04/120[…]
Communiqué Debarbieux
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_[…]
Communiqué FSU
http://www.fsu.fr/spip.php?article2194
Communiqué Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article2128
M Hanotin : Etats généraux de la sécurité à l’Ecole : un affichage de plus ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/04/0[…]
Education & Devenir
http://www.educationetdevenir.fr/
Communiqué Fcpe
http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/a/actualite-fcpe-2359.php
Debarbieux : Il faut former les personnels
Spécialiste internationalement reconnu de la violence scolaire, Eric Debarbieux revient sur le meurtre commis au Kremlin-Bicêtre. Pour lui il faut investir dans les humains, plus que dans le matériel.
Observe-t-on une croissance des meurtres dans les établissements scolaires ? Cette forme de violence est-elle en expansion ?
Non, absolument pas. Ces faits restent exceptionnels et il faut les traiter comme des faits exceptionnels. Ce n’est pas respecter les victimes que les banaliser. Ce n’est pas vari en France. Ce n’est pas plus vrai aux Etats-Unis où les meurtres sont en diminution. On est passé d’environ 90 par an au début des années 1990 à 20 par an. C’est 20 de trop.
Le gouvernement a lancé une campagne de « sécurisation » des établissements scolaires et on reparle de mettre en place des portiques de sécurité. Cette mesure est-elle efficace ? Est-ce a bonne politique ?
Malheureusement non. Parce que seulement 2,5% des événements graves viennent de l’extérieur de l’établissement. La violence scolaire en fait c’est une petite violence sans arme, généralement élève contre élève, parfois contre un enseignant. C’est pas du tout les invasions dont on nous parle. Il ne fait évidemment pas laisser les écoles ouvertes à tous vents. Mais le portique n’est pas la solution du problème.
Alors c’est quoi la solution ?
Il faut considérer la violence non pas comme constituée de faits divers mais comme une violence au quotidien, répétitive, usante, où l’on voit la même personne se faire harceler tous les jours. On sait que le taux de victimation est directement lié au climat scolaire. Il ne faut donc pas attaquer la violence en tant que telle mais travailler le climat scolaire. On réglera ainsi 90% des problèmes. On ne pourra pas régler tous les problèmes, notamment ceux qui relèvent de cas pathologiques.
Ce qui peut aider un établissement c’est d’abord du personnel car la vidéosurveillance par exemple ne sert que si quelqu’un regarde. Mais le principal problème de personnel que l’on a dans les établissements c’est son instabilité du personnel. On envoie souvent dans les établissements difficiles des enseignants qui sortent d’IUFM, qui sont sans formation sur ces questions et qui ne s’attardent pas. Enfin, une politique de lutte contre la violence ne sera efficace que en fonction de la façon dont le personnel va s’en emparer. Pour cela il faut former les personnels. C’est une condition nécessaire à tout progrès et trop négligée pour qu’une solution puisse être appliquée.
Eric Debarbieux
Eric Debarbieux sur le Café
« Je suis pessimiste »
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/[…]
L’autorité ne règlera pas le problème
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/02/04[…]
Et aussi
Claude Lelièvre : Changer de paradigme
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/Violencesco[…]
Le dossier violence scolaire
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2003/v[…]
Dossier sur le harcèlement
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/[…]
Un problème politique ?
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pag[…]
Mathieu Hanotin : Etats généraux de la sécurité à l’Ecole : un affichage de plus ?
Par Mathieu Hanotin
Vice-président du Conseil général de Seine-Saint-Denis en charge de l’éducation, Mathieu Hanotin regrette que l’assemblée départementale n’ait pas été consultée. Car » la prévention des violences scolaire ne peut plus être le fait d’initiatives locales et ponctuelles ». C’est l’affaire de tous.
Suite à l’émotion suscitée par le décès dramatique d’un élève du lycée Darius Milhaud du Kremlin Bicêtre le 10 janvier 2010, Luc Chatel a décidé de convoquer les Etats Généraux de la Sécurité à l’école. En effet, au delà de l’émotion médiatique légitime provoquée par cet événement dramatique il faut bien reconnaître que les violences scolaires deviennent malheureusement de plus en plus monnaie courante dans les établissements scolaires.
