La Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie est célébrée tous les 17 mai. Sauf à l’Ecole en France ? L’association SOS Homophobie a publié son rapport annuel : elle a reçu 1575 témoignages, soit 19,5% de plus qu’en 2016 ! Parmi les constats : une nette augmentation de la haine envers les personnes trans, une parole qui sur internet exprime, anonymement, ouvertement, de plus en plus fréquemment, insultes et rejet, une homophobie qui reste importante au quotidien, en famille ou au travail. A l’Ecole en particulier, l’homophobie est hélas présente et, en témoignent beaucoup, très destructrice : chacun.e, enseignant.e, personnel de direction, ministre, en prendra-t-il la mesure pour enfin agir ?
Etat des lieux
Dans l’Education nationale et à l’université, les victimes élèves et étudiant-e-s sont majoritaires parmi les cas rapportés, mais les enseignant-e-s représentent 15 % des victimes des cas relatés, victimes des chefs d’établissement, des parents d’élèves ou des élèves eux-elles-mêmes. Les manifestations LGBTphobes sont aussi dirigées contre les enfants de parents homosexuel-le-s, « ostracisé-e-s mais aussi généralement harcelé-e-s en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, réelle ou supposée, de leurs parents. »
Cette homophobie scolaire est d’autant plus violente et douloureuse que les victimes sont des jeunes en train en pleine construction de leur identité, y compris de genre et d’orientation sexuelle : « Il n’est pas rare que les victimes soient alors réduites à leur seule orientation sexuelle ou leur identité de genre et stigmatisées pour ces raisons. Leur expérience scolaire peut alors se résumer à des insultes et un harcèlement LGBTphobes. »
L’association souligne combien le système éducatif peine à se confronter à la question. Le personnel enseignant et la direction des établissements peuvent « faire preuve de lâcheté en affirmant ne pouvoir rien faire, et en conseillant de saisir la justice. » Il arrive parfois qu’avec bonne volonté, mais faute de formation, ils commettent de fâcheuses bévues, ou même dans certains cas qu’ils participent à l’humiliation et à l’exclusion : « Chloé, 16 ans, nous raconte avoir été convoquée pour avoir embrassé sa copine : Le proviseur a menacé de m’exclure si je continuais à “répandre des idées contre-nature”.»
Trois témoignages parmi d’autres
« Lou, dont les parents ont divorcé et qui vit chez son père, est une collégienne qui assume complètement son orientation sexuelle. Elle décide de ne pas cacher sa petite amie à ses camarades. Mais ceux-ci s’en prennent alors à elle tout au long de l’année. Elle « cherche à [s]e faire disparaître », devient anorexique et commence à se scarifier. Pour s’en sortir, elle décide de partir vivre chez sa mère où elle retrouve du soutien, puis de changer de style vestimentaire pour devenir une autre personne. »
« Noémie a 4 ans et rencontre des difficultés à l’école, selon son institutrice. Elle est même punie tous les jours. Ses mères s’inquiètent, sollicitant des explications de la part de la petite fille et du corps enseignant. Noémie leur explique que des camarades lui ont dit que « c’est interdit d’avoir deux mamans ». Réussissant à s’entretenir avec l’institutrice, cette dernière se dérobe. Elle ne veut pas « prendre parti ». La directrice de l’équipe pédagogique la soutient et déclare : « Vous avez fait le choix d’avoir des enfants, vous devez donc vous débrouiller. » L’institutrice conclut l’entretien : « En tout cas Noémie semble équilibrée malgré le fait d’avoir deux mamans. »
« Bruno, 17 ans, est en terminale et est victime de harcèlement et d’insultes homophobes de la part d’un groupe d’élèves. Les menaces dépassent le cadre du lycée et se retrouvent sur les réseaux sociaux. Lors d’une conversation de groupe, on lui explique qu’il faudrait le « mettre au bûcher ». Lorsqu’il alerte le CPE et le proviseur adjoint, ces derniers affirment qu’ils ne peuvent rien faire et que la seule solution est judiciaire. »
Que fait l’Ecole ?
L’Ecole se donne-t-elle vraiment les moyens d’agir ?
On se souvient des ABCD de l’égalité, lancés à la rentrée 2013 par la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem et abandonnés l’été 2014 par le ministre de l’Education nationale Benoit Hamon. Désertion d’un champ de bataille qui continue à faire des victimes, cette décision rangeait la lutte contre le sexisme et l’homophobie « dans le placard » politique. Le nouveau gouvernement reprendra-t-il un indispensable combat ?
Certes, çà et là, des actions ont lieu et des personnels se mobilisent. SOS Homophobie nous le rappelle : « Afin de lutter contre les stéréotypes, la formation des encadrant-e-s et l’instauration d’espaces de discussion pour les élèves sont nécessaires. » L’association d’ailleurs y participe en organisant des interventions en milieu scolaire, en en proposant dans tous les lieux d’enseignement et, lorsqu’elles en font la demande, dans les établissements scolaires des victimes.
On ajoutera que la question appelle à mettre réellement en œuvre, à tous les niveaux, une réelle Education aux Médias et à l’Information : pour contrer l’homophobie qui, comme le montre le rapport, déferle sur certains sites et réseaux sociaux, pour décrypter et dépasser les stéréotypes de genre qui font des ravages dans trop d’images et propos diffusés, pour aider chacun à se comporter, aussi en ligne, en tant que citoyen éclairé.
Jean-Michel Le Baut
Le rapport SOS Homophobie 2017
Sur le site ministériel
Un projet pédagogique de Claire Augé sur Facebook
Les ABCD de l’égalité
La fin des ABCD
Défaire les préjugés chez les petits
L’Ecole veut éduquer contre l’homophobie