» Un nombre d’élèves par classe plus faible semble permettre une meilleure réussite scolaire », écrit Olivier Monso, d ela Depp (division des études) dans la dernière livraison de Education & formations (n°85) , une revue ministérielle. Ce faisant, il brise un tabou institué au ministère depuis une dizaine d’années qui veut que réduire la taille des classes n’impacte pas les résultats des élèves.
« Les travaux récents sur données françaises consacrés à l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire ont tous abouti, quoiqu’avec des nuances, à ce constat« , explique O Monso. « Ces travaux ont mis en évidence un impact du nombre d’élèves par classe plus fort dans le premier degré et dans la première partie du collège, peu apparent ou inexistant au lycée général. Une réduction du nombre d’élèves par classe bénéficie davantage, dans l’ensemble, aux élèves issus d’un environnement social ou scolaire défavorisé, et notamment à ceux scolarisés dans un établissement en éducation prioritaire. Toutefois, elle ne constitue pas forcément la réponse appropriée à tous les types de difficultés scolaires ».
Pour bien comprendre l’importance de cette publication, il faut rappeler que l’opinion contraire était devenu la vulgate ministérielle depuis le début du siècle. A l’OCDE comme à l’éducation nationale, la question de la réduction du nombre d’élèves par classe était devenue un véritable tabou. On s’appuyait sur des études de l’OCDE et une expérience menée en 2002 pour en contester l’effet. » Les effets de la variation de la taille des classes sur la performance des élèves ne sont pas étayés par des éléments probants », écrivait » Regards sur l’éducation », une publication de l’OCDE en 2011 . « Les recherches menées dans ce domaine controversé n’ont pas permis de tirer des conclusions cohérentes, même s’il apparaît que les classes moins peuplées pourraient avoir un impact sur des groupes spécifiques d’élèves, notamment les élèves défavorisés ». Des études françaises allaient dans le même sens. Ainsi, en 2001, une étude de Denis Meuret pour le Haut Conseil à l’évaluation de l’école avait conclu en insistant sur les limites de la réduction de la taille des classes et vivement critiqué les dédoublements. « Les recherches ne justifient donc certainement pas une réduction de la taille des classes (RTC) “ au fil de l’eau ” qui procède du fait qu’il est difficile de retirer un poste ou de fermer une classe lorsque les effectifs baissent, ni une baisse générale de deux ou trois élèves par classe. C’est le résultat le plus clair des études menées en France », écrivait-il. Le raisonnement de l’OCDE ou de Denis Meuret c’est qu’il ne suffit pas de réduire le nombre d’élèves pour que la pratique pédagogique de l’enseignant change. Ainsi l’essai des CP dédoublés en 2002 avait été évalué négativement. On avait allégé les effectifs mais les enseignants avaient enseigné comme avant et l’effet du dédoublement sur les résultats des élèves avait été à peu près nul. En 2012, la concertation a à nouveau écarté cette possibilité. Et le ministère a fait le choix, avec l’agrément des syndicats du « plus de maîtres que de classe », une formule qui impose de changer les pratiques pédagogiques.
C’est tout cet édifice qui commence par crouler sous le poids de différentes études davantage que sous celui dicté par le bon sens enseignant (pas particulièrement estimé rue de Grenelle). L’article d’O Monso relit l’expérience en CP et reprnd les travaux de Piketty et Valdenaire sur les zone sprioritaires. Il revient aussi sur d’autres études étrangères que le Café pédagogique avait signalées. » Un grand intérêt de ces études est d’aboutir, avec des méthodes différentes, à des éléments convergents quant à l’existence d’un effet de la taille des classes sur la réussite scolaire, rejoignant rejoignant les résultats déjà obtenus aux États-Unis à partir de l’expérimentation STAR et sur données israéliennes par Angrist et Lavy », écrit O Monso.
Comment traduire ce revirement dans les faits ? L’argument pourrait être utilisé par la ministre dans le cadre de son redéploiement de moyens. C’était la piste lancée par Valdenaire : on peut à moyens constants améliorer l’enseignement en zone prioritaire en réduisant fortement le nombre d’élèves par classe en transférant des postes des zones privilégiées vers les prioritaires sans affecter les résultats des élèves des zones privilégiées. Mais il faudrait pour cela un très grand courage politique. Il faut d’abord affronter les privilégiés. Pour avoir voulu réduire un peu le cout des CPGE, Vincent Peillon a du affronter une opposition qui a eu raison de lui. Il faudrait aussi investir dans des locaux en zone prioritaire. Et là aussi la résistance des maires n’est pas à négliger.
François Jarraud
Education & formation n°85