« S’orienter cela s’apprend » dit Frédérique Alexandre-Bailly, la directrice générale de l’Onisep. L’orientation est une préoccupation majeure et partagée par les familles, les équipes pédagogiques et les élèves. Elle est un enjeu essentiel de l’école pour l’avenir de chaque élève et ce d’autant plus que les orientations restent marquées par les origines sociales. L’Onisep lance une plateforme Avenir(s). A cette occasion, le Café pédagogique a rencontré Frédérique Alexandre-Bailly.
L’Onisep lance la plateforme Avenir(s). Pouvez-vous nous la présenter ?
En matière d’orientation, il y a aujourd’hui beaucoup d’informations éparpillées sur de multiples media papiers ou numériques, à commencer par les différents sites et brochures de l’Onisep. Il nous a semblé important de rassembler au même endroit les éléments utiles aux élèves et à leurs accompagnateurs pour construire peu à peu des représentations et des projections vers un futur métier à la fois ambitieuses et réalistes. La plateforme Avenir(s) a été conçue avec des élèves, des enseignants, des cadres de l’Éducation nationale, des psy-En, des chercheurs et des experts de l’orientation pour apporter aux élèves et aux équipes éducatives une éducation et un accompagnement à l’orientation dans une logique de simplicité de service et de continuité dans le temps.
Concrètement, elle se présente sous la forme d’interfaces de couleurs différentes : verte pour les élèves, orange pour les accompagnateurs et jaune pour les pilotes. Chaque année, de la cinquième à la terminale, l’élève a son interface, adaptée au moment de sa scolarité. Nous avons défini avec la DGESCO des objectifs annuels par classe, entre 2 et 4 objectifs. Par exemple en troisième, l’élève doit apprendre à connaître les différentes voies de poursuites d’études, choisir celle qu’il préfère et trouver le stage de troisième qui lui permettra d’avancer dans ses réflexions. En seconde générale et technologique, l’élève devra connaître les différences entre voie générale et technologique, découvrir les différentes séries technologiques, prendre connaissance des différents enseignements de spécialité, trouver son stage de seconde et faire ses choix pour la première et ainsi de suite. Pour chacun des objectifs, la plateforme propose des activités (lectures, rencontres, vidéos, quiz) et demande à l’élève de dire s’il lui semble avoir atteint ou pas cet objectif ou s’il a besoin de plus d’éléments. L’élève dispose également d’un agenda annuel de l’orientation sur lequel il va trouver des événements et actions prescrites par ses enseignants, par exemple : préparer tel salon auquel la classe doit se rendre, lister ses premiers choix de stages… Il peut aussi choisir en fonction de ses besoins des activités ou événements qui pourront progressivement être proposés par l’établissement, l’académie ou la région, et les intégrer à son agenda. Cet agenda est en même temps une progression pédagogique, réalisée par l’Onisep et la DGESCO et proposée aux enseignants pour chaque niveau de classe avec possibilité de l’amender complètement.
L’enseignant va pouvoir choisir des activités pédagogiques au sein d’une banques de plus de 700 activités qui pourront dès avril 2025 être totalement libres de modification et d’appropriation, en plein respect de la liberté pédagogique. En plus de l’agenda et des objectifs annuels, l’élève a accès à des contenus qu’il peut consulter librement : des films, des interviews… ainsi qu’à une banque d’outils, adaptés à son niveau de classe.
Par exemple pour les lycéens, l’outil « Mon Projet Sup » permet de mieux préparer ses choix de formation sur Parcoursup et d’élargir ses horizons. Enfin chaque élève dispose d’un portfolio, qui reprend les fonctionnalités de FOLIOS, qui va disparaître fin décembre au profit d’Avenir(s). Ce portfolio permettra progressivement à l’élève de conserver toutes les traces dont il a besoin, de mesurer l’évolution de ses compétences à s’orienter, en fonction des activités qu’il a réalisées sur la plateforme, des ressources qu’il a « likées ». Il y aura au fur et à mesure du déploiement de la plateforme de nouveaux outils, y-compris ceux proposés par d’autres ministères et par des partenaires de confiance, tels que les régions ou certains acteurs associatifs.
Pour qui est-elle conçue ?
