Marie-Thérèse
Zerbato-Poudou : » Par l’accès à
l’écrit, les faire entrer dans une histoire commune »
Observant de près
des situations proposées en maternelle en matière
d’écriture, Marie-Thérèse
Zarbatou-Poudou constate que nombre de tâches
se centrent
précocement sur les tracés, le surlignage, les
tracés de lettres. Or, comment passer de ces
tâches à une construction du rapport à
la langue écrire ? « Ce ne doit pas être seulement
un conditionnement gestuel, mais la construction d’une histoire, ou
plutôt de plusieurs histoires : histoire de
l’humanité, histoire de la classe, histoire personnelle.
Elle rappelle la route initiée par Emilia Ferreiro ou
Vygotsky sur le rôle du passage à
l’écrit dans l’évolution des structures
psychiques ? Elle cite Bernard pour qui le fait de passer à
la langue écrite était une réelle
« transformation cognitive. Pourquoi alors continuer de centrer les
activités scolaires sur la tenue du crayon ou le sens des
lettres, alors qu’on sait que le traitement cognitif qui doit
être travaillé ?
Souhaitant articuler le
théorique et le pratique, dans sa classe, elle ose supprimer
les activités strictements graphiques pour se concentrer sur
d’autres approches, et observe les trouvailles des collègues
qui lui permettent de théoriser les conditions fondamentales
de la rencontre de l’univers de l’écrit.
« Pour moi, l’essentiel est de
faire accéder les jeunes élèves
à la manière
fonctionne l’écrit, avec plusieurs principes :
– mettre en avant le rôle
du langage dans le travail articulé
à la copie : regarder tous ensemble ce qu’on a
fait, pour mettre en mots l’analyse de ce qu’on a fait, confronter les
productions à la liste des critères de
réussite énoncés par l’enseignante.
– inverser le schéma
de l’interaction en faisant dire par les élèves
ce que le maître fait au tableau, dans une
dictée collective à l’adulte : « allez-y, je fais
comme vous me dites de faire ». En faisant expliquer aux
élèves ce qu’elle doit faire, l’enseignante
oblige à préciser progressivement ce qu’il y a
à faire, et donc en prendre progressivement conscience.
« Nous sommes enseignants non pas pour apprendre à tracer des
lettres, mais construire des processus cognitifs qui vont leur
permettre d’apprendre. Dire ça, c’est revaloriser le
rôle de l’enseignant, à condition qu’on fasse la
clarté ».
« De la pensée
à la situation, et non l’inverse, c’est ce
renversement que propose Vygotski lorsqu’il nous invite à
privilégier le langage et les échanges du groupe.
Mais cela ne doit pas nous conduire à rigidifier les
situations : l’important est de se demander « qui parle, et comment on
parle »
– renforcer les
échanges interclasses, les regards
croisés des enseignants et des personnels municipaux, dans
un « milieu de travail » organisé : ainsi, travailler sur les
noms de famille éveille des registres bien
différents que de travailler sur les prénoms ;
organiser des auto-correspondance ou écrire pour les autres
classes ; écrire avec des outils différents ;
faire des projets d’écriture poétiques ; afficher
des écrits anciens ou des alphabets étrangers, la
transformation des capitales en cursives…