« C’est en nous appuyant sur ces progrès que nous remédions à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la maîtrise de la langue française ces dernières années ». Organisée le jour même de la publication d’une étude de la Depp montrant une nouvelle chute du niveau en orthographe des écoliers français, la journée « Enseigner la langue française », le 9 novembre, a été l’occasion de présenter les recherches soutenues par le ministère pour améliorer l’enseignement du français. Mais si la ministre a souhaité se situer au niveau des recherches efficaces et au dessus des polémiques , celles-ci n’ont pas manqué apparaitre….
De Luc Chatel à N Vallaud Belkacem
Face à la crise orthographique en 2012, Luc Chatel avait annoncé la « refondation » de l’enseignement de l’orthographe qui s’était finalement limitée à la publication d’une circulaire et d’une brochure.
N Vallaud Belkacem a fait beaucoup mieux en organisant la journée « Enseigner la langue française », le 9 novembre. Des équipes de recherche ont présenté leurs travaux ce qui montrait que le ministère se soucie concrètement d’améliorer l’enseignement du français en encourageant l’avancée des connaissances sur cet enseignement.
« Nous ne nous payons pas de mots. Ce sont les résultats qui nous intéressent, et c’est en les évaluant et en les mesurant que nous menons une politique efficace », explique N Vallaud Belkacem. Elle rend hommage aux travaux de la recherche et appelle à les prolonger.
Mais la ministre n’oublie pas d’énumérer ce que fait le ministère : le rétablissement de la 5ème matinée de classe au primaire, des nouveaux programmes mettant « l’accent sur l’apprentissage du français à l’école primaire », la nouvelle politique prioritaire. « Nous avons aussi augmenté le temps d’apprentissage du français à l’école élémentaire », ajoute la ministre. « Au-delà des 10 heures de français hebdomadaires, 10 heures sont consacrées, à l’école primaire, à des activités quotidiennes d’oral, de lecture et d’écriture. Elles permettent de travailler des compétences diverses, comme par exemple l’acquisition du vocabulaire ou la compréhension ». Voilà 20 heures sur 24 heures de cours mobilisés pour le français…
La recherche au secours de l’enseignement du français
Cet exposé avait été précédé d’une présentation des travaux des chercheurs. Sophie Kern (CNRS) a présenté un projet d’évaluation précoce des différences langagières « pour lutter contre les inégalités » à l’aide de protocoles qui évaluent la grammaire et le langage des enfants à partir de 8 mois. A terme elle espère mettre en ligne une base de données qui sera consultable par les professeurs des écoles.
Sylvie Cèbe (Université de Clermont Ferrand) a présenté une passionnante recherche sur l’impact de scénarios précis d’enseignement explicite de la compréhension par des albums de littérature jeunesse. L’objectif c’est de savoir si un enseignement explicite de la compréhension basé sur ces albums est efficace. 274 classes en éducation prioritaire participent à ce projet.
Annie Magnan (Université Lumière) présente le projet Ardilec qui évalue l’efficacité d’outils numériques pour stimuler la compréhension ou l’identification des mots.
Pascal Bressoux (Université Pierre Mendès France Grenoble) travaille sur le suivi très précis des acquisitions des élèves du Cp au CM2 en lecture et écriture. Il a déjà une certitude : c’est pendant les vacances que se creusent les inégalités entre les élèves et non durant l’école.
Catherine Brissaud (Université Grenoble Alpes) travaille avec des enseignants de lycée professionnel sur un outil en ligne d’auto positionnement des élèves en expression écrite et sur des dispositifs pour aider les lycéens professionnels, qui bloquent souvent sur l’écrit, à progresser.
Michel Fayol (Université B Pascal, Clermont) suit avec son équipe les travaux d’écoliers du Cp au CM2 pour voir comment les erreurs orthographiques des élèves apparaissent et évoluent.
Maryse Bianco (Université PMF de Grenoble) présente le projet « Lire et écrire au collège » : un millier d’élèves sont soumis à un enseignement explicite de la lecture et de la compréhension à l’aide d’outils numériques.
Le consensus rompu
Ces exemples marient des projets et des chercheurs très différents . La Journée donnait l’apparence d’un effort collectif et tous azimuts de la science pour recueillir plus de connaissances sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
C’était sans compter sur les vieilles rivalités. « Quand on parle de l’enseignement du français, contrairement à l’idée que s’en font beaucoup de gens, oui, il y a un consensus sur ce sujet ! Il y a même, pour être précise, un socle de consensus », a affirmé la ministre.
Hélas, Stanislas Dehaene a coupé court au consensus en estimant « choquant » un rapport de V Bouysse, inspectrice générale, qui aurait traité de cobayes des élèves participant à des expérimentations. En vérité, V Bouysse a fait bien pis. En 2013 elle a publié un rapport cinglant sur les projets Agir pour l’école, Roll et le dispositif Parler, impulsés par la Dgesco sous Luc Chatel, et soutenus par S Dehaene. Le chercheur vient ainsi relancer une opposition entre les spécialistes des neurosciences et ceux des sciences de l’éducation que tout le monde avait eu la gentillesse d’oublier pour cette Journée… La réplique vient de la ministre qui déclare : « Cher S Dehaene, V Bouyse est totalement engagée dans les expérimentations » réplique N Vallaud Belkacem dans son discours de cloture.
La ministre en soutien des « assassins de l’école »
La ministre a aussi vivement dénoncé le livre de Carole Barjon sur les « assassins de l’école ». « C’est justement parce que je connais l’importance de la langue française, que je connais la valeur des mots, que je suis sidérée de voir la violence et la profonde injustice de certaines polémiques, qui n’hésitent pas à parler d’« assassins » pour qualifier des gens qui ont consacré leur vie professionnelle à l’école, et dont l’engagement ne s’est jamais démenti ! », dit la ministre. » Il est temps de sortir des postures qui sont trop souvent des impostures. Il est grand temps de faire de l’enseignement du français ce qu’il doit être : un enjeu commun. Un bien commun. » La ministre a donné en exemple V Bouysse, F Robine « des personnes qui se démènent depuis des années au service de la réussite de tous les élèves ».
Interrogée par le Café pédagogique sur les efforts du ministère pour porter la recherche auprès des enseignants, la ministre a déclaré qu’il « faudra donner toute sa place à la formation continue » pour « rediplomer régulièrement les enseignants pour augmenter leurs compétences » Une perspective pour un prochain quinquennat.
François Jarraud