Alors quand le ministre de l’éducation décide de convoquer des états généraux, le premier mot venant à l’esprit d’un élu de banlieue comme moi c’est enfin ! Enfin, nous allons pouvoir nous réunir, nous, acteurs de la puissance publique, pour aborder de front cette épineuse question. C’était faire preuve de trop de naïveté. En effet, une collectivité comme le conseil général de Seine-Saint-Denis, qui est de fait un partenaire majeur de l’Education Nationale en matière de prévention de la violence, n’a été ni invité, ni même consulté d’aucune manière que ce soit dans le cadre d’un putatif travail préparatoire à ces Etats Généraux. C’est le cas pour mon Conseil Général, pour la très grande majorité des autres collectivités mais également pour une très grande majorité d’associations, d’acteurs de terrains, de professionnels de l’éducation reconnus.
Pourtant, le département de Seine-Saint-Denis assume pleinement ses responsabilités et va même largement au-delà de ses compétences légales. D’abord, nous nous sommes engagés dans une logique de prévention situationnelle pour nos collèges. La prévention situationnelle c’est l’ensemble des mesures physiques liées au bâti visant à protéger les personnes par des aménagements extérieurs et intérieurs des établissements. En Seine Saint Denis, c’est déjà une réalité prise en charge par la collectivité. Ces travaux de sécurisation s’appuient sur des diagnostics de sûreté réalisés par la Police Nationale (plus de 70 sur 120 en ont déjà bénéficié). D’ailleurs, les fameux diagnostics de sécurité annoncés comme une mesure nouvelle du gouvernement sont en fait demandés aux établissements depuis 2006. Les collèges de la Seine-Saint-Denis qui sont le plus touchés par la violence scolaire sont déjà équipés de vidéosurveillance (78 sur 120 collèges) ou de sas d’entrée pour empêcher un contact direct entre la cour de récréation et l’extérieur de l’établissement (53 sur 120 collèges). D’une manière plus générale, en 2009, c’est 1,9 Millions d’Euros qui ont été consacrés pour la sécurisation des collèges. Sans polémique, ce chiffre mérite pourtant d’être mis en parallèle avec l’aide de 21 000 euros apportée par l’Etat, à travers le Fonds Interministériel pour la Prévention de la Délinquance, pour la même année. 21 000 euros, c’est à peu près le coût de l’installation de 3 caméras….
D’autre part, nous remplissons nos missions légales sur la question de l’entretien des bâtiments, mais nous avons aussi fait le choix d’aller plus loin. Le département a été à l’origine de démarches de préventions du décrochage scolaire. Le temps de l’exclusion est un moment particulièrement crucial, c’est lors de ce temps que l’on constate le plus les phénomènes de basculement vers le décrochage scolaire qui abouti presque mécaniquement à un décrochage social. En Seine-Saint-Denis, le phénomène est d’ampleur, on recense environ 900 exclusions définitives tous les ans, et cela sans parler des exclusions temporaires, qui ne sont pas comptabilisées.
Voilà pourquoi nous avons impulsé la création de dispositifs d’accueil des collégiens exclus durant le temps de l’exclusion. Laisser les jeunes face à eux même n’est pas la solution pour permettre une bonne prise en compte de la faute effectuée. A travers ces dispositifs nous souhaitons redonner une pédagogie à cette sanction.
La situation est ardue, mais l’investissement et l’action politique se révèlent payants. A Pierrefitte, le dispositif de prise en charge des exclus permet que 80 % des élèves accueillis ne fassent pas l’objet d’une nouvelle exclusion. A la rentrée, 8 villes et 24 collèges seront concernés par ce dispositif. Ces différentes mesures sont nécessaires, mais ne nous y trompons pas, il s’agit d’éléments d’aide à la gestion quotidienne des établissements et en aucun cas d’une réponse aux phénomènes de violence scolaire.
De même, ces dispositifs impulsés au niveau local ne peuvent pas exonérer l’Etat de ses responsabilités. La prévention des violences scolaire ne peut plus être le fait d’initiatives locales et ponctuelles. C’est une priorité nationale si on ne veut pas que le système éducatif et l’ascenseur social qui va avec se fissurent définitivement, si on ne veut pas que les inégalités se creusent davantage.
