Par Julien Cabioch @vivelesSVT
Une station sismique au collège Georges Sand à La Châtre
Comment passionner les collégiens avec les risques sismiques ? Découvrez l’atelier scientifique mené par François Derouin, enseignant de SVT au collège Georges Sand de La Châtre (36) avec 15 élèves impliqués dans des constructions parasismiques. Initié dans le cadre de « sismos à l’école », ce temps de découverte permet aux collégiens de manipuler et d’être « plus autonomes dans leur démarche ». L’établissement est en effet équipé d’une station sismique Présents au concours C-Génial, le projet sera présenté prochainement à la Fête de la Science. Entretien avec cet enseignant qui utilise des pâtes alimentaires pour rechercher leur fréquence de vibration.
Comment investissez-vous vos élèves dans le projet « SISMOS à l’École» ?
Tout d’abord quelque soit le niveau de nos élèves, nous profitons de l’actualité pour leur montrer dans nos cours les enregistrements effectués par la station sismique. Celle-ci a été mise à disposition de notre collège par « Sciences à l’école » et est installée dans notre CDI.
En classe de quatrième nous allons plus loin en utilisant les enregistrements de la semaine, présents sur le serveur de données Vibrato Staneo qui regroupe l’ensemble de ces stations. Même avec seulement sept jours d’enregistrements, il est alors facile de montrer que notre planète est une planète active, et en général les limites de plaques apparaissent assez clairement. Les élèves utilisent ensuite nos capteurs piézométriques à la fois pour mettre en évidence la propagation d’ondes, leur atténuation avec la distance, mais aussi pour en calculer la vitesse dans diverses roches. La table sismique que nous avons fabriquée, est-elle aussi utilisée mais plutôt en démonstration dans nos cours comme lors des interventions dans la classe relais départementale.
La quinzaine d’élèves volontaires qui participent à l’atelier scientifique qui a lieu le vendredi de 13h à 14h, a aussi la possibilité d’utiliser ce matériel. Mais là les élèves sont libres d’utiliser le matériel et les montages qu’ils souhaitent. Ils sont plus autonomes dans leur démarche et on essaie de les aider à trouver une réponse aux questions qu’ils se posent.
Quelles sont les manipulations mises en place au cours de cet atelier scientifique ? Quel est le matériel nécessaire ?
En plus des capteurs piézométriques et de la tablette sismique les élèves sont libres d’utiliser deux autres montages. D’une part ils peuvent utiliser des petites planchettes de bois recouvertes de papier de verre que nous tractons sur un support lui aussi recouvert de papier de verre. Ces planchettes reliées à un dynamomètre permettent de mettre en évidence une accumulation d’énergie avant la rupture qui se produit lorsqu’elles avancent brusquement. Transposé aux séismes ce montage doit permettre de montrer que lors d’un séisme il faut d’abord qu’une tension s’exerce, puis que de l’énergie s’accumule progressivement, et qu’ensuite à un seuil variable et non prévisible une rupture se produira. Ils peuvent alors déterminer sa valeur moyenne et la valeur moyenne du déplacement, et constater que la rupture reste malgré tout imprévisible.
D’autre part, un autre montage leur permet de déposer alternativement des couches de farine et de chocolat puis en enroulant la sangle qui se trouve à la base des couches ils peuvent les déplacer progressivement. Suivant le cas on arrive à reproduire des figures caractéristiques de ce qui se produit dans les zones d’extensions ou dans les zones d’extensions. Quant à la table sismique ils peuvent aussi l’utiliser pour tester les maquettes de maisons parasismiques qu’ils construisent ou pour essayer de déterminer la fréquence à laquelle est sensible est objet. Nous avons en particulier utilisé différentes sortes de pâtes alimentaires pour rechercher leur fréquence de vibration.
Quels objectifs vous-donnez vous pour ce temps de manipulation ? Quel est le profil des élèves motivés ?
Au cours de l’année précédente j’ai fabriqué progressivement le matériel dont nous disposons actuellement. Les élèves n’avaient donc pas tout le matériel à leur disposition en début d’année et lorsqu’ils découvraient un nouveau montage ils voulaient tous l’utiliser en même temps ou lorsqu’ils avaient utilisé trop longtemps le même montage ils finissaient par se lasser.
Cette année cela a été différent, tout le matériel était fonctionnel dès la rentrée, et j’ai demandé aux élèves qui le connaissait de le présenter aux nouveaux arrivants.
Ensuite ils ont été libres de l’utiliser lorsqu’il le souhaitait. Je leur demande malgré tout de filmer ou de photographier leurs manipulations pour qu’on puisse discuter par la suite de leurs résultats, et voir ce qu’ils en pensent. Afin aussi qu’ils puissent aller plus loin et progresser dans leur démarche.
En effet pour moi, l’objectif premier de ce temps de manipulation est de permettre aux élèves de travailler en autonomie et de suivre leur propre démarche. Il n’y a pas de programme de séance imposé.
Le profil des élèves est très varié, mais ce sont surtout des élèves des niveaux cinquième et quatrième. Ce qui est positif c’est qu’il y a cette année autant de filles que de garçons. Ce qui a été un peu négatif pour nous c’est que nous meilleurs éléments en particulier pour le concours de Namazu, ont préféré aller à l’atelier robotique qui n’est ouvert qu’aux élèves de troisième. En tous cas le point commun à tous les élèves qui participent à l’atelier c’est qu’ils sont très motivés et volontaires puisqu’ils acceptent de venir sur leur pause de 13h à 14h.
