« Dans les zones d’éducation prioritaire, au confluent des questionnements les plus vifs de notre société, l’enjeu est de taille. C’est une question d’égalité, non pas des chances… mais d’égalité tout court entre les élèves. Quant aux enseignants, parfois trop seuls, ils portent le poids de cette lourde responsabilité; c’est pourquoi ils méritent un appui sans faille ». En ouvrant ce numéro 144 de VEI Diversité, Marie Raynal pose l’enjeu de ce qui se joue dans les zep : tout simplement l’égalité et le défi « de faire entrer tous les élèves dans la culture commune ».
Le numéro s’organise en trois parties. La première veut dresser un état des lieux de ce que sont les zep. On y trouve bien sur les caractéristiques économiques et sociales de ces quartiers. Mais elle commence par une approche historique. Anne-Marie Chartier fait l’histoire de l’échec scolaire. Sait-on que déjà la Troisième République, après 1881 mais avant 1914, avait identifié un piétinement dans l’alphabétisation dans certaines zones du territoire. Et Alfred Binet avait expliqué le phénomène : « les échecs persistants de l’apprentissage relèvent d’une incapacité naturelle ». Curieusement cette incapacité naturelle ne touchait pas les enfants de la bourgeoisie…
François-Régis Guillaume (OZP) fait le point des études sur l’efficacité éducative des zep. Françoise Lorcerie situe les zep dans la galaxie du système éducatif. « L’organisation scolaire abrite un marché des postes, un marché des élèves et même un marché des classes. Leurs dynamiques se potentialisent mutuellement et alimentent en spirale la polarisation socio-économique du système », l’étiquette Zep avivant cette tendance. Elle dénonce le « compromis corporatiste » qui singularise les zep et rend difficile toute gouvernance d’établissement. Peut-être cette seconde partie aurait-elle du montrer également les caractéristiques et les discriminations ethniques des zep.
Alors il n’y a rien à faire ? La seconde partie se penche sur la pédagogie et veut proposer des solutions. Ainsi pour Gérard Chauveau « s’il fallait ne retenir qu’une priorité de la politique d’éducation prioritaire… c’est la qualité des enseignants qui devrait être retenue : premièrement parce que l’effet maître est le facteur pédagogique principal de la réussite, en zep plus qu’ailleurs, deuxièmement parce que les « trous pédagogiques » sont plus fréquents en zep qu’ailleurs ». En effet il met en évidence des effets zone, établissement et maître particulièrement significatifs en zep. De son coté, l’OZP met l’accent sur l’importance des équipes pédagogiques. Cathy Bellus, principale, montre avec une rare lucidité le conflit des intérêts et des valeurs dans sa communauté éducative et met en valeur l’importance d’une gouvernance effective.
La troisième partie veut présenter les politiques actuelles. C’est la plus décevante. Le ministre présente son plan « ambition réussite » dans la plus pure langue de bois et son administration n’est guère plus convaincante. C’est finalement Christian Synoviecki, principal de collège, qui apporte un peu d’espoir. D’abord en montrant l’importance de chaque acteur dans l’établissement : infirmière, CPE, enseignants. Ainsi des professeurs d’EPS dont il salue « leur discipline apaisante et favorisant la résilience et leur manière de travailler sur le corps et sur l’esprit des élèves » de façon à nouer avec eux une relation d’un autre type « de les réconcilier avec l’école ». Pour lui il ne faut pas désespérer. « Je crois notre école, malgré tous ses défauts plus performante que par le passé… Le niveau scolaire moyen s’est élevé. Il reste à relever le traitement de la grande difficulté ».
VEI Diversité, n°144 mars 2006, Paris Cndp, 208 pages.
Le sommaire
http://www.cndp.fr/vei/default.asp?page=/revueVEI/som144.htm
Rappel: le dossier d’actualité Zep du Café 70
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_70_accueil.aspx
A Bobigny, un collège dénonce l’inadaptation du plan « ambition réussite »
« Les instances académiques restent sourdes à nos interventions depuis plusieurs mois. Notre mobilisation actuelle et le refus d’avaliser le dispositif « ambition réussite » en conseil d’administration sont les seuls facteurs qui ont obligé l’inspection à nous recevoir. Cependant nos différents interlocuteurs ne semblent toujours pas avoir pris la mesure des enjeux de l’éducation prioritaire et de la situation exceptionnelle de notre collège. Mais que fallait-il attendre d’un dispositif qui n’a pris en compte, en amont, les observations et analyses des familles et des acteurs de terrain ». Abdelkader Mekkaoui, délégué Sgen, et ses collègues entameront mardi 23 mai leur 4ème semaine de grève. Leur établissement, le collège République à Bobigny (93), est pourtant classé « ambition réussite », c’est-à-dire qu’il bénéficie du maximum de moyens octroyés par le plan Robien pour l’éducation prioritaire.
Situé au centre de Bobigny, près de l’Anpe et d’un lycée professionnel, le collège compte plus de 1000 élèves venus des différentes cités de la ville. A l’origine du mouvement deux revendications. « Nous protestons contre l’abandon programmé de toute ambition de réussite scolaire dans l’éducation prioritaire. En effet, la réforme « ambition réussite » propose essentiellement la marginalisation des élèves en difficultés par des dispositifs qui semblent préparer des parcours dérogatoires au collège unique; avec comme horizon l’apprentissage précoce à 14 ans. L’échec ou la réussite des élèves serait de leur responsabilité individuelle et l’institution ne leur proposerait qu’une pré-orientation sans se donner les moyens matériels et humains de leur offrir un collège, réellement, unique dans le cadre d’une scolarité obligatoire ».
Il y a ensuite une attente locale. » Les moyens dérisoires, à notre échelle, et surtout inadaptés que constituent les 4 professeurs EP1 que l’on nous alloue ne répondent pas à nos besoins. De par notre expérience quotidienne, il nous semble que l’on peut jouer sur aux moins deux leviers principaux (sans exclusive) pour favoriser la réussite scolaire des élèves. Nous devons impérativement alléger les effectifs des classes et mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques adaptées à nos publics… C’est dans cet esprit que nous demandons le dédoublement des classes dans certaines matières (les langues par exemple). Il ne s’agit pas ici de groupes de niveaux, comme l’impose le dispositif « ambition réussite », mais de petits groupes qui doivent rester hétérogènes. Ce principe, que nous avons mis en oeuvre cette année, a montré ses effets positifs sur les résultats scolaires des élèves…On nous oblige aujourd’hui à l’abandonner… Or, l’individualisation des parcours mise en avant par le contrat « ambition réussite » abandonne toutes les stratégies pédagogiques axées sur les interactions à l’intérieur du groupe-classe qui nous apparaissent comme étant le véritable facteur d’investissement scolaire ».