Pourquoi des adolescents en arrivent-ils à commettre des actes d’une telle violence? Une telle attitude, si elle doit être jugée et réprimée, traduit de manière évidente une immense perte de repères. En Seine-Saint-Denis, à 15 ans, de nombreux jeunes sont persuadés qu’ils sont arrivés au bout de ce que la société leur permet d’espérer en terme de construction individuelle. C’est trop souvent cette absence de perspective qui provoque le décrochage scolaire et le basculement vers la délinquance. Le constat est clair, ces jeunes ne croient plus à la promesse différée de l’Education Nationale, à cet engagement qui a constitué le fondement de l’Ecole républicaine, à ce « si tu travailles bien, il y aura une place pour toi dans la société ».
Je veux être clair sur un point: lorsqu’un adolescent commet une faute, aussi grave soit elle, celle-ci relève évidemment de sa responsabilité, et il importe de ne pas l’en exonérer. Mais quand on constate une multiplication quotidienne de faits de violences commis par des adolescents, des enfants parfois, on a le devoir de s’interroger sur la responsabilité collective de la société. Renvoyer l’acte à la stricte responsabilité d’un mineur, ou à celle de ses parents, ce n’est pas la solution. On ne répondra pas à la violence uniquement en tentant de sortir les éléments perturbateurs des établissements. Le fantasme de séparer « le bon grain de l’ivraie » est vain. Il faut lui opposer une véritable volonté d’agir pour la réussite de tous les jeunes !
Alors que faire pour ne pas en rester aux stades de ces formules ? Il faut que l’ensemble des acteurs de l’éducation investissent massivement pour casser la spirale de l’échec scolaire. Les collectivités le font, au delà même de leur compétence, j’ai cité précédemment la prise en charge des élèves exclus, mais la plupart des collectivités ne s’en tiennent pas là et développent de véritables projets éducatifs.
En Seine-Saint-Denis par exemple, nous avons lancé un plan Culture Art au Collège qui implique plus de 95% des établissements pour un montant global supérieur à 1 millions d’euros, nous menons de nombreuses actions visant à accompagner les parents dans leur rôle d’éducation et non à les « stigmatiser » comme le font les annonces récentes de suppression des allocations familiales. Il ne s’agit ici que d’exemples qui ne pourront prendre toute leur force que si l’Etat agit à son tour.
Or, que constate-t-on aujourd’hui ? L’Etat continue de se désengager sur les causes profondes de la violence scolaire. Le dogme du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux continue à s’appliquer à l’éducation (250 CPE recrutés en 2010 contre 400 en 2005).
Les anciens surveillants qui étaient des étudiants avec statut spécifique ont été transformés en emploi d’Assistant d’Education. Ils sont dorénavant recrutés niveau bac, sur un emploi à temps plein, au Smic. Et je ne parle même pas de la création récente de postes de « médiateur de vie scolaire » régis par aucun statut, ni aucune règle de recrutement si ce n’est la précarité.
Sur la formation des professeurs, on pourrait se dire que là il y a un enjeu majeur consensuel, notamment sur la prise en charge individualisée des élèves décrocheurs. Qu’en est il ? Non seulement rien n’est fait dans ce sens, mais la mastérisation va supprimer le peu de formation qui existait. A la rentrée prochaine en Seine-Saint-Denis, ce sont 1300 stagiaires et néo titulaires qui vont devoir faire cours à temps plein sans la moindre expérience, sans année de transition ou de formation entre l’université et l’enseignement.
Face à ces constats, on peut être légitimement inquiet des annonces qui sortiront de ces « Etats Généraux« . Les annonces dévoilées dans la presse d’une nouvelle échelle des sanctions ou du développement des dispositifs « relais » se heurtent à la politique de suppression de postes dans l’Education nationale. Comment faire mieux et permettre une prise en charge des jeunes décrocheurs avec moins d’adultes ? Avec des formules chocs comme la « tolérance zéro », le gouvernement risque encore une fois de tomber dans de l’affichage sans réalité concrète sur le terrain.
En matière de lutte contre les violences à l’école, il ne faut pas confondre causes et symptômes. La solution, il n’y en a qu’une, elle s’appelle l’Education.
Mathieu Hanotin
Dans le Café :
Donner une longueur d’avance aux jeunes du 93
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/En[…]
Sur le site du Café
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