« Ils ont voulu « l’autonomie » ? Servons-nous en contre eux ! ». Le Snalc publie le 20 novembre une brochure qui prétend « abroger » le collège en respectant les textes officiels. Un exercice de sabotage décrit dans les détails. Mais qui nécessite de conditions précises pour être appliqué.
Pour le Snalc il ne s’agit pas d’abandonner l’abrogation pure et simple des textes sur la réforme du collège. Mais de porter le combat là où il va se jouer dans quelques semaines : dans les réunions d’établissement. La brochure a aussi l’avantage d’occuper le terrain au moment où l’intersyndicale va lancer, à partir de lundi 23 novembre, une campagne de réunions et pétition contre la réforme du collège.
Utiliser la marge d’autonomie contre la réforme
Ce que propose le Snalc c’est de faire jouer la marge d’autonomie es établissements aussi bien sur le plan des heures d’enseignement que des cours. Il s’agit d’utiliser les 2.75 heures données par le ministère par division et d’utiliser la marge réglementaire d’autonomie.
« Nous pouvons nous appuyer sur un décret en conseil d’État (bien au-dessus d’un arrêté dans la hiérarchie des normes) pour faire valoir l’autonomie de l’établissement en ce qui concerne la répartition de la dotation horaire », écrit le Snalc. Il s’appuie sur l’article R421-2 du code de l’éducation qui reconnait à l’établissement une marge d’autonomie dans la définition des enseignements une fois les dispositions officielles appliquées.
« À partir du moment où il respecte les horaires règlementaires, c’est-à-dire les grilles horaires, l’établissement est libre d’utiliser le reste de sa dotation horaire comme il l’entend », écrit le Snalc. « On peut donc proposer des heures de cours en plus, recréant ainsi les bilangues, les sections européennes, les horaires de langues anciennes, la découverte professionnelle 3h, les heures d’accompagnement qui venaient en plus des heures de cours. » Pour le Snalc l’objectif doit être » qu’aucune discipline ne se sente lésée par rapport à la situation actuelle ».
En entrant dans la logique de la réforme
Reste que concrètement cela implique pour les militants du Snalc d’entrer dans la logique de la réforme. Pour changer les choses dans le sens qu’ils souhaitent il faut commencer par participer au conseil pédagogique, là où va se discuter en premier la répartition de la DHG. Il va falloir ensuite convaincre les parents en CA et donc les reconnaitre comme légitimes. « Exposez aux autres membres du CA — notamment les représentants de parents d’élèves — les avantages du projet alternatif que vous proposez (par exemple maintien d’une bilangue, de sections européennes…) : leur soutien est essentiel pour que vos propositions soient adoptées », écrit le Snalc. Ca fait beaucoup pour un syndicat critique sur ces points.
Ensuite il y a le conseil d’administration. Là le contre projet ne peut passer que s’il est mis à l’ordre du jour avant celui du chef d’établissement. Autrement dit il ne peut être adopté que si le chef d’établissement est complice ou si un consensus a pu se faire avant, par exemple en conseil pédagogique. Car la règle c’est que » en cas de vote négatif au CA, après un deuxième CA, si le vote est à nouveau négatif, c’est le chef d’établissement seul qui arrêtera la répartition de la DHG ».
Le Snalc invite ensuite à contourner l’accompagnement personnalisé et les EPI (enseignements pluridisciplinaires) en ne les faisant pas figurer à l’emploi du temps. » Demander collectivement à ce que les heures d’AP prévues par la réforme ne figurent pas dans les emplois du temps. Expliquer que son enseignement prend en compte cet accompagnement, et donc que l’accompagnement personnalisé est naturellement fait dans les heures de cours. Donc « faire cours » tout à fait normalement sur ses heures disciplinaires, en utilisant les modalités pédagogiques qui vous semblent les plus appropriées pour faire progresser les élèves », écrit le Snalc. La démarche serait la même pour les EPI.
Mais les uns et les autres sont bien inscrits dans les textes et on voit mal comment ils pourraient ne pas figurer dans les emplois du temps élèves. Pour les EPI la coordination avec une autre discipline est également nécessaire.
Le Snpden heureux de voir le Snalc le rejoindre..
Interrogé par le Café pédagogique, Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, un syndicat de chefs d’établissement favorable à la réforme, « se réjouit de voir que le Snalc trouve de l’intérêt à la réforme ». Pour lui, « dans le cadre de la réforme il y a plusieurs possibles. C’est ce qu’on dit depuis le début et c’est pour cela qu’on a protesté contre la circulaire qui risquait de rendre le consensus impossible ». Il ne lui semble par contre pas possible de supprimer l’AP et les EPI.
Pour le Snpden la réforme permet des organisations très variées. Le syndicat devrait d’ailleurs publier une banque de projets. « Mais il faut participer au conseil pédagogique. Il ne faut pas venir pleurer que le chef d’établissement décide seul quand on ne participe pas ».
Quand la ministre s’en mêle..
L’argumentaire juridique du Snalc tient-il la route ? L’article R421-2 parle d’autonomie pour des heures de cours alors que l’arrêté précise que les 2.75h ne peuvent pas être attribuées à des heures de cours. Pour complexifier un peu les choses, la ministre elle même a commenté la circulaire d’application de la réforme.
En septembre dernier le snpden a obtenu de la ministre une lettre qui commentait ce texte. « Il revient au conseil d’administration d’arrêter.. l’emploi des dotations en heures d’enseignement », écrivait la ministre. « La circulaire… ne remet pas en cause les dispositions du code de l’éducation relative aux compétences des conseils d’administration ni la liberté d’action qu’elles reconnaissent aux établissements… Elle ne peut être lue comme une limitation de l’autonomie de l’établissement… Les équipes pédagogiques ont toute liberté pour déterminer l’organisation qui leur semble la plus pertinente « .
Il semble bien exister des marges d’application de la réforme. C’est d’ailleurs ce qu’avait expliqué P Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique en octobre. » On ne va pas contourner les textes réglementaires », expliquait P Balmand. « Mais ces textes confèrent à l’établissement un espace de créativité. Donc j’imagine que beaucoup de collèges qui ont des classes bilangues, sans contourner les textes, auront la possibilité de maintenir des propositions intéressantes ». C’est au final ce que le Snalc vient de proposer.
François Jarraud
Les chefs d’établissement appliqueront la réforme à leur façon