La plateforme a été conçue d’une part pour les élèves et d’autre part pour leurs accompagnateurs : enseignants, dont les professeurs principaux, Pychologues de l’Education nationale…. Elle se veut simple et vise à faire prendre conscience qu’on ne fait pas un choix sans l’avoir bien préparé. Autrement dit, s’orienter cela s’apprend. Personne ne peut tout savoir sur les poursuites d’études possibles, sur les formations à suivre pour accéder à tel secteur d’activité… La plateforme s’appuie sur les bases de données de l’Onisep pour donner un accès à ces informations et pour simplifier la vie des accompagnateurs. Par exemple, sur l’interface du professeur, il y a un accès à une ligne directe vers le service des conseillers experts de l’Onisep. Cette ligne, AllOnisep, sera ouverte tous les jours de semaine de 16h à 18h début 2025 et permettra de parler à un conseiller pour lui demander comment avancer sur tel ou tel sujet, où trouver de l’information, que répondre à telle interrogation…
Pour être offrir un service adapté, nous avons d’abord écouté des jeunes, des enseignants professeurs principaux, professeurs documentalistes, référents découverte des métiers et des enseignants de collèges, lycées professionnels, lycées généraux et technologiques en général, des psy-EN, des CPE, des chefs d’établissement et nous leur avons recueilli leurs besoins en matière d’orientation. Nous avons alors conçu des outils que nous avons testés et retestés auprès d’eux. Nous avons démarré début novembre la quatrième phase de bétatest, auprès de 340 collèges, lycées et CIO, répartis dans toutes les académies Cela représente un potentiel de 200 000 élèves de la cinquième à la terminale. En décembre nous ouvrons à tous les lycéens puis à tous les collégiens. L’an prochain, nous étendrons la plateforme aux élèves de première année d’enseignement supérieur, de façon d’une part à offrir une poursuite de réflexion à ceux qui en BTS ou en CPGE ont besoin de réfléchir à la deuxième étape après le bac plus 2, mais aussi à permettre à ceux qui souhaitent se réorienter, de conserver leurs éléments et de recourir encore à la plateforme, où qu’ils soient après le lycée.
La démarche s’appuie sur l’acquisition de compétences sociales. Pourquoi cette approche ?
La démarche qui sous-tend Avenir(s), nous l’avons baptisée « savoir devenir soi, pour soi, pour les autres, ensemble pour la planète ». Elle considère l’adolescent comme un être entier, pas uniquement un élève de telle ou telle discipline, pas seulement un élève tout court, mais une personne en construction qui ne se rend pas toujours compte spontanément ni de ce qui lui plaît vraiment, ni de ce qui constitue une force et une particularité chez lui ou chez elle. Nous invitons donc cet adolescent à suivre le parcours Avenir(s) en naviguant constamment entre quatre pôles :
- Celui de ses envies, de ses appétences, de ses préférences
- Celui de son « niveau » de connaissances et de compétences, sans le restreindre à ses activités scolaires, mais en l’enrichissant de l’ensemble de ses activités, qu’elles se réalisent dans le cadre de l’école, dans un cadre formel à l’extérieur de l’école ou bien encore dans un cadre informel.
- Celui des attentes tant des formations qu’il vise, que des employeurs des secteurs qui l’intéresse
- Celui de ses valeurs et de ses envies de changer le monde et en particulier le monde du travail et son impact sur les 17 objectifs de développement durable
Pour cela, nous le formons peu à peu à développer ses compétences à s’orienter et nous l’invitons à se positionner sur le référentiel des compétences du 21è siècle qui correspond aux compétences transversales nécessaires pour faire face aux défis de notre époque. Ces compétences, qui font la différence entre deux candidats à un stage ou un emploi, resteront utiles en cas d’évolution professionnelle et pourront servir de base à d’autres apprentissages pour aller vers des métiers qui n’existent pas encore.
Comment valoriser les compétences des élèves pour accompagner leur orientation ?
Notre modèle pose d’une part que lorsque les élèves seront plus conscients de leurs compétences, et des compétences attendues par les cibles qu’ils visent, ils pourront mieux choisir des métiers correspondant à leurs compétences actuelles et projetées. D’autre part, nous développons des outils sur la plateforme pour aider les élèves à se valoriser auprès des employeurs pour montrer leur potentiel de compétences. Nous travaillons depuis deux ans avec 35 associations d’égalité des chances et avons entamé également un travail auprès des associations d’éducation populaire et avec Info Jeune France et son réseau de Points Information Jeunesse, de même que nous avançon avec la PJJ et l’ASE pour que tous les accompagnateurs/éducateurs/conseillers jeunesse soient sensibilisés à nos concepts et puissent pointer à un jeune que dans telles activité ils ont vraiment fait preuve d’un niveau important sur telle ou telle compétence. Nous pensons que cela pourra concourir à plus de confiance, plus de réussite et plus d’égalité des chances.
Tout numérique ?
C’est le numérique au service de plus et de mieux de relation humaine : la plateforme est « responsive » pour que les élèves puissent l’utiliser facilement sur leur smartphone, mais elle est aussi complètement intégrée à un environnement qui facilite l’accompagnement et permet aux enseignants d’accéder facilement à l’information et de visualiser de quoi ont besoin les élèves les plus en difficulté.
Propos recueillis par Djéhanne Gani