Vous avez participé au concours C Génial avec des constructions de maquettes parasismiques. Comment se présentent ces modélisations ? Comment s’est déroulée cette aventure ?
Lors de l’atelier l’année précédente un élève avait remarqué qu’un des objets placé sur la table sismique semblait peu sensible aux vibrations. Comme il présentait une base assez large, les élèves ont choisi de construire des maquettes en rajoutant une plaque de carton ondulé en dessous pour se rapprocher de ce qu’ils avaient observé.
Ils ont testés divers matériaux mais le plus facile à utiliser s’est avéré être le polystyrène extrudé. Peu couteux, léger et facile à découper il était idéal. Les élèves ont assemblé leurs éléments au départ avec des pointes métalliques mais ils se sont aperçus rapidement que leurs maquettes devenaient résistantes aux séismes de la table non pas parce qu’elles étaient résistantes aux vibrations, mais parce qu’elles devenaient trop lourdes. Aussi il fallait remplacer les pointes métalliques par quelque chose de plus léger. Après avoir testé des chevilles en bois, puis en plastiques, ils ont finalement choisi d’utiliser des cures dents en bois.
Ils ont alors atteint leur but en filmant et en montrant qu’effectivement la même maquette avec une couche de carton à sa base était moins sensible aux vibrations que sans cette base.
Le plus dur ensuite à été de choisir qui représenterai le collège au concours C’Génial. En effet les élèves ont souvent décidé spontanément de travailler en binôme et il y avait plusieurs équipes qui testaient chacune son modèle de maquette. Aussi comme nous ne pouvions envoyer que trois élèves, nous avons choisi celui qui maitrisait le mieux l’assemblage et le fonctionnement de la table sismique, puis deux élèves qui avaient finalisé leur maquette et étaient moteur dans leur groupe.
Qu’est-ce que le défi Namazu ?
Le défi de Namazu est un jeu organisé par l’opération « SISMOS à l’École ». Il propose quatre fois dans l’année des énigmes à résoudre sur un thème donné en rapport avec les séismes. Débuté en 2014, l’ensemble des énigmes peu être consulté sur le site de GéoAzur. Cette année il y avait 22 équipes en compétition. De notre côté nous n’avons pas été très brillants car cette année les élèves de l’atelier les plus impliqués dans le défi étaient de niveau cinquième, or certaines énigmes sont plutôt de niveau lycée. De mon côté j’ai fait le choix de peu les aider car leur donner les réponses ne représenterai pas d’intérêt. Mais ce n’est pas grave, les élèves ont malgré tout progressés, ils maitrisent mieux Google Earth, ont découvert la banque de données sismiques et les logiciels présents sur le site de « SISMOS à l’École » .
En dehors de cet aspect le défi de Namazu leur fourni des pistes de travail intéressantes. L’année passée ils ont dû par exemple utiliser les capteurs piézométriques pour montrer que la température avait une influence sur l’énergie libérée par la cassure d’une tablette de chocolat en fonction de sa température. De la même façon ils ont dû aussi rechercher la fréquence de vibrations de spaghettis.
Comment intégrez-vous ces réalisations dans vos cours de SVT ? Les élèves de l’atelier sont-ils davantage moteurs en cours ?
Dans le cours la partie consacrée aux séismes est très courte et l’effectif important des élèves dans nos classes ne permet raisonnablement pas d’exploiter tous ces montages. A part les capteurs piézométriques que les élèves utilisent vraiment pour faire des mesures, et la table sismique qui est utilisée en démonstration, le reste du matériel n’est pas utilisé.
Les élèves qui participent à l’atelier se caractérisent surtout par leur esprit d’initiative, leur autonomie dans la gestion du matériel et dans la conduite de leur travail, mais dans les situations de cours normal si la situation ne fait pas appel à ses compétences ils restent plutôt discrets même s’ils ne s’en montrent pas moins efficaces dans leur travail. Il est intéressant aussi de constater que pour eux le cours et l’atelier sont deux choses distinctes. D’ailleurs pour la moitié d’entre eux je ne suis pas leur professeur de SVT.
Un travail de communication autour du projet est requis par le réseau sciences à l’école. Dans les faits, comment cela s’est concrétisé ?
Le travail de communication a pour but de valoriser le matériel mis à disposition pour trois années par « SISMOS à l’École » et de la station sismique en particulier.
Il s’agit aussi de valoriser auprès des jeunes l’enseignement des sciences expérimentales en partant d’une réalité de terrain qu’ils peuvent mesurer au quotidien. Au-delà de ce point de départ il s’agit aussi de les sensibiliser aux risques naturels et de contribuer ainsi à leur responsabilisation en tant que futurs citoyens.
Pour nous le travail de communication est donc très important et permet de les responsabiliser encore plus en leur donnant un rôle dans la transmission de ce savoir.
Les élèves ont pu le faire à plusieurs reprises cette année. D’abord le 30 mars à Orléans lors de la finale académique du concours C’Génial où 3 élèves ont présenté leur travail à plusieurs jurys ainsi qu’aux participants présents. Puis lors d’un cours d’histoire-géographie où ils ont présenté à une classe de cinquième leur travail sur les maisons parasismiques.
Et lors des « Rencontres Jeunes Chercheurs » le 22 avril à l’IUT de Châteauroux où l’ensemble des élèves de l’atelier ont présenté des démonstrations de leurs montages, puis ont ensuite présenté en amphithéâtre un diaporama résumant leur travail de l’année sur les maisons parasismiques.
Ce travail de communication s’est accompagné d’articles dans la presse locale et se prolongera par une participation en octobre prochain à la fête de la science.
Entretien par Julien Cabioch
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