JM Blanquer l’avait annoncé depuis des semaines. Il en a fait une réponse aux suppressions de postes dans le second degré. Le ministre proposera un texte imposant dans les obligations de service une seconde heure supplémentaire obligatoire lors du Comité technique ministériel du 30 janvier. Une annonce qui suscite des refus du coté des syndicats. Mais qui pose aussi des questions en terme d’égalité des enseignants et de faisabilité.
Renforcer les inégalités
Le conseil des ministres du 19 décembre a adopté la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires des agents publics et privés à partir du 1er janvier 2019. Le même jour, le ministère de l’éducation nationale a annoncé « la transformation de 2085 ETP en heures supplémentaires » dans le second degré, ajoutant que cela « contribuera à renforcer le pouvoir d’achat des professeurs ». Les heures supplémentaires sont donc à la fois présentées comme un remède aux suppressions massives de postes et comme une politique sociale permettant de revaloriser les salaires.
Ces mesures vont surtout renforcer les inégalités entre les enseignants. D’abord parce que les enseignants du premier degré n’en bénéficient pas. Le budget 2019 ne crédite que 55 millions pour toutes les heures du premier degré qui sont e l’occurrence surtout des heures de suppléance. Un chiffre à comparer aux 978 millions versés dans le second degré pour un nombre équivalent de fonctionnaires. « Le renforcement du pouvoir d’achat » ne concernera pas la moitié des enseignants, augmentant l’écart de rémunération entre premier et second degrés.
Les inégalités dans le second degré
Mais on a aussi du mal à mesurer l’impact réel de la mesure annoncée. En effet 73% des enseignants du second degré effectuent déjà deux heures supplémentaires. Le texte ne pourra donc avoir qu’une efficacité marginale pour l’administration. Et là aussi, la mesure va renforcer les inégalités entre les enseignants du second degré.
Tous les enseignants du second degré ne sont pas égaux devant les heures supplémentaires. Déjà parce que certains n’en bénéficient pas statutairement comme les professeurs documentalistes. Surtout leur volume est étroitement lié aux corps d’appartenance. Ainsi 89% des professeurs de CPGE effectuent en moyenne 4 heures supplémentaires hebdomadaires. Pour un professeur de chaire supérieure cela rapporte 1892 € par mois sur un salaire moyen de 5560 €. 86% des agrégés effectuent des heures supplémentaires, en moyenne 3 par semaine et cela représente 467€ dans un salaire moyen de 3464 €. Chez les certifiés , 73% des enseignants effectuent des HSA , en moyenne 2 par semaine. Cela représente 182€ par lois sur un salaire moyen de 2560 €. Pour les PLP ont trouve 72% des enseignants pour 216€ sur 2690€ de salaire moyen. La défiscalisation et désocialisation va donc surtout rapporter aux enseignants déjà les mieux payés.
La répartition des HSA est aussi inégale à l’intérieur de chaque corps. Ainsi les enseignantes du second degré effectuent nettement moins d’heures, sans doute car elles ont davantage de charges familiales. Les jeunes enseignants, qui doivent déjà préparer beaucoup de cours, en font moins que les plus expérimentés. Autrement dit cette mesure creuserait les inégalités entre les enseignants.
Une communication insincère ?
On peut aussi s’intéresser sur la sincérité des annonces gouvernementales. Comme le Café pédagogique l’a révélé le 21 décembre, le budget 2019 ne prévoit pas une hausse des crédits dévolus aux heures supplémentaires du second degré correspondant aux annonces du ministre.
Le ministère a annoncé augmenter le nombre d’heures supplémentaires à hauteur de 2085 postes en 2019. Il a dit y consacrer 64 millions supplémentaires. Ce montant correspond d’ailleurs au cout des 2085postes qui seraient « remplacés » par des heures supplémentaires.
Le problème c’est que le projet de loi de finances n’inscrit que 18 millions au titre de l’augmentation des HSA en 2019 dans le second degré (page 48). Autrement dit de quoi financer seulement l’équivalent de 700 postes environ.
Il y a donc un gros écart entre la communication ministérielle sur les heures supplémentaires permettant d’améliorer le niveau de vie des enseignants et de combler le manque d’enseignants et la réalité effective du terrain qui ne prévoit ni le volume d’heures annoncé , ni la possibilité de les faire, ni une égalité de traitement des enseignants.
La réaction de la Fsu
Dans un communiqué du 9 décembre le Snes Fsu, le Snuep Fsu et le Snep Fsu ont réagi à l’annonce ministérielle. « Le ministre ne trouve rien de mieux pour revaloriser nos métiers que de dégrader les conditions de travail », expliquent-ils. « C’est du « travailler plus pour gagner plus » à moindres frais étant donné que les heures supplémentaires sont particulièrement sous payées dans l’enseignement. D’autant plus que le montant de cette deuxième heure supplémentaire, bien qu’obligatoire, sera minoré par rapport au montant de la première ».
F Jarraud