Marie France Baroth : « la mise en facteur » de l’expérience des chefs d’établissement
Comment passer du registre « vécu » à l’action ? Comment caractériser la transformation ? Faut-ils que les situations s’accumulent ? Qu’eslles soient suffisamment variées ? Qu’elles aient conduit le sujet à être mise en difficulté ?
Un Rectorat fait appel à une équipe de recherche pour l’aider à bâtir un dispositif de formation « professionnalisante » en alternance pour les chefs d’établissements stagiaires, qui exercent en responsabilité en tant qu’adjoint dans un établissement. Afin d’établir un positionnement des personnes, on leur propose une grille d’analyse validée par des « experts », pour leur permettre d’analyser les situations, les conflits, les raisonnements qu’il peut produire, les actions qu’il proposerait de mettre en œuvre, et les « organisateurs » de leur activité.
AInsi, pour le « diagnostic d’établissement », certains stagiaires centrent leur activité autour de la prescription (un approximatif « faire baisser le redoublement »). Face à la demande de « réorganiser la vie scolaire », certains s’accrochent à ce qui vient d’en haut (un toujours vague « faire réussir les élèves »…) en cherchant plus à afficher ce qui leur semblait correct, au risque du discours très général, plus que ce qui était vraiment opératoire. Souvent, les « organisateurs » en restaient à des discours conceptuels, mais ne disaient rien de la manière dont ils pourraient « s’y prendre ».
André Zeitler : « valoriser le doute, et la surprise, dans les apprentissages »
Comment comprendre comment l’expérience se construit ? Lorsqu’une personne a répété de nombreuses fois une même action, répond le sens commun, dans une perspective behaviouriste. Sans nier l’importance du temps, ce qui compte, ce sont les activités menées, qui rendent possible – ou non – l’apprentissage. L’expérience n’existe pas « en tant que telle », c’est toujours une interprétation : les processus de l’expérience ne sont pas les produits de l’expérience. « Quelle pourrait donc être une définition fonctionnelle pour la recherche ? Pour comprendre quelque chose dans ce qui est un univers entier, il me semble nécessaire de réduire le champ ». De l’activité, reste des traces qui sont réinvestissables, dans les situations que l’acteur lui-même juge proches, à tort ou à raison. C’est ce qui fait passer du plan de l’action à celui d’apprentissage expérientiel.
L’intervenant prend l’exemple d’un sujet qui, dans situation apparemment sans surprise, lperçoit un signal différend de ce qu’il attendait. Face à cela, il peut être confronté à un dilemme interprétatif -sans même avoir besoin de passer par du langage- qui lui demande de prendre des indices complémentaires pour pouvoir agir : insérer cette nouvelle situation dans une nouvelle catégorie de situations, et ainsi redonner un sens plus familier à la situation, ou l’intégrer dans une catégorie dejà fabriquée, en l’interprétant d’une nouvelle manière.
Mais dans toutes les situations où l’acteur est présumé « être compétent » (« décideurs », responsables, corps d’encadrement…), il va avoir tendance à réduire le moment de doute pour aller chercher la réponse dans « ce qu’il sait déjà faire », au risque d’adopter un comportement stéréotypé et de ne pas profiter du temps du doute pour moduler sa réponse, ou la reconstruire. Dans la même mesure, un enseignant ou un formateur peut avoir tendance à réduire l’activité des apprenants pour rester dans des situations connues et pour lui acceptables, limiter malgré lui, dans ce cas-là, les possibilités de développement de la situation par l’activité des acteurs eux-mêmes…
Jean-Claude Coulet : mobilisation et construction de l »expérience dans la notion de compétence
L’utilisation du mot « compétence » par les institutions et les programmes implique généralement un modèle statique de la compétence (savoir-être, capacités, attitudes…). Pourtant, la construction de compétence est dynamique, comme nous le propose la notion de schème et la notion de régulation de l’activité. La compétence est à la fois un potentiel mobilisé en situation, dans une « organisation invariante de la conduite, dans une classe de situation ».
Une compétence, c’est donc mobilliser des schèmes à travers des artefacts, dans une tâche, qui va généralement apporter des feed-backs qui eux-même vont amener des régulations, à travers des boucles plus ou moins longues, qui vont amener à modifier des règles d’action ou à construire de nouveaux schèmes.
Dans ce cadre, l’expérience permet de disposer d’éléments qui vont structurer son activité, amener le sujet à répondre par des routines, permettre de lire la tâche, de s’adapter, passant ainsi d’un « potentiel atemporel » à une « activité située ».
Les expérimentés focalisent sur les propriétés de leur action, la compréhension du phénomène, quand les sujets peu expérimentés sont sur la réussite immédiate, focalisent sur les objets.