« La géographie est une science éminemment politique. Elle donne aux élèves des clés pour comprendre le monde, un monde mouvant, aux enjeux complexes, contradictoires entre économie, social et politique ». A l’occasion d’une séquence sur le prolongement du TGV vers l’Espagne, Fanny Biet, professeure d’histoire géographie au lycée Rosa Parks de Montgeron (Essonne), organise un véritable débat citoyen, retransmis sur Twitter, sur une question géographique. Une géographie prospective qui donne du sens aux enseignements, ancre les notions et fait saisir par les élèves la complexité des décisions d’aménagement et le rôle qu’y tiennent les citoyens.
Faut-il prolonger le TGV de Bordeaux à l’Espagne ?
« Je suis originaire du sud-ouest et c’est une région formidable que j’utilise souvent pour mes cours de géographie ». Voilà une bonne raison pour introduire auprès d’une classe de première Es une séquence sur le prolongement de la ligne TGV de Bordeaux à l’Espagne. « J’ai aussi des élèves qui font de la planche à Hossegor. Et la forêt des Landes, sur le trajet de la voie ferrée, c’est un enjeu qui parle à tous ». En cours les élèves ont vu les effets de l’arrivée du TGV à Bordeaux et les notions liées aux flux. Ce qui prépare la séquence sur le prolongement du TGV.
« Je démarre avec un argumentaire proposé par le manuel Magnard qui oppose le président du conseil régional d’Aquitaine et une association écologiste sur ce projet de prolongement. Je leur demande de lire les textes et de repérer les arguments », explique F Biet. Ils ont alors trois jours pour se préparer au grand débat.
Un débat qui montre la complexité des décisions d’aménagement
La séquence de cours suivante est totalement consacrée au débat. F Biet distribue les rôles aux élèves. Une dizaine de groupes prépare un argumentaire précis en fonction de l’identité que le groupe endosse. Les élèves peuvent se retrouver maire d’une commune rurale ou de Dax ou Hossegor. Trois groupes représentent des habitants différents : un télétravailleur dont l’employeur est à Paris, une lycéenne de terminale de Dax, un agriculteur bio. Trois prennent l’identité de patrons d’entreprises plus ou moins impactées par la ligne. Il y aussi place pour un militant écolo ou la petite fille d’un espagnol de la Retirada qui a gardé des liens avec l’Espagne. D’autres élèves sont modérateurs ou secrétaires. Et une petite équipe doit animer le compte Twitter de la classe pour y répercuter le débat.
La classe est réaménagée avec au centre les 11 débatteurs assistés chacun de deux assistants. « C’est important de développer leur capacité à débattre », estime F Biet. « Avec leur smartphone ils vont trouver des arguments en fonction de leur rôle. Mais ils doivent aussi apprendre à écouter, à ne pas couper, à utiliser les arguments des autres pour faire passer leurs idées ».
Argumenter et écrire sur Twitter
« Les élèves apprennent à être réactifs et pas seulement à trouver des arguments », explique F Biet qui juge cette compétence intéressante pour les TPE. La trace écrite finale est préparée par les secrétaires de séance. C’est l’occasion de reprendre les notions vues en cours.
Et Twitter dans tout cela ? « La moitié de l’année en EMC on traite des médias . Il me semble intéressant qu’ils en utilisent un », explique F Biet. « Les élèves étaient très contents. Ils ont du imaginer un processus pour valider les tweets entre les 6 tweetos (compte @RosaParks91) et surtout apprendre à rédiger les tweets. Ils étaient très heureux d’avoir une réaction ».
Pour une géographie citoyenne
Pourquoi un débat en géographie et pas seulement un cours ? « La géographie est une science éminemment politique. Elle donne aux élèves des clés pour comprendre le monde, un monde mouvant, aux enjeux complexes, contradictoires entre économie, social et politique », nous dit F Biet. « Le débat rend compréhensibles des notions qui peuvent sembler lointaines et ça aide à apprendre. Et il y a un enjeu de citoyenneté. Notre métier est beau car on forme des jeunes à penser qu’ils auront du pouvoir comme citoyens. Et les projets d’aménagement en sont un bon exemple ».
Pour F Biet, la géographie prospective , comme cette séquence, met les élève en situation active et leur fait toucher du doigt la complexité du monde. « Cette géographie leur donne une grille de compréhension du monde avec ses enjeux complexes, mouvants et contradictoires. Il est important que les élèves voient que les citoyens sont des acteurs et que les décisions politiques sont difficiles à prendre ».
Ne le répétez pas , mais, citoyenne du sud-ouest, Fanny Biet serait plutôt pour le prolongement de la ligne TGV. « Je pense aux habitants de Dax et aux lycéennes qui comme mes élèves doivent penser à leur avenir universitaire ».
François Jarraud