« Comment les Régions peuvent-elles envisager d’investir plus avant dans les TICE alors même que l’Etat menace de s’en désengager ? L’Association des régions de France (ARF) lance un véritable cri d’alarme qui dénonce « la politique en dents de scie du gouvernement » en ce qui concerne les TICE. Les critiques des régions portent sur l’effondrement de l’accompagnement humain, le manque de soutien de l’Etat dans le déploiement des Espaces numériques de travail (ENT) et les errements pédagogiques du ministère.
» Les collectivités territoriales ont d’emblée entrepris un important effort pour mettre à la disposition des élèves et des enseignants le matériel nécessaire à cette évolution, effort largement soutenu par l’État » affirmait une circulaire récente du ministère. En effet, les régions ont réussi en quelques années à équiper les lycées en matériel informatique au point de hisser la France au dessus des moyennes européennes. Mais l’ARF rappelle le poids de l’accompagnement humain nécessaire pour la maintenance des ordinateurs des établissements et l’encadrement des élèves. Or « le maintien du dispositif – insuffisant – actuel est remis en cause par la volonté du Ministère de remettre les enseignants devant les élèves, et par le déclin des emplois jeunes. Comment les Régions peuvent-elles envisager d’investir plus avant dans les TICE alors même que l’Etat menace de s’en désengager ? » Les régions « seront vigilantes… au maintien d’un encadrement des TIC en établissement scolaire par des personnels enseignants, et globalement à la pérennité des ressources humaines consacrées à ces missions ». Interrogé par le Café, Nicolas Chung, délégué à l’éducation de l’ARF, estime que « la maintenance ne peut pas reposer uniquement sur des jeunes en insertion », une allusion à un accord passé entre l’ARF et le ministère du Travail, « il faut des permanents, au moins un emploi par établissement en plus d’un contrat aidé ». Pour lui, « les plates-formes d’assistance téléphonique payées par le ministère ne sont pas appropriées ».
Actuellement une dizaine de régions sont engagées dans le déploiement d’Espaces numériques de travail, des plates-formes informatiques permettant l’échange d’informations et de contenus entre les établissements, les enseignants, les élèves et les parents. Le ministère a promis leur généralisation pour 2007. Or les régions mettent en préalable à leur développement « une visibilité réelle… sur l’engagement financier de l’Etat ». Si elles « réaffirment leur intérêt pour les Espaces numériques de travail et l’importance de ces dispositifs pour la réduction de la fracture numérique, le renouvellement du lien entre les familles et l’Ecole, et la préparation des élèves aux outils qu’ils trouveront dans le monde professionnel comme dans la vie citoyenne », elles demandent « un accord avec l’Etat sur un partage durable des efforts humains et financiers, et dans la mesure où ces projets intégreront les priorités des Régions en matière d’éducation ». Une allusion au souhait des collectivités locales de voir pris en charge leur souci de faciliter l’accès des ENT aux familles qui ne sont pas informatisées et de réduire la fracture numérique. Pour N. Chung, il est clair que « le rendez-vous de 2007 ne sera pas tenu ».
Un autre point de friction concerne les choix pédagogiques de l’Etat, un domaine où pourtant les régions n’interviennent traditionnellement pas. A titre d’exemple, le document de l’ARF évoque les TPE : les régions » regrettent la décision unilatérale du gouvernement de supprimer les Travaux personnels encadrés des épreuves du baccalauréat, car, au-delà de son intérêt pédagogique, ce dispositif a un impact réel sur l’utilisation des TIC dans l’éducation ». Elles appellent l’Etat à « renforcer ses programmes d’éducation critique aux médias et aux TIC, élément aujourd’hui indispensable d’une éducation citoyenne » et promettent de soutenir cet effort.
La déclaration de l’ARF souligne cruellement l’écart croissant entre les annonces médiatiques du ministère et les préoccupations éducatives. La récente circulaire sur « les technologies d’information et de communication dans l’enseignement scolaire », publiée au B.O. du 22 septembre, a beau assurer que « la “maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication” est l’une des cinq composantes (du) socle commun », l’absence de moyens humains dans les établissements, la dégradation de la formation, l’accent mis sur les pédagogies les plus traditionnelles et sur les « solutions » techniques plutôt que pédagogiques, expliquent le retard français en ce qui concerne les TICE. Le France demeure le pays du continent européen où les jeunes utilisent le moins les TICE en classe.
Les régions « sont prêtes à un rôle de co-production avec l’Etat et les établissements scolaires, dans une logique de mutualisation, de transfert des expériences positives, et de péréquation des moyens…. Elles appellent l’Etat à créer un véritable dispositif de concertation stratégique entre l’Etat, central et déconcentré, et les collectivités territoriales sur les politiques TIC pour l’éducation, qui se donnerait deux objectifs distincts : d’une part, mettre en cohérence des actions portant sur les compétences obligatoires de chaque partie ; d’autre part, favoriser l’émergence de partenariats portant sur d’autres actions ».
L’ARF
Le communiqué (